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Questions au ministre de l’Economie

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Travail : égalité femmes/hommes
Madame la présidente, monsieur le ministre, comment faire redémarrer la croissance sans contribuer à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ? Comme l’affirme un récent rapport de l’OCDE, une diminution de 50 % de l’écart hommes-femmes en termes de taux d’activité devrait aboutir à une hausse du taux de croissance du produit intérieur brut par habitant de 0,3 %. On peut, sans dénaturer le propos, dire que la relance de notre économie nécessite une politique publique de lutte contre les inégalités hommes-femmes en matière de salaire et d’accès à l’emploi. Envisager la question de l’égalité sous l’angle de son efficacité économique n’est pas une approche courante mais elle n’en mérite pas moins que l’on s’y arrête. En effet, il existe d’énormes différences quantitatives et qualitatives entre les emplois des hommes et ceux des femmes.
En matière de quantité, l’accroissement du taux d’emploi des femmes demeure une priorité du programme national de réforme pour 2013 de votre ministère, monsieur le ministre, mais il n’en reste pas moins défini comme un sous-objectif. Pourtant, si le taux d’emploi des femmes de vingt à soixante-quatre ans était de 65 % en 2012, l’inactivité des femmes vivant en zone urbaine sensible est supérieure de 20 % à celle des hommes. Dans ces quartiers, moins d’une femme sur deux dispose d’un emploi. En termes de qualité, 30 % des femmes travaillaient à temps partiel en 2011 contre 7 % des hommes, soit un doublement en vingt ans. De même, 27 % des emplois occupés par les femmes sont considérés comme non qualifiés contre 14 % des emplois occupés par des hommes, alors que les filles sont plus diplômées que les garçons. Tout cela constitue autant d’éléments qui pèsent sur les inégalités en termes de salaires, donc de retraite et de pouvoir d’achat. Aussi souhaité-je connaître, monsieur le ministre, les mesures que vous comptez prendre pour favoriser le progrès de l’égalité des femmes au travail en vue de la reconnaissance de leurs droits et de la relance de notre économie.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Arnaud Montebourg, ministre. Autant la TVA sur les activités équestres ne concerne que le ministre du budget, autant l’égalité hommes-femmes est un sujet qui concerne tous les ministères. Je vais donc vous répondre, madame la députée, car j’ai fait moi-même le constat dans l’industrie, dans l’économie très productive comme dans l’industrie innovante, que les métiers féminins ne vont pas de soi. Souvent, les emplois féminins sont des emplois considérés comme subalternes et non pas des emplois de direction ou d’entraînement. Nous avons là un premier problème. Le second, ce sont les déséquilibres et les discriminations entre les niveaux de salaire. Vous évoquez l’analyse par de nombreuses organisations internationales des bénéfices qu’apporterait une application plus marquée et plus universelle de l’égalité salariale dans l’économie française. Certains mouvements, particulièrement dans les économies anglo-saxonnes, ont démontré que l’on peut espérer des gains de croissance considérables de l’égalité hommes-femmes. D’ailleurs, les États-Unis et le Japon ont inscrit ce que l’on appelle les « womenomics » au cœur de leurs stratégies de croissance.
Vous avez évoqué, madame la députée, le programme national de réforme. Il ne m’est pas indifférent, car je suis chargé de le mettre en œuvre. Nous avons fait, avec Najat Vallaud-Belkacem, beaucoup de choses. Il faut continuer et intensifier l’effort. L’emploi des femmes est l’un des objectifs de la réforme du congé parental et du plan crèches. Surtout, nous voulons promouvoir l’entrepreneuriat féminin. Aujourd’hui, 30 % seulement des nouvelles entreprises sont dirigées par des femmes et 10 % seulement dans les secteurs de l’innovation. Nous sommes très en retard par rapport à nos voisins. Nous voudrions donc, et tel est selon moi le rôle du leadership politique mais aussi économique, montrer l’exemplarité des expériences de direction féminine d’entreprise.
Je mène moi-même ce travail lorsque je me rends dans les entreprises. Il n’est pas rare de voir une ou deux femmes au milieu de cinquante à cent hommes, auxquels je dis alors : « Vos filles qui grandissent, messieurs, les encouragez-vous à embrasser ce métier dont vous êtes si fiers et dans lequel on fait travailler ses mains et donc sa tête, car c’est cela aussi, le travail sur la matière ? » En 2014, année de la mixité des métiers, un certain nombre de mesures ont été prises. Nous stimulons, dans la France industrielle, le soutien à l’entrée des femmes dans des métiers traditionnellement considérés comme masculins. Nous soutenons l’entrepreneuriat par des fonds de garantie à l’initiative de femmes soutenant l’entrepreneuriat féminin. En outre, 5 000 accords ou plans ont été déposés auprès de l’administration pour l’application des lois d’égalité. Bref, nous vivons dans une société en mouvement qui doit poursuivre son chemin ! Tel est l’esprit dans lequel nous travaillons. Si vous avez des idées supplémentaires, madame la députée, je suis preneur !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.
Charges financières du coût du capital
Madame la présidente, monsieur le ministre, les actionnaires et les banques qui financent l’économie se servent grassement. Certains économistes estiment que le surcoût du capital équivaut à une ponction annuelle de 130 milliards d’euros. Cette charge financière ne cesse d’augmenter. Elle représentait en effet 30 % des profits avant 1981 contre 90 % aujourd’hui. Elle pèse lourdement sur les salaires, l’emploi et l’investissement. Que produisent exactement les actionnaires ? Rien ! Ils ont simplement le privilège de posséder de l’argent quand d’autres n’ont que leur travail pour vivre. François Hollande disait que la finance est son ennemi et il me semble qu’il le dit encore. Certes, la BPI a été mise en place, mais elle n’a pas le caractère d’établissement public de crédit, elle ne peut se refinancer auprès de la Banque centrale européenne, et sa dotation est insuffisante. Il faut mettre en place un mode de financement alternatif aux marchés financiers et aux banques privées.
Si la taxe de 3 % sur les dividendes versés a été votée, elle n’empêche pas leur versement. Ainsi, la distribution des dividendes au sein du CAC 40 a augmenté l’année dernière de 6 %, quand bien même les profits diminuaient de 8 % ! Il faudrait une taxation bien plus forte ! Le rapport Gallois pour l’industrie proposait de taxer les rachats d’actions, mais cette idée n’a jamais été suivie d’effet. La solution juste pour libérer la production est de s’attaquer à la rente. Baisser la rémunération des capitalistes de 130 milliards d’euros, monsieur le ministre, cela représente quatre fois le montant de votre pacte de responsabilité injuste et inefficace. Notre pays a ainsi largement les moyens d’augmenter les salaires et l’emploi sans perte de compétitivité, puisque telle est votre obsession. Il y a quelques minutes, ma collègue Marie-George Buffet vous a parlé de la situation des femmes salariées. Que proposez-vous, monsieur le ministre, pour réduire le coût parasitaire du capital ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Arnaud Montebourg, ministre. Je tombe d’accord avec vous, monsieur le député Jean-Jacques Candelier, que le prix du capital dans l’économie productive peut devenir un problème. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons créé la Banque publique d’investissement, dont l’objectif est de promouvoir un capital moins gourmand et plus patient. Plus patient, c’est-à-dire qui ne demande pas des résultats à court terme ; moins gourmand, c’est-à-dire qui n’exige pas une rentabilité excessive et qui accepte, comme dirait le Prix Nobel d’économie M. Stiglitz, « la modération de sa cupidité ». D’ailleurs, la Banque publique d’investissement est l’un des bras armé du redressement productif de notre économie. Son directeur a pour mandat, j’en discutais encore cette après-midi avec le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations qui en est l’autre actionnaire, d’augmenter la disponibilité des crédits à l’économie qui en a besoin et qui en est aujourd’hui évincée par ce que l’on appelle l’aversion au risque d’un certain nombre d’acteurs du système financier et bancaire.
Pouvons-nous dire aujourd’hui que la situation s’améliore ? Premièrement, les taux d’intérêt sont les plus bas de l’histoire économique en termes nominaux. Ils demeurent toutefois lourds en termes réels, car l’inflation est très basse. C’est pourquoi le Premier ministre et moi-même avons salué la décision de la Banque centrale européenne, avec l’objectif, que se sont fixé M. Draghi et les gouverneurs de la BCE, de ramener l’inflation à 2 %. Des taux d’intérêt négatifs, égaux à zéro ou légèrement positifs et une inflation à nouveau proche de 2 %, soit l’objectif de la Banque centrale européenne aujourd’hui alors qu’elle est actuellement entre 0,5 % et 0,7 %, voilà la garantie que le coût du capital sera encore plus accessible.
Pour compléter ma réponse, monsieur le député, permettez-moi de vous dire que les taux de marge des entreprises se sont réduits. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons fait un effort pour améliorer la compétitivité de nos entreprises. Nous veillons d’ailleurs à la modération du prix des facteurs de production, c’est-à-dire le coût du travail, le coût de l’énergie, enjeu considérable qui sera discuté dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, et le coût du capital. Nous en avons besoin pour redresser l’économie française et lui permettre de reconquérir des marchés et de se remettre à produire, ce que nous ne pouvons pas faire si les prix dans leur ensemble sont prohibitifs. Votre préoccupation du coût du capital est aussi légitime que celle du coût du travail.

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