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Discussions générales

Questions au ministre de l’Education nationale

Mme la présidente : La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Moratoire regroupement des universités
Monsieur le ministre, lors du débat sur la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, j’avais fait part de mon opposition à l’orientation qui la sous-tendait : mettre l’université et la recherche sur les rails de la seule compétitivité. Or, les difficultés engendrées par cette loi, combinées aux conséquences de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, la loi LRU, se font sentir. Je veux ici parler des regroupements entre universités, opérés à marche forcée. Fortement incitées à concevoir leurs projets en fonction de leur capacité à concourir aux appels à projets d’investissement d’avenir, et non de leur utilité scientifique et pédagogique, les universités se voient aujourd’hui contraintes à ces regroupements. Ceux-ci s’inscrivent dans un modèle d’enseignement supérieur et de recherche à deux vitesses, où des universités de recherche intensive à dimension mondiale coexisteraient avec des universités de taille régionale, établissements de seconde zone chargés du seul cycle de licence et déconnectés de la recherche.
La coopération utile et fréquente entre universités risque de se trouver désormais pilotée par des regroupements soumis aux restrictions budgétaires, Mme la secrétaire d’État ayant annoncé une réduction des moyens de 1,6 milliard d’euros entre 2014 et 2017. La précipitation à l’œuvre pour y procéder génère de fortes inquiétudes chez les personnels et les étudiants, comme en témoignent les mobilisations des prochains jours. La logique territoriale qui les guide n’est pas pour nous rassurer au regard de la prochaine réforme territoriale et des conséquences qu’elle risque d’avoir sur le lien entre les régions et l’enseignement supérieur et la recherche.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si vous comptez entendre le CNESER et les syndicats de l’université, qui demandent tout simplement un moratoire dans la mise en œuvre des regroupements, permettant de retravailler les structures et les modalités de coopération des établissements d’enseignement supérieur et de recherche ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Benoît Hamon, ministre. Madame la députée, vous évoquez l’engagement des universités à se regrouper, sous différents statuts, sous des formes dont vous regrettez qu’elles donnent trop de place à la recherche de la compétitivité des pôles universitaires et de leur mise en concurrence avec les universités américaines, anglo-saxonnes, européennes. Aussi, je veux vous apporter quelques précisions.
Au moment où les principaux traits du nouveau paysage universitaire et scientifique s’affirment et où les questions qui y ont trait alimentent le débat public, ce qui est privilégié, à travers ces regroupements universitaires, est la coordination territoriale.
Comme vous le savez, c’est au début des années 90 que naissent, sous l’impulsion de Lionel Jospin, les premiers regroupements, sous la forme de pôles européens d’enseignement supérieur et de recherche puis, de manière plus institutionnelle, sous la forme des PRES, les pôles de recherche et d’enseignement supérieur. Les PRES ont contribué à déployer une culture de la coopération qui manquait parfois dans un monde universitaire et scientifique souvent cloisonné et dispersé, voire atomisé. Mais ils ne pouvaient être qu’une étape dans la recherche de synergies mieux adaptées aux défis d’aujourd’hui.
Plus que jamais, la mutualisation est un atout pour l’offre de formation et pour la réussite des étudiants. Notre ambition dans ce domaine est de conduire 50 % des jeunes de chaque génération jusqu’au niveau de la licence. Et nous pensons que c’est aussi un atout pour ce qui concerne le rayonnement de la recherche. Dès lors que cette nécessité est reconnue et affirmée dans la loi, il fallait la traduire rapidement.
Comme vous le savez, la loi est très claire et prévoit trois modalités de regroupement : la fusion, la mise en place d’une COMUE, Communauté d’universités et établissements, ou l’association autour d’un établissement. Je tiens à le souligner, aucun de ces choix ne doit être imposé. Ce serait contraire à la culture universitaire. La loi ne produira d’effet que si les acteurs de terrain se l’approprient et l’incarnent, et donc si les choses sont décidées au plus près des territoires. Pour avoir discuté avec plusieurs présidents d’université, je peux vous dire que lorsque les questions de gouvernance ont été posées avant les questions de projet universitaire ou de projet de recherche, les regroupements ont été systématiquement beaucoup plus difficiles. Là où les logiques de projet, de coopération territoriale ont primé sur les questions de gouvernance, ils ont été plus faciles.
Ainsi, les COMUE représentent la plus grande part des vingt-cinq regroupements prévus à ce jour : près de vingt. Ce qui les caractérise, c’est leur diversité. Malgré quelques résistances locales, souvent parisiennes, on observe partout le même souci de respecter l’esprit de la loi tout en construisant des regroupements en phase avec la spécificité de chaque territoire.
À ce jour, nos services ont été destinataires de quinze projets de statut des COMUE sur vingt attendus, dont six sont d’ores et déjà finalisés. Les sites ayant fait le choix d’une organisation fondée sur une association à un établissement chargé de les représenter ont, de par la loi, encore un an pour finaliser les conventions d’association, mais les discussions sur les cinq sites concernés sont d’ores et déjà très avancées.
Nous portons une attention toute particulière aux projets ambitieux mais complexes qui s’étendent sur plusieurs régions. Nous accompagnons également les quelques projets parisiens qui peinent à aboutir, dont celui qui concerne l’université de Paris 8 Vincennes Saint-Denis, où j’ai été moi-même enseignant, qui, dans le cadre d’un regroupement Paris Lumières, pourrait s’associer avec l’université de Paris 10. Enfin, nous portons une attention spécifique aux territoires ultramarins.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.
Réforme des rythmes scolaires
Monsieur le ministre, vous devez entendre la déception et la colère des enseignants, des parents et de l’ensemble des acteurs de l’éducation : la réforme des rythmes éducatifs ne permet pas de répondre aux aspirations de nos concitoyens à une éducation ambitieuse pour leurs enfants. Malgré l’engagement des habitants des communes, des élus, de l’ensemble des acteurs de l’éducation et du loisir éducatif, nous ne pouvons trouver une manière satisfaisante de l’appliquer.
Le chantier de la réflexion sur les temps éducatifs doit être rouvert dans une clarification des spécificités et des fonctions de chaque espace, dans le dialogue et la négociation avec l’ensemble des acteurs.
Nous en sommes convaincus, l’école de la réussite de tous doit se faire durant le temps scolaire obligatoire assuré par l’éducation nationale. C’est la condition de l’égalité sur tout le territoire. Votre réforme des rythmes favorise au contraire la territorialisation de l’éducation et porte en elle l’accroissement des inégalités entre les communes, et donc entre les enfants du pays. Elle installe la confusion entre les missions du service public d’éducation nationale et celles du périscolaire, la concurrence entre les enseignants et les animateurs, le tout au détriment de la qualité de l’éducation apportée à nos enfants. Elle fait du temps périscolaire un substitut aux heures d’écoles supprimées par la droite. Or les loisirs éducatifs sont un domaine spécifique, différent de l’éducation scolaire.
En outre, sur ce plan du loisir éducatif, la réforme des rythmes entérine les inégalités entre les communes, d’autant qu’elle arrive à l’heure où une austérité renforcée est imposée à ces dernières, avec la baisse de leurs dotations. C’est pourquoi nous vous demandons de ne pas imposer la réforme des rythmes à la rentrée 2014 et, au minimum, de pérenniser les aides de l’État pour toutes les communes.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Benoît Hamon, ministre. Monsieur le député, si je vous écoutais, si nous ne généralisions pas la réforme des rythmes scolaires à la rentrée prochaine, nous accéderions à la revendication de certains en faveur du libre choix, ce qui entraînerait une vraie territorialisation de l’éducation nationale. Si nous laissions faire cela, les inégalités n’en seraient que plus grandes demain. Je récuse cet argument de la territorialisation de l’éducation nationale au moment même où j’annonce la généralisation d’une réforme et des principes posés par les décrets de janvier 2013 et de mai 2014 pour organiser les nouveaux temps scolaires.
La réalité, c’est que l’école a trop souvent été l’objet de changements en fonction des intérêts des adultes et pas assez de ceux des enfants.
La vraie rupture avec cette réforme, c’est que ce ne sont plus les intérêts des adultes qui priment sur l’intérêt des enfants.
Ce n’est vraiment pas facile à mettre en œuvre, mais cessons d’instrumentaliser ce qui nous arrange ! Ce n’est pas votre cas, monsieur le député, mais c’est ce que j’ai pu entendre dans la bouche de parents d’élèves ou d’enseignants.
Que nous disent les enseignants des 4 000 communes qui ont mis en place la réforme des rythmes scolaires dès 2013 ? À titre personnel souvent, ils n’y étaient pas très favorables, car cela les mettait parfois dans une situation d’embarras pour ce qui est de l’articulation entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Toutefois, en dépit de cela, ils reconnaissent qu’il y a un vrai bénéfice, incontestable, pour les enfants, notamment ceux qui rencontraient des difficultés. C’est à partir de ces retours d’expérience que nous allons construire les formations à l’endroit de toutes les communes où nous allons généraliser la réforme des rythmes scolaires.
Pour ces raisons, je continuerai, et tout le Gouvernement avec moi, non à m’arc-bouter mais à défendre avec conviction cette réforme, même si je tiens compte de certains des arguments que vous avez pu évoquer. Je répète que le fonds d’amorçage pour les communes qui connaissent les plus grandes difficultés sera pérennisé. Toutefois, je précise que la frontière entre bonne et mauvaise mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires ne s’est pas établie entre communes riches et communes pauvres. Il y a des communes pauvres où l’organisation de l’activité périscolaire est très performante en raison d’un projet éducatif vivant, et des communes riches qui, parce qu’elles n’y avaient pas travaillé avant, se retrouvent parfois un peu plus démunies.
Quoi qu’il en soit, et indépendamment du volet périscolaire, les élèves gagneront à passer un matin de plus dans la classe devant leur professeur. Tous ici, nous avons travaillé soit le mercredi matin, soit le samedi matin. Et l’on voudrait pour nos enfants ce que nous n’avons pas subi ? Travailler quatre jours fait de la France le pays le plus exotique d’Europe et de l’OCDE. Il était temps de mettre fin à cette forme de singularité. Je pense qu’à la fin de l’année 2014-2015, nous reparlerons des bénéfices de la réforme des rythmes scolaires pour tous les enfants de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

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