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Questions au Ministre de l’Intérieur

Monsieur le ministre, je souhaite tout d’abord vous interroger, à la suite de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme le 19 janvier 2012 pour le placement en rétention d’une famille avec deux enfants en bas âge, sur la rétention d’étrangers mineurs.
Alors que toute rétention d’étranger mineur aurait dû cesser, selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le Défenseur des droits, un collectif de soixante professeurs de droit et de nombreuses associations de défense des droits de l’homme, la situation semble quelque peu différente. Certes, vous avez publié le 6 juillet 2012 une circulaire visant à restreindre le recours à la rétention administrative des familles, mais il ne s’agit là que d’une restriction et non d’une interdiction. J’ajoute que cette circulaire ne vise que les enfants accompagnés de leurs parents et ne dit rien du problème que constitue la rétention administrative des enfants étrangers isolés.
Je souhaite donc vous poser trois questions à ce sujet.
Première question : êtes-vous en mesure de nous indiquer précisément le nombre d’enfants placés en rétention depuis la circulaire du 6 juillet 2012 ?
Deuxième question : pouvez-vous nous donner un éclairage plus spécifique sur Mayotte, qui est exclue du champ de la circulaire ? Si l’on en croit la Cimade, des enfants et leurs parents sont enfermés chaque jour dans un centre de rétention jugé inhumain et dégradant.
Troisième question : pouvez-vous nous dire si vous entendez prendre des mesures concrètes pour garantir la conformité de nos pratiques administratives et des textes réglementaires à la Convention européenne des droits de l’Homme.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député Marc Dolez, j’ai souhaité dès ma prise de fonction, conformément aux engagements du Président de la République, limiter strictement le placement en rétention des familles accompagnées d’enfants mineurs. C’est l’objet de la circulaire du 6 juillet 2012 que vous avez évoquée. Celle-ci proscrit le placement en rétention des familles comprenant des enfants mineurs et invite les préfets à systématiquement privilégier l’assignation à résidence. Je signale par ailleurs qu’aucun mineur isolé n’a été placé en rétention.
Cette procédure est conforme à nos engagements européens, notamment à la « directive retour » et à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Le Conseil d’État, saisi au contentieux, a validé cette circulaire, qui prévoit néanmoins quelques cas résiduels dans lesquels une famille peut être placée en rétention – je tiens à les rappeler : lorsqu’elle a fait obstacle volontairement à une mesure d’éloignement, ou lorsqu’elle est interpellée après avoir fui son assignation à résidence.
Ce sont des cas limités : seules dix-huit familles ont été placées en rétention depuis l’adoption de la circulaire, soit plus de dix fois moins qu’avec les pratiques antérieures.
En outre, les premiers retours dont je dispose démontrent que l’assignation à résidence pourrait être une mesure aussi efficace que la rétention administrative pour permettre l’éloignement d’étrangers en situation irrégulière. Elle est bien moins traumatisante pour l’étranger concerné et moins attentatoire aux libertés.
Afin de faire de l’assignation à résidence une alternative plus systématique au placement en rétention, je proposerai prochainement dans le cadre d’un projet de loi relatif à l’immigration, que je ne confonds pas avec celui concernant le droit d’asile, un dispositif législatif qui sécurise davantage cette procédure.
Enfin, pour ce qui concerne Mayotte, qui a fait l’objet de plusieurs missions parlementaires et administratives, le centre de rétention administrative, qui a déjà bénéficié de travaux provisoires, sera totalement rénové en 2015. De plus, je suis en train de préparer une ordonnance qui va refondre le droit au séjour, question très délicate.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez pour une deuxième question.
M. Marc Dolez. Ma deuxième question, monsieur le ministre, porte sur les effets de la révision générale des politiques publiques, qui se sont fait durement sentir sur les emplois des préfectures et des sous-préfectures : entre 2009 et 2012, 2 582 emplois équivalents temps plein ont été supprimés au titre du programme « Administration territoriale ». En conséquence, dans plusieurs préfectures et sous-préfectures, les effectifs sont aujourd’hui tellement insuffisants que certaines missions ne peuvent plus être remplies, le taux de non-remplacement des départs à la retraite pouvant atteindre 85 % !
Nous faisons face à un problème excessivement grave au regard du respect de nos principes constitutionnels de continuité du service public et d’égalité devant le service public.
Monsieur le ministre, ma question est simple : comment appréhendez-vous cette réalité, sachant que la définition des missions et de l’organisation des sous-préfectures ne saurait évidemment pas s’opérer au détriment des citoyens ? Par ailleurs, quelles dispositions envisagez-vous de prendre pour assurer le respect des principes constitutionnels que je viens de citer ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, au travers de mes nombreux déplacements sur le terrain, partout en France, je mesure comme vous le besoin d’État, besoin qui s’exprime par l’attachement tant des élus, des acteurs économiques et sociaux que de nos compatriotes au réseau des sous-préfectures. Elles sont, dans les territoires, le lien le plus évident avec l’État. Je l’ai dit souvent et je le répète : je crois en l’avenir des sous-préfectures comme l’un des lieux où se crée, où se joue la cohésion de notre nation, de notre territoire.
Cet échelon de notre organisation administrative n’est donc aucunement remis en cause. Les sous-préfectures, au niveau infra-départemental, sont, avec les préfectures, les éléments de la colonne vertébrale de notre État. Vous avez parlé de continuité territoriale, je vous réponds clairement : dans tous les territoires, l’État restera présent. Mais il faut dire les choses clairement : la condition de la pérennité de ce réseau de sous-préfectures, c’est l’adaptation de ses missions et de son organisation.
J’ai donc demandé aux préfets des régions Alsace et Lorraine, à titre expérimental, de me faire des propositions pour faire évoluer, d’ici le 1erjanvier 2015, le réseau, particulièrement dense, hérité de l’histoire, des départements mosellan et alsaciens.
Au-delà, nous engageons également le regroupement des services de l’État à l’échelle infra-départementale. Ce regroupement, au sein de maisons de l’État, doit naturellement se faire autour des sous-préfectures. Il y a un objectif d’efficacité, bien sûr, puisque ces regroupements permettront des économies d’échelles significatives. Mais l’enjeu, c’est aussi d’affirmer, en un lieu unique, la présence de l’État dans un territoire, de rendre son action plus visible et plus lisible pour nos concitoyens.
Enfin, je ne méconnais pas les effets de la RGPP et, même si la police et la gendarmerie sont prioritaires en termes d’effectifs, ainsi que je le rappelais tout à l’heure à M. Lagarde, je reconnais qu’il y a une diminution des effectifs dans le réseau des préfectures et des sous-préfectures, même si elle s’est opérée d’une manière moins forte. Nous ne pouvons sans doute pas aller plus loin, parce que cela signifierait une remise en cause des services publics, auxquels je suis très attaché. Nous ne pourrons assurer leur pérennité, au-delà des changements que j’ai évoqués, qu’avec des agents – cela fera partie des discussions qui, sous l’autorité du Premier ministre, vont avoir lieu dans le cadre de la préparation du projet de loi de finance pour 2015. Je tiens à cette occasion à saluer l’engagement de ces agents, que je rencontre régulièrement et dont nous avons pu encore une fois mesurer la qualité lors des différentes calamités et catastrophes naturelles que notre pays vient de connaître.

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Marc
Dolez

Député du Nord (17ème circonscription)

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