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Questions au Secrétaire d’Etat sur la politique nationale du logement

La parole est à M. Stéphane Peu, pour deux questions.
M. Stéphane Peu. Je ne vais pas répéter ce que beaucoup ont déjà dit des inquiétudes qui planent sur le monde HLM. Je constate simplement, comme tout le monde sans doute, que la seule vraie réponse à la pénurie de logements consiste à produire : à produire davantage de logements et à en produire dans toute la diversité de la gamme. Le Gouvernement lui-même parle régulièrement de la nécessité de créer un choc de l’offre.
Nous considérons toutefois que vous avez une curieuse manière de poursuivre cet objectif. Vous affaiblissez le mouvement HLM alors qu’il joue un rôle contracyclique : les organismes HLM, auxquels on a fait appel pour amortir les effets de la crise de 2008, sont souvent un élément moteur de l’effort de construction dans notre pays. J’ajoute qu’une partie du secteur privé va elle aussi être affaiblie par la crise des organismes HLM puisque, dans certains cas, 40 % de la production privée est vendue à ces organismes selon le régime de la vente en l’état futur d’achèvement.
En dépit de ce que vous dites, monsieur le ministre, les mesures prises et proposées par le Gouvernement pour aider les organismes HLM à produire des logements sont sans commune mesure avec les effets que les 1,5 milliard d’euros de baisse des loyers vont entraîner sur leur trésorerie. On touche au modèle économique qui permet aux organismes HLM de construire et de pratiquer des loyers d’équilibre sans rémunérer de capital, sans reverser de dividendes ; ce faisant, on déséquilibre les organismes : on mange leur trésorerie, ce qui limite leur capacité d’investissement.
D’ores et déjà, alors que l’on avait atteint les 130 000 logements sociaux programmés en 2016, il semblerait, bien que les chiffres officiels ne soient pas encore connus, que l’on passe en 2017 en dessous des 100 000 : six mois d’incertitudes touchant les HLM se sont déjà traduits par une baisse de l’offre. En fait de choc de l’offre, il s’agirait plutôt d’un choc de la baisse !
Ma question est très simple. Sous le gouvernement précédent, on connaissait l’objectif de production, même s’il n’a jamais été atteint : 500 000 logements, toutes catégories confondues. Quel est celui que se donne le Gouvernement pour le présent quinquennat ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Monsieur le député, cher Stéphane Peu, il y a deux choses que je ne peux pas vous laisser dire. Premièrement, que nous affaiblirions le modèle HLM ; deuxièmement, que nous le ferions en considérant que ce n’est pas grave pour les offices et les sociétés HLM.
Nous ne changeons pas le modèle. Vous rappelez que celui-ci est fondé sur un loyer d’équilibre et non sur une rémunération du capital ; nous ne changeons en rien cela.
Simplement, alors que les sociétés HLM sont aidées à deux stades – à la sortie, par l’APL qui n’est pas versée aux locataires mais qu’elles touchent directement, et en amont, pour la construction –, nous considérons comme vertueux de les aider beaucoup plus en amont qu’à la sortie. Car il faut aider à construire, plutôt que subventionner à la sortie : c’est notre logique. Beaucoup d’entre vous, je le sais, reconnaissent que le choix de la logique inverse, vieux de quarante ans, était une erreur dont nous payons aujourd’hui les conséquences.
Voilà le sens de la réforme que nous avons portée. Ensuite se pose la question de savoir si l’effort que nous faisons à l’entrée, pour aider à la construction, est suffisant eu égard à l’effort que nous demandons en réduisant l’aide apportée à la sortie.
J’ai détaillé tout à l’heure le package financier que nous proposons : il est sans commune mesure avec tout ce qui a pu exister par le passé. Ce que nous faisons n’a jamais été fait. Et encore, je n’ai pas mentionné la stabilisation du taux du livret A pendant deux ans et la revue de plusieurs modalités de calcul de ce taux. L’effort que nous demandons à la sortie est compensé par les gains d’argent que nous permettons à l’entrée. Pourquoi est-ce vertueux ? Parce que l’on bénéficie d’autant plus de ces gains que l’on construit ou que l’on rénove son parc. Nous soutenons donc encore plus ceux qui cherchent à développer leur parc pour pouvoir accueillir davantage de public, notamment des publics éligibles à l’APL.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu. Monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas l’apanage des organismes HLM que de toucher directement l’APL : le système du tiers payant s’applique à tous les bailleurs, du secteur privé comme du secteur social. J’ajouterai même que certains marchands de sommeil en bénéficient, et calculent d’ailleurs leur loyer en fonction du montant d’APL pouvant être perçu par leurs locataires.
Ma seconde question rebondit en quelque sorte sur votre réponse : elle concerne le modèle HLM.
La crise du logement dans notre pays est avant tout une crise du logement abordable, du logement à loyer modéré. En effet, le logement est le poste du budget des ménages qui a le plus dégradé leur pouvoir d’achat au cours des quinze dernières années. Dans ce contexte, bien des pays nous envient le système du logement social, qui a plus de cent vingt ans d’existence, qui doit se moderniser et se rénover, qui l’a déjà beaucoup fait.
Ce système repose sur trois piliers : la Caisse des dépôts et consignations, le 1 % logement – qui représente un salaire différé et permet d’abonder le logement pour les salariés – et les aides à la pierre, de la part de l’État mais aussi des collectivités locales. Ces trois piliers garantissent des loyers modérés et un secteur dynamique.
Vous l’avez compris, je ne partage pas votre point de vue : l’article 52 de la loi de finances pour 2018 touche bien au modèle HLM. Car l’enjeu est bien de créer les conditions de financement du logement de manière à parvenir à l’équilibre, sachant que l’APL n’est pas prise en compte dans l’équilibre du loyer puisqu’elle aide le locataire à le payer.
Pouvez-vous donc vous engager à consolider ce modèle en rendant au 1 % sa vocation originelle, en confortant la Caisse des dépôts et en préservant les aides à la pierre ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Dans le parc privé, le tiers payant est optionnel : la possibilité d’en bénéficier est souvent à la discrétion du locataire dans sa discussion avec le propriétaire.
Je m’engage plus que fortement à faire en sorte que le modèle qui résulte d’une aide à l’entrée, avec la Caisse des dépôts, soit non seulement maintenu, mais encore davantage consolidé : c’est le sens même de notre réforme. Je le répète, le modèle des bailleurs sociaux n’est pas revu ; ce qui est revu, c’est le moment auquel l’État, les collectivités et la Caisse des dépôts aident les bailleurs sociaux. Faut-il le faire à l’entrée, en aidant davantage à la construction, ou à la sortie, en subventionnant les loyers pour permettre d’atteindre le loyer d’équilibre ? Pour nous, mieux vaut aider à l’entrée, renouer avec l’aide à la construction au lieu de l’aide à la sortie.
L’autre question que vous soulevez est celle de savoir comment rendre les bailleurs sociaux plus forts. De ce point de vue, les bailleurs sociaux ont défendu, avec nous, l’idée de regroupements tels que ceux que nombre d’entre vous – dont vous-même, monsieur le député – avez souhaités et conduits par le passé, et qui leur permettent d’accueillir davantage de publics fragiles.
Vient enfin la question de l’accession sociale – au bénéfice du seul occupant, du locataire, à l’exclusion de tout institutionnel, financier ou autre. Elle est fondamentale, y compris pour le loyer d’équilibre. Le calcul de ce dernier ne se fonde que sur le remboursement de la dette, jamais sur l’éventualité que le logement soit vendu à son locataire. Mais la vente de 20 000 logements sociaux en France, par exemple des PLS – ce qui, sur 4,5 millions de logements sociaux, est tout à fait faisable –, rapporterait chaque année environ 2 milliards d’euros, à comparer à un peu plus de 20 milliards d’euros de loyers dont bénéficient annuellement les bailleurs sociaux. Vous voyez dans quelle mesure on peut revoir le loyer d’équilibre pour le tirer à la baisse, y compris par des mécanismes comme l’accession sociale.

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Stéphane
Peu

Député de Seine-Saint-Denis (2ème circonscription)

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