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Questions budgétaires

Monsieur le secrétaire d’État, parler de la politique budgétaire dans notre pays, c’est parler de restrictions, de baisse de la dépense publique, de blocage des salaires pour les fonctionnaires. Bref, c’est parler un langage qui va de plus en plus à l’envers de l’histoire des peuples. C’est tout particulièrement aux communes et aux départements, qui sont les deux collectivités territoriales les plus proches des citoyens, que ces restrictions s’adressent fortement : suppression de la taxe professionnelle en 2010, ce qui, au passage, n’a pas permis de créer un seul emploi, baisse des dotations, et enfermement au profit de métropoles qui veulent s’empresser d’avaler les miettes qui sont laissées aux communes.
Dans ce paysage austère, M. Jean-Marc Ayrault, alors premier ministre, était venu dans les Bouches-du-Rhône à l’automne 2013 pour annoncer une série de mesures financières visant à rattraper le retard de Marseille et à accompagner la métropole d’Aix-Marseille-Provence, que d’ailleurs les élus et les populations rejettent de toutes leurs forces.
Il annonçait par exemple 2,5 milliards d’euros de financement pour une gare souterraine traversante, dont au moins 800 millions financés directement par l’État. Il y avait en fait 1,23 milliard d’euros de crédits d’investissement d’État consacrés à la mobilité et aux transports métropolitains, et encore 37 millions en crédits d’intervention d’urgence, 50 millions par an de dotations complémentaires de la métropole à partir de 2016, 1,5 milliard de crédits pour l’innovation et la recherche des entreprises de la métropole, et je vous fais grâce des 3,5 millions annoncés pour l’amélioration de l’accès aux soins, des 1 000 places de crèche supplémentaires, du plan national de rénovation urbaine et des 5 millions par an pour améliorer les équipements publics et le cadre de vie…
Mme Marie-Christine Dalloz. Il fallait rêver pour y croire !
M. Gaby Charroux. Monsieur le ministre, dans le cadre de la politique budgétaire de la France et de la baisse des dotations, et alors que l’actuel Premier ministre, Manuel Valls, était à Marseille ces derniers jours, pouvez-vous me dire ce qu’il est advenu de ces annonces de financement qui n’ont à ce jour, me semble-t-il, pas été concrétisées ?
Mme Marie-Christine Dalloz. C’est une bonne question !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Charroux, disons-le d’entrée, je ne suis peut-être pas en mesure de répondre à l’ensemble des questions que vous soulevez, s’agissant de points très précis sur des infrastructures relevant soit de la ville, soit de la métropole. Je ne suis pas un spécialiste de Marseille, mais je m’engage à ce que mon cabinet vous apporte des réponses écrites plus précises.
Mais le début de votre question m’interpelle. Selon vous, parler de budget, c’est forcément parler de restrictions, de gel de point d’indice ou de diminution des crédits… Monsieur Charroux, la situation est difficile et demande un effort à tous, mais il reste des priorités, que nous finançons. Nous finançons, et certains d’ailleurs le regrettent, des postes dans l’éducation nationale. Dix mille ! Par an ! Nous finançons aussi 1 000 postes supplémentaires par an dans la justice et la sécurité, plus ceux annoncés par le Premier ministre et le ministre de l’intérieur. Ce dernier a d’ailleurs évoqué des moyens supplémentaires qui seront mis à disposition de l’agglomération marseillaise lors de sa visite hier.
Tenir des budgets qui permettent de réduire les déséquilibres, cela représente un effort, je le sais bien, comme chacune et chacun de mes collègues ministres et des gestionnaires des collectivités territoriales, mais cela n’empêche pas d’afficher et de financer des priorités. J’en ai évoqué quelques-unes, il y en a d’autres en matière de sécurité, qui ont été développées tout à l’heure dans la question de M. Vigier. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans l’ensemble des textes budgétaires et financiers à venir.
M. le président. Monsieur Charroux, vous avez de nouveau la parole, pour poser votre deuxième question.
M. Gaby Charroux. Le 27 février, la Commission européenne rendra son avis sur le budget français. La semaine dernière, le commissaire européen aux affaires économiques, M. Moscovici, a averti le Gouvernement, l’enjoignant de mettre en œuvre des mesures complémentaires pour réduire son déficit budgétaire prévu pour 2015 et d’approfondir les réformes structurelles au cours de cette année. En clair, il demande au pays d’utiliser les vieilles recettes libérales qui ont pourtant montré leur injustice et, pis encore, leur inefficacité économique partout où elles ont été exigées par l’exécutif européen.
Alors que la déflation semble partie pour durer, on continue de serrer les freins, d’autant plus inutilement, me semble-t-il, que l’activité est ralentie. Pourtant, ce dogme de la réduction des déficits semble avoir vécu. Les économistes les plus éminents s’accordent à le dire. Surtout, les peuples, désormais, l’exigent, comme on le voit en Grèce et en Espagne, deux pays exsangues économiquement et socialement.
Monsieur le ministre, la politique budgétaire européenne a besoin d’être réorientée. D’une part, la sacro-sainte dette qui pèse sur nos orientations budgétaires doit être auditée à l’échelon européen, afin que soient clairement définies celle qui est légitime et celle qui ne l’est pas. D’autre part, le cadre budgétaire européen qui enferme les États dans un carcan empêchant la relance par l’investissement public, par exemple dans les transports ou la transition énergétique, doit être redéfini. Enfin, les leviers budgétaires existants doivent être sérieusement activés, en créant notamment une véritable taxe européenne sur les transactions financières ou en poursuivant le renforcement des moyens de lutte contre l’optimisation et l’évasion fiscales.
Ma question est simple : quelles initiatives comptez-vous prendre au cours des prochaines semaines pour faire entendre à Bruxelles la voix d’une ambition budgétaire modifiée pour l’Europe et sortir les peuples du marasme économique qui les condamne ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non, votre question n’est pas simple, monsieur Charroux, et vous avez abordé bien des sujets ! Je vous propose d’enfermer les économistes les plus éminents pendant vingt-quatre heures, avec bière et sandwiches, pour déterminer quelle dette est légitime et quelle dette ne l’est pas. Cela pourrait donner lieu à une séance assez intéressante... Mais cela n’empêche bien sûr pas de soulever la question : il n’y a pas de mauvais débat.
Pour aller à l’essentiel, vous me demandez si la France souhaite une réorientation de la politique budgétaire et économique de l’Europe. Bien sûr ! Cela ne date pas d’aujourd’hui. Cela fait plusieurs mois que le Président de la République, le Premier ministre et le ministre des finances, Eurogroup après Eurogroup, ECOFIN, G5, G7 et G20 l’un après l’autre, disent que la politique budgétaire économique ne doit pas négliger la capacité d’investir et qu’il y a lieu d’harmoniser et de réorienter la politique économique en Europe, de manière à retrouver l’un des facteurs qui nous fait aujourd’hui défaut, en France comme en Europe : la croissance.
Sur ce point, nous n’avons pas de différences d’appréciation, monsieur Charroux. Nous avons plutôt probablement, sûrement même, des différences de méthode. Les élections récentes en Grèce, et prochainement en Espagne, ne font que conforter cet appel à une réorientation de la politique budgétaire. Cela veut-il dire que toute dette deviendrait légitime et pourrait échapper à toute maîtrise ? Je ne le crois pas. Il est évident qu’il faudra continuer les efforts, mais à un rythme adapté à la soutenabilité de la croissance, notamment dans notre pays.

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Gaby
Charroux

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