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Questions sur l’emploi

Madame la ministre du travail, je souhaite vous interpeller à propos de la situation particulièrement difficile que connaissent les fonctionnaires employés au sein de l’administration du travail, plus particulièrement les agents de l’inspection du travail.
Depuis plusieurs années, cette administration fait l’objet de réformes incessantes, dans un contexte budgétaire toujours plus restreint. Après la mise en œuvre de la RGPP – la révision générale des politiques publiques – et de la modernisation de l’action publique, une nouvelle réforme de l’inspection du travail, lancée en 2014 par votre prédécesseur, est en cours. Elle s’ajoute à la mise en œuvre de la réforme territoriale, qui bouleverse le quotidien des personnels des DIRECCTE, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.
Parallèlement, les moyens dédiés à l’administration du travail se réduisent au fil des ans. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2016 a entériné 192 suppressions de postes, après les 278 suppressions de ces deux dernières années.
Les conséquences de cette situation sont bien connues : des agents en souffrance qui ne parviennent plus à remplir leurs missions de renseignement et de contrôle du droit du travail.
Pourtant, vous continuez à étendre les missions de l’inspection du travail. Votre projet de loi réformant le code du travail prévoit la création d’un nouveau service d’appui aux entreprises en matière d’application du droit du travail, ainsi que de nouvelles missions en matière de lutte contre le travail détaché. Dans le contexte de sous-effectif chronique, comment peut-on croire que ces nouvelles missions seront assurées ?
Il devient urgent de renforcer les moyens de l’administration du travail, afin que les agents puissent mener à bien leurs missions essentielles de service public. Madame la ministre, que comptez-vous faire pour régler cette situation ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je vous remercie, monsieur le député, de souligner le travail essentiel accompli par les inspecteurs du travail car, au-delà du droit en soi, c’est sa mise en œuvre qui importe. J’ai eu l’occasion de rencontrer les représentants de l’ensemble des organisations syndicales du ministère afin d’évoquer, justement, les difficultés rencontrées.
Mais il convient aussi de rappeler que, pour faire face aux évolutions de notre économie et aux mutations des entreprises ainsi que du marché du travail, l’évolution de l’inspection du travail, tant dans son organisation que dans ses modalités d’intervention, était indispensable. Tel est le sens de la réforme que vous avez citée, dont la Cour des comptes a d’ailleurs rappelé encore récemment la pertinence, en invitant le Gouvernement à la mener avec détermination.
Cette nouvelle organisation a permis de créer le groupe national de veille, d’appui et de contrôle et des unités régionales de lutte contre le travail illégal – essentiels pour soutenir l’ensemble des employés car la dignité des travailleurs dans l’espace européen est ici en jeu –, ainsi que des réseaux régionaux de contrôle des risques particuliers. Concrètement, elle permet à l’inspection du travail d’intervenir de façon plus collective, mieux coordonnée autour des grands enjeux de protection des salariés. Tel est également l’objet de l’habilitation à agir par ordonnance conféré par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Le projet de loi que je m’apprête à vous présenter comprend, à cet égard, deux axes majeurs : l’amélioration des moyens d’intervention de l’inspection du travail dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail ; l’adaptation des dispositifs de sanction en vue d’apporter des réponses plus rapides et plus efficaces.
Bien évidemment, comme tout ministre, je me bats pour maintenir les effectifs de mon administration, même si un certain nombre de contraintes s’appliquent à nous tous. Mais cette réorganisation était vraiment nécessaire compte tenu des nouvelles missions conférées à l’inspection du travail, par exemple en matière de lutte contre les fraudes au détachement. Les pouvoirs combinés institués par cette nouvelle et nécessaire réorganisation constituent un enjeu fort pour préserver notre modèle social. Quoi qu’il en soit, lors de l’examen du prochain budget, je serai bien entendu très vigilante quant au nombre de personnels de l’inspection du travail.
M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour une seconde question.
M. Patrice Carvalho. Madame la ministre, alors que les partenaires sociaux négocient la nouvelle convention UNEDIC fixant les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi, nous nous interrogeons sur les véritables raisons du déficit et de la dette de l’assurance chômage.
Des études démontrent que ce n’est pas l’indemnisation des chômeurs qui creuse le déficit, donc la dette de cette dernière, mais les ponctions opérées par l’État pour financer la politique de l’emploi. Si l’on prend en compte la différence entre les cotisations des salariés et l’indemnisation des chômeurs, le régime d’indemnisation du chômage est en réalité excédentaire.
Il suffit de citer quelques chiffres pour comprendre cette situation, qui perdure depuis plusieurs années. En 2014, les contributions des affiliés de l’UNEDIC atteignaient 33,94 milliards quand l’indemnisation coûtait 31,26 milliards, soit un excédent positif de 2,68 milliards. Cette même année, l’UNEDIC avait versé 3,14 milliards à Pôle emploi au titre d’une convention passée avec cet organisme. Ces dépenses ne correspondent aucunement la mission première de l’assurance chômage, qui est d’indemniser les chômeurs. Elles font peser injustement la responsabilité de la dégradation financière de l’UNEDIC sur ces derniers, tout en permettant de justifier un tas d’annonces gouvernementales régressives : dégressivité des allocations chômage, réduction de la durée d’indemnisation, réforme du régime des intermittents. Tout cela est absolument inacceptable.
Madame la ministre, pouvez-nous expliquer les raisons de ces ponctions opérées par l’État dans le budget de l’assurance chômage, au détriment des droits des chômeurs ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Si nous mettons tout sur la table, monsieur le député, il me semble essentiel de rappeler aussi que les CDD sont à l’origine d’un déficit de près de 5,8 milliards d’euros. C’est pourquoi la révision de la modulation de la surcotisation constitue un enjeu important ; la question n’est d’ailleurs pas seulement soulevée par le Gouvernement mais aussi par les partenaires sociaux, qui ont voulu eux-mêmes la traiter.
La convention entre l’UNEDIC et Pôle emploi visait précisément à moderniser ce dernier, notamment quant à l’accompagnement global dont peuvent bénéficier les demandeurs d’emploi.
Au-delà, il me semble important de rappeler que cette convention permet, pour commencer, de jouer le rôle essentiel d’amortisseur social. Dans le cadre des négociations en cours, bien des choses ont été mises sur la table : ce ne sont pas tant les questions du niveau et de la durée des indemnisations qui se posent mais celle de la façon de prendre des mesures ayant un effet significatif sur l’emploi.
J’ai évoqué tout à l’heure la formation et l’aide à la création d’entreprises, qui, nous le voyons, ont un impact très fort sur le retour à l’emploi – bien évidemment, plus vite on retrouve un emploi, plus le déficit de l’assurance chômage diminue.
Dans le cadre de la convention entre Pôle emploi et l’UNEDIC, nous avons créé des postes de conseillers chargés de la relation avec les entreprises et développé l’accompagnement global. Je ne connais pas les termes exacts de cette convention, qui a été signée avant que je n’accède à mes fonctions, mais je pourrai vous les donner, si vous me le permettez, dans quelques heures. Quoi qu’il en soit, l’accompagnement des chômeurs de longue durée constitue un élément déterminant, qui a même été salué par les associations de chômeurs.
Des négociations sont en cours. La question de la pérennité financière se pose, bien sûr, mais les problèmes économiques ne sont pas les seuls en cause : il s’agit de réfléchir aux mesures les plus efficaces pour le retour à l’emploi.

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Patrice
Carvalho

Député de Oise (6ème circonscription)

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