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Reconnaissance de l’Etat palestinien

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, la France a rendez-vous avec son destin. Aujourd’hui, nous avons la possibilité de réparer une injustice vieille de soixante ans et de reconnaître enfin au peuple palestinien le droit inaliénable qui est le sien : celui de disposer d’un État.
M. Marc Dolez. Très bien !
M. François Asensi. En 1947, sur les décombres des colonialismes européens et de la barbarie nazie, l’ONU redessinait la carte du Proche-Orient. Le monde affrontait une forme de responsabilité collective face à l’indicible extermination des Juifs et les Nations unies optaient pour la coexistence de deux États.
L’un, Israël, a vu le jour immédiatement. L’autre, la Palestine, n’en peut plus d’attendre sa reconnaissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Depuis soixante ans, l’histoire bégaie de conflits meurtriers en violences asymétriques. Elle confisque toujours un peu plus le territoire accordé aux Palestiniens en 1947.
M. Meyer Habib. Qui n’a pas accepté le plan de partage ?
M. François Asensi. Depuis soixante ans, l’identité culturelle palestinienne subit une véritable négation, propre à tout système colonial.
Depuis soixante ans, le joug de l’occupant ne cesse d’étouffer le peuple palestinien. Humiliations, privations et spoliations forment son quotidien.
M. Meyer Habib. Mensonges !
Mme Jacqueline Fraysse. La vérité vous gêne, cher collègue Habib ?
M. François Asensi. L’arbitraire devient la norme, jusqu’à conduire des députés et des enfants à être détenus pour leurs idées.
M. Claude Goasguen. On ne parle pas de l’Union soviétique !
M. François Asensi. Les vers du grand poète israélien Aharon Shabtai décrivent cette humanité qui vacille : « Les mots purs que j’ai sucés au sein de ma mère : homme, enfant, justice, compassion, sont dévalisés devant nos yeux, emprisonnés dans des ghettos, assassinés aux checkpoints. »
M. Claude Goasguen. Ce n’est pas Berlin !
M. François Asensi. Le moment est venu de mettre fin à ce cycle de malheurs. Le moment est venu de remplacer les murs par des ponts (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC) entre deux peuples, israélien et palestinien, que tout rapproche : une histoire mêlée, une culture partagée, une même terre, et surtout, la même soif de paix.
M. Meyer Habib. Sauf le Hamas !
M. François Asensi. Car disons-le une fois pour toutes : ce conflit n’a rien d’un conflit religieux ou ethnique. Comme bien d’autres sur ces bancs, je suis animé d’une conviction, profonde et intangible : seule la reconnaissance immédiate de la Palestine comme État souverain et indépendant, dans les frontières de 1967, et avec Jérusalem-Est pour capitale, permettra d’asseoir une paix durable.
M. Marc Dolez et Mme Marie-George Buffet. Très bien !
M. François Asensi. Depuis le début de cette législature, à vingt-quatre reprises, notre groupe a réclamé cette reconnaissance dans cet hémicycle. Dès septembre 2012, nous avons déposé une résolution invitant le Gouvernement à reconnaître la Palestine. Je vous ai personnellement interrogé par trois fois à ce sujet, monsieur le ministre, lors des questions d’actualité.
Il s’agit là d’un combat historique pour les députés communistes et le Front de gauche. Je pense notamment à l’action de notre ancien collègue Jean-Claude Lefort, longtemps président de l’association France-Palestine. Hier avec l’Algérie ou l’Afrique du Sud, aujourd’hui avec la Palestine, nous sommes du côté du droit international. Comme le disait magnifiquement Nelson Mandela : « Notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens. »
M. André Chassaigne M. Marc Dolez et M. Jean-Pierre Dufau. Très bien !
M. François Asensi. Il s’agit là d’une question de principe. Et si, par le cours de l’histoire, les termes étaient inversés, si le peuple israélien se trouvait à l’heure actuelle sans État, nous adopterions bien évidemment la même position car on ne choisit pas la liberté d’un peuple au détriment d’un autre. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Deux options s’offrent à notre diplomatie : poursuivre dans l’impasse des négociations bilatérales, ou tenter une nouvelle approche fondée sur le droit international.
Mais s’il est un constat désormais largement partagé, c’est celui de l’échec du processus de paix. Depuis les accords d’Oslo, rien n’a fondamentalement changé. En jouant la montre et en pratiquant la politique du fait accompli, les gouvernements israéliens ont morcelé le territoire palestinien accordé par le partage de 1947. Entre 1993 et 2000, le nombre de colons a doublé, et l’immense majorité de la Cisjordanie est restée sous contrôle militaire et administratif israélien. Les checkpoints, le mur, les implantations illégales ont dessiné de véritables bantoustans.
Le constat est accablant : le processus de paix n’a servi qu’à renforcer la colonisation et à saper la viabilité du futur État palestinien. Yitzhak Rabin et Yasser Arafat ont incarné un véritable espoir parce que leur volonté de paix était sincère. Je tiens ici à rendre hommage à leurs choix courageux.
Mais il faut s’interroger sur l’échec d’Oslo. Comment négocier sur un pied d’égalité quand le rapport de forces est marqué par une inégalité fondamentale ? Quand l’une des parties occupe l’autre, qu’elle est dotée du monopole de la violence légitime et qu’elle exerce une véritable tutelle financière aux termes du protocole de Paris ? Le prisonnier peut-il négocier sa liberté ?
Naturellement, il n’y a d’issue au conflit israélo-palestinien que par la négociation entre les deux parties. Mais c’est la paix qui est à négocier, et non le droit international.
Les résolutions de l’ONU sont restées trop longtemps lettre morte par l’inaction du Conseil de sécurité et le veto américain sur la question du mur, de la colonisation, du respect des frontières de 1967, du blocus de Gaza, des réfugiés.
Aujourd’hui, nous n’avons d’autres choix que de reprendre la voie du droit. La création de l’État palestinien est consacrée par les résolutions 242 et 1 860 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui délimitent cet État occupé sur les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.
M. Meyer Habib. Pas un mot sur le Hamas !
M. François Asensi. Sa légalité est confirmée par l’avis de la Cour internationale de justice en 2004. Plus de cent trente-cinq pays reconnaissent déjà la Palestine, soit l’immense majorité des nations à l’exception des puissances occidentales. Il est temps d’y remédier.
Mardi prochain, le vote de l’Assemblée nationale française sera un vote pour la paix, un vote pour la justice, un vote pour la sécurité de l’État d’Israël et de tout le Moyen-Orient. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Parce que nous sommes amis du peuple israélien et solidaires de ses composantes pacifistes, nous devons l’aider à sortir de l’illusion selon laquelle sa sécurité pourrait s’asseoir sur la négation des droits des Palestiniens.
Mme Marie-George Buffet et M. André Chassaigne. Très bien !
M. François Asensi. Le mur enferme les Israéliens eux-mêmes. Le système colonial mine la société entière. Comme le disait si justement Elias Sanbar : « Vous occupez nos territoires le jour ; nous occupons vos rêves la nuit. » C’est pourquoi tant de voix se lèvent aujourd’hui en Israël pour exiger la reconnaissance de l’État palestinien et la fin des colonies, à l’instar de l’ancien ambassadeur Élie Barnavi.
Ils ne reconnaissent plus les principes fondateurs de 1948 dans le projet d’État juif porté par le gouvernement Netanyahou.
Des centaines d’intellectuels, de hauts gradés, de militants de la paix ont compris que la création d’un État palestinien indépendant et démocratique était le plus sûr gage pour la sécurité d’Israël, à laquelle nous sommes attachés. Ils ont compris qu’il en va aussi de la sécurité du monde. Le conflit israélo-palestinien constitue la mère des conflits, mais aussi la mère des solutions. Reconnaître l’État de Palestine, c’est désarmer ceux qui instrumentalisent la cause palestinienne pour des visées totalitaires et terroristes. C’est battre en brèche la théorie absurde du choc des civilisations.
Je dois vous dire notre émotion, qu’enfin, la Palestine s’invite à l’Assemblée nationale. Le Sénat se prononcera dans la foulée, le 11 décembre prochain, à l’initiative des sénateurs communistes.
Au travers de la reconnaissance de l’État de Palestine, c’est de la voix de la France dont il est question. Cette voix transcende les clivages partisans. Il y a tout juste cinquante ans, la France du général De Gaulle accordait la reconnaissance officielle à la Chine et confortait notre choix singulier dans le concert des nations.
M. Claude Goasguen. Cela n’a rien à voir !
M. François Asensi. J’appelle notre assemblée à se montrer à la hauteur de cette vision diplomatique qui a su rassembler notre pays dans un souci d’indépendance et d’équilibre du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. Jean-Pierre Dufau M. Philippe Baumel et M. Jean-Luc Laurent. Bravo !
M. François Asensi. En 2011, cette même France a voté l’adhésion de la Palestine à l’UNESCO puis comme État observateur à l’ONU en 2012. J’espère que cette même France, au lendemain de notre vote, reconnaîtra officiellement l’État de Palestine. Il serait inconcevable que notre pays demeure à la remorque du concert des nations, après les initiatives espagnole, britannique, irlandaise et suédoise.
M. Claude Goasguen. Tout cela n’a rien à voir !
M. François Asensi. Il serait inconcevable que le Gouvernement ne reconnaisse pas officiellement la Palestine au lendemain du vote de cette résolution. Il y va de la crédibilité de la parole de notre pays auprès de ses partenaires.
En 2011, nous avions signé ici, avec les députés de toutes les sensibilités politiques de cette assemblée, une résolution portant sur la reconnaissance de l’État palestinien, administrant la preuve que nous pouvons nous rassembler quand l’enjeu est essentiel. Cette voie la plus large n’a pas été choisie, je le regrette, car elle aurait donné plus de force à la voix de la France et du Parlement.
Pour autant, ne nous trompons pas de débat. Mardi, chaque parlementaire sera responsable de son vote devant l’histoire.
Mme Marie-George Buffet. Exactement !
M. François Asensi. Il s’agira de dire : « oui » au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Oui à la paix et à des négociations fondées sur le droit international.
M. Marc Dolez. Très bien !
M. François Asensi. Quelle discipline de parti pourrait s’y opposer ?
Soyons à la hauteur des pacifistes israéliens qui espèrent notre soutien pour relancer la paix. Soyons à la hauteur des espoirs du peuple palestinien qui a fait le choix de la lutte politique et du compromis, autour du président Abbas. Soyons à la hauteur de ce peuple pacifiste auquel on a voulu tout prendre mais qui n’a jamais perdu son âme, son extraordinaire dignité et son amour de la liberté.
À ceux qui auraient voulu dénier à ce peuple palestinien son droit à exister, j’adresserai ces vers de Mahmoud Darwich, l’immense poète palestinien : « Debout ici. Assis ici. Toujours ici. Éternels ici. Nous avons un seul but, un seul : Être. » Merci au peuple palestinien pour cette belle leçon d’humanité. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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François
Asensi

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