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Reconnaissance des proches aidants

Cette nouvelle proposition de loi du groupe UDI, Agir et Indépendants visant à la reconnaissance des proches aidants démontre l’importance que revêt ce phénomène et nous rappelle l’urgence qu’il y a à agir.
Je voudrais tout d’abord remercier la sénatrice Jocelyne Guidez d’avoir fait inscrire ce texte à l’ordre du jour du Sénat et de s’être appuyée explicitement sur mon travail pour produire le sien. Je salue également l’engagement de notre rapporteur Paul Christophe sur cette question qui, vous le savez, me tient particulièrement à cœur.
La mission flash qui m’a en effet été confiée il y a quelques mois, ainsi que la proposition de loi qui en a découlé, ont en outre contribué à mettre en lumière l’ampleur de cette réalité ; une réalité massive qui démontre que notre société ne traite pas ses aînés avec le soin et les égards qui leur sont dus ; une réalité massive, symptôme de la faiblesse de la protection sociale et du service public de l’autonomie ; une réalité massive à laquelle il est urgent de répondre.
Les proches aidants sont, dans un contexte de grave déficit de solidarité nationale, les premiers acteurs d’une solidarité indispensable. L’État a la responsabilité de répondre à cet enjeu majeur de l’accompagnement de la perte d’autonomie de millions de personnes.
Au bas mot, dix millions de personnes jouent un tel rôle dans notre pays afin d’accompagner des personnes en perte d’autonomie, mais aussi des personnes en situation de handicap, d’invalidité ou de longue maladie. D’elles, d’eux, dépendent trop l’accompagnement comme les soins des personnes concernées.
Beaucoup d’hommes, de femmes – des jeunes, des salariés, des retraités, parfois des enfants –, voient ainsi leur vie aspirée par l’accompagnement d’un membre de leur famille ou de leur entourage.
Pour ces personnes, qui assument cette réalité, ce rôle d’aidant représente un engagement quotidien : elles lui sacrifient en effet leur vie professionnelle, familiale et sociale, voire leur santé. Faut-il rappeler les études qui montrent une surmortalité significative des personnes aidantes, à tel point que 30 % des conjoints aidants partiraient avant le conjoint aidé ? C’est donc un sujet particulièrement sensible.
Cette problématique va, dans les années à venir, se poser avec de plus en plus d’acuité : un tiers de la population aura plus de soixante ans en 2050.
Par ailleurs, une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, datant de 2008, précise que 52 % des proches aidants exercent cette fonction auprès de personnes âgées de soixante ans ou plus.
Lorsqu’il n’y a qu’un seul aidant, il s’agit, dans 44 % des cas, du conjoint : c’est dire l’urgence qu’il y a à anticiper le vieillissement de la population et à mener plus rapidement des politiques publiques utiles et efficaces.
Nous avons toutes et tous en tête les mobilisations des personnels des EHPAD qui exigent des moyens financiers et humains supplémentaires pour une prise en charge digne de nos aînés.
De nombreux articles sont parus ces derniers jours, insistant sur l’écart entre les coûts importants des EHPAD et les faibles revenus des personnes âgées souvent contraintes de faire appel à leurs enfants ou de vendre leurs biens pour financer leur séjour. Un tiers des résidents doivent ainsi puiser dans leur épargne ou mobiliser leur patrimoine, quand ils en ont un. En outre, les familles sont en outre souvent mises à contribution.
Nous avons encore toutes et tous en tête la colère des associations qui appellent à des décisions nationales rapides pour développer des structures d’accueil et d’accompagnement pour les personnes en situation de handicap.
Les aidés, les proches aidants, les familles, tout le monde ne peut pas payer l’accueil dans un établissement ou des services de maintien à domicile. Pour les uns comme pour les autres, cette situation est un terrain où s’aggravent les inégalités sociales.
Nous souscrivons dans l’ensemble aux articles de cette proposition de loi visant à améliorer les conditions de vie des proches aidants.
Permettre le recours au congé de proche aidant, qui n’est jusqu’ici qu’un droit plutôt symbolique ou théorique, et sécuriser les droits des aidants, sont des avancées sociales indispensables.
Parmi les mesures proposées, l’indemnisation du congé de proche aidant constitue un enjeu majeur pour les salariés et, plus généralement, pour les actifs : elle permettrait d’une part d’atténuer les conséquences financières sur le quotidien des aidants de leur situation mais également son impact sur l’évolution de leur carrière professionnelle, d’autre part à l’entreprise d’engager du renfort.
Il s’agit de mieux adapter les besoins de présence et d’accompagnement de la personne aidante auprès de la personne aidée, pour faciliter la vie de l’aidant et l’organisation du travail de l’entreprise.
Être aidant, c’est s’inquiéter en permanence de quelqu’un d’autre, c’est organiser sa vie en fonction de celui ou celle qu’on aide ; c’est y consacrer une part souvent croissante de son temps, de son énergie et de son humanité ; c’est ne pas avoir les moyens de faire face et faire face quand même ; c’est, quand on est au travail, être préoccupé, dérangé, interrompu et freiné dans son activité, et même dans sa carrière.
Pour affronter tout cela, le congé, fractionnable, est indispensable.
Ce texte aborde également le droit au répit. Or il n’y a rien de plus essentiel, rien de plus naturel pour chacune et pour chacun d’entre nous, comme pour les proches aidants.
Comment peut-on, sinon, s’épanouir lorsque l’on se trouve dans des conditions de fatigue, d’isolement et d’épuisement ? Ce droit au répit est indissociable du droit à la dignité.
En ce sens, je voudrais m’arrêter un instant sur l’article 5. Il entend faire bénéficier le proche aidant d’un véritable droit au répit. au moyen du relayage, forme approchante du baluchonnage. Ce système permet à un salarié d’un établissement ou d’un service médico-social de remplacer temporairement l’aidant afin de lui accorder un temps de répit.
Si nous partageons tout ce qui contribue à du temps pour soi, à du temps de repos, cela appelle de notre part quelques réflexions.
La première a trait au financement, au mode de prise en charge pendant le répit permettant de sortir des fers de la culpabilisation. En effet, le coût du baluchonnage est élevé, si ce n’est prohibitif. Les prestations perçues par les aidés sont loin du coût réel de ce système de prise en charge. Il faut ensuite sérier les cas dans lesquels il peut être adapté. Enfin, et c’est lié à ce que je viens de dire, le baluchonnage doit être encadré pour être acceptable et soutenable pour les salariés qui assurent le relais. À défaut, les conséquences sur la vie des salariés de ce secteur seraient lourdes.
Il faut donc développer les plans de formation des professionnels, afin de s’appuyer sur des personnels qui sauront à la fois s’adapter à la personne dont ils auront la responsabilité – comme à son état et à ses pathologies éventuelles – et se passer le témoin du répit.
C’est un défi que nous pouvons et devons relever.
L’ensemble de ces mesures, certes insuffisantes – je n’en fais pas le reproche à notre rapporteur – pour répondre aux besoins des aidants et des aidés, constitue pourtant une première étape sur la voie de leur reconnaissance sociale et de leur dignité.
Il est urgent d’ouvrir des droits véritables au bénéfice des personnes aidantes, afin qu’elles puissent faire face à leur besoin de temps, de ressources et d’accompagnement.
C’est aux pouvoirs publics qu’il incombe de répondre aux enjeux de la perte d’autonomie dans notre pays.
La demande sociale est forte et elle est relayée par des associations, par des mutuelles, par des structures institutionnelles. J’ai pu mesurer la force de cet enjeu ainsi que la nécessité d’y faire face.
Au cours de l’examen de différents textes de lois – celui pour la liberté de choisir son avenir professionnel et celui relatif à la prise en charge des cancers pédiatriques –, des amendements améliorant les droits des aidants ont été adoptés par notre assemblée. Ces avancées, modestes, doivent être confortées.
Le rejet répété des propositions qui ont été mises sur la table au sein de notre assemblée demeure profondément choquant pour beaucoup de femmes et d’hommes dans notre pays, ainsi que pour moi, d’autant que les engagements pris ne sont pas tenus dans le temps, on l’a vu à l’occasion d’autres discussions.
Les associations qui agissent au quotidien en faveur de l’amélioration des conditions de vie des aidants ont alerté sur l’urgence qu’il y a à adopter des mesures concrètes. Cette proposition de loi nous le permet, d’autant qu’elle a déjà entamé au Sénat son parcours législatif et qu’elle fait consensus.
Nous ne pouvons donc plus attendre, ni ignorer l’attente des proches aidants en quête de solutions, de soutien et de considération

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Pierre
Dharreville

Député des Bouches-du-Rhône (13ème circonscription)

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