Interventions

Discussions générales

Réforme ferroviaire (IG)

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites sur ces textes, à la fois pendant les questions au Gouvernement et au cours des explications de vote sur les motions de procédure.
S’agissant de la grève en cours, il me semble important de rappeler que les cheminots ne font pas la grève pour le plaisir et que si ce mouvement de grève s’est développé, c’est parce que les cheminots, qui sont attachés à la réforme ferroviaire, ne retrouvent pas ce qu’ils attendaient dans celle que vous proposez. Ils espéraient des garanties de la part de ce gouvernement de gauche et attendaient une grande réforme ferroviaire, fondée sur les grandes valeurs du service public.
S’ils ont exprimé un tel mécontentement et un tel rejet, c’est parce qu’ils considèrent que la réforme ferroviaire a déjà été mise en œuvre par anticipation à la SNCF : pour la seule année 2014, on compte en effet 2 453 suppressions d’emploi. Les choix qui sont faits en ce moment à la SNCF sont considérés comme une forme d’anticipation de la réforme, et c’est ce qui explique en grande partie que celle-ci soit mal perçue. Pour autant, les cheminots ne sont pas opposés à l’évolution de notre système ferroviaire, et je dirai pour ma part que le maintien du statu quo aurait des effets désastreux – je crois que cet avis est largement partagé.
M. Philippe Duron. Absolument !
M. Jean-Luc Laurent. Très juste !
M. André Chassaigne. La question qui se pose ensuite est celle de la nature de cette réforme. Le projet qui est présenté correspond-il, dans sa réalité et dans son écriture, à ce qui a été affiché, notamment par vous, monsieur le secrétaire d’État ? Ce projet de loi va-t-il véritablement créer ce grand service public unifié que vous prônez et que souhaitent aussi bien les cheminots que les acteurs du ferroviaire dans notre pays ? Le texte de loi, tel qu’il nous est proposé, donne-t-il toutes les garanties que la holding, qui réunira l’établissement public mère et les deux établissements publics « filles », ne pourra pas être cassée, avec d’un côté le système ferroviaire, le réseau et l’infrastructure, et de l’autre la mobilité et le transport ?
M. Dominique Bussereau. Très bien !
M. André Chassaigne. Lors de l’examen du texte en commission du développement durable, et lorsque certains de ses représentants se sont exprimés tout à l’heure – je pense notamment à M. Bussereau –, la droite nous dit clairement que lorsqu’elle arrivera au pouvoir, elle sera en mesure de supprimer l’EPIC de tête pour avoir deux établissements publics susceptibles d’entrer dans la concurrence européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La question qui nous est posée aujourd’hui – et c’est tout le sens de la lutte engagée par les cheminots –, c’est de savoir si les avancées qui seront inscrites dans le texte au cours de notre discussion permettront d’obtenir toutes les garanties attendues. Prenons quelques exemples précis. Est-ce que l’EPIC central portera la propriété de la maison SNCF ? Les infrastructures, les rails, les gares seront-ils la propriété de la maison centrale de l’établissement public de tête, ou bien resteront-ils propriété de la SNCF Réseau ? La question centrale est bien celle-ci : va-t-on pouvoir inscrire dans le marbre que la SNCF est un établissement qui intègre la totalité de ses activités et de ses propriétés ?
Les mêmes questions se posent d’ailleurs à propos du personnel : est-ce que, comme le prévoit actuellement le projet de loi, le personnel dépendra de deux structures, la SNCF Réseau, d’une part, et la SNCF Mobilité d’autre part ? Serons-nous à même, dans les jours qui viennent, de faire avancer le contenu de ce projet de loi, de façon à y introduire toutes les garanties nécessaires ? Il faut que nous disions clairement que l’établissement de tête n’est pas un établissement croupion, mais bel et bien le service public intégré du chemin de fer dans notre pays.
M. Gaby Charroux. Il en est la locomotive ! (Sourires.)
M. André Chassaigne. Il faudrait que cet établissement de tête soit suffisamment musclé pour qu’on ne puisse pas le morceler demain. Il faut qu’il soit inaliénable : c’est cela, le débat de fond !
L’examen du texte permettra-t-il, par ailleurs, de faire avancer la question du statut ? Les cheminots auront-ils la garantie que les futurs recrutements privilégieront le statut, et que l’on n’arrivera plus, comme c’est le cas aujourd’hui, à 30 % de recrutement contractuel ? Peut-on prendre l’engagement que ce taux de recrutement contractuel va baisser ?
Les institutions représentatives du personnel seront-elles organisées au niveau des EPIC secondaires, ou bien est-ce au niveau de l’EPIC central que se réuniront le comité central d’entreprise et les commissions consultatives ?
M. Dominique Bussereau. Non !
M. Nicolas Sansu. Il le faut !
M. André Chassaigne. Voilà un enjeu important !
La propriété sera-t-elle le monopole de l’EPIC de tête, ou bien chaque EPIC sera-t-il propriétaire de ses propres infrastructures, de ses gares ? Y aura-t-il un véritable bloc unifié ? Le cheminot changera-t-il d’employeur lorsqu’il passera d’un EPIC à l’autre ? Le cheminot aura-t-il un employeur unique, la SNCF ?
M. Dominique Bussereau. Non !
M. André Chassaigne. La feuille de paie sera-t-elle la même pour l’ensemble des cheminots ? Y aura-t-il un contrat de travail unique, valable pour l’ensemble de la holding ? Voilà les questions qu’il faut se poser ! Voilà les réponses que nous attendons ! Et c’est en fonction des réponses que vous nous ferez – en particulier sur la question de l’employeur unique – que nous voterons ou non ce texte.
M. Marc Dolez. Très bien !
M. André Chassaigne. Une autre question essentielle est celle de la dette, qui a déjà été maintes fois évoquée. Peut-on envisager un devenir de la SNCF si la dette, qui dépasse les 40 milliards d’euros, et qui augmente chaque année de 1,7 ou 2 milliards d’euros, est internalisée dans la maison SNCF ? Mesure-t-on bien les conséquences de ce choix, qui a bien été fait, puisque le texte dit qu’il faut maintenir des équilibres financiers ?
Un tel choix aura trois types de conséquences, qu’il faut bien évaluer.
Premièrement, et c’est le point le plus important, il aura des conséquences pour les usagers, car il ne fait aucun doute que si la dette est supportée par la SNCF, la qualité de service va se détériorer et que les tarifs vont augmenter.
M. Marc Dolez. Bien sûr !
M. André Chassaigne. Deuxièmement, ce texte aura des conséquences pour les cheminots, puisque la dette pèsera sur les conditions de travail et sur les salaires et qu’elle limitera les emplois – c’est déjà, du reste, ce qui se produit à la SNCF. Une inquiétude réelle s’exprime aujourd’hui chez les cheminots, et c’est elle qui motive en partie le mouvement de grève qui se poursuit aujourd’hui.
Troisièmement, est-ce que les investissements seront à la hauteur ? Est-ce que nous aurons les moyens financiers de régénérer les lignes qui, dans nos régions, sont en très grande difficulté et qui demandent des investissements importants ? Est-ce que les lignes nouvelles que nous avons retenues, cher Philippe Duron, dans le cadre de Mobilité 21, pourront être créées si nous n’avons pas les financements nécessaires ?
Ce que nous proposons, c’est de sortir la dette de la SNCF pour en faire une dette d’État. Elle est une dette d’État !
M. Dominique Bussereau. Tout à fait !
M. André Chassaigne. Parce que c’est l’État qui a pris la décision politique qui a créé la dette. Mais chacun sait que pour se plier aux injonctions européennes, il ne faut surtout pas augmenter le déficit, et que pour ne pas augmenter le déficit, on se refuse, au niveau de l’État, à prendre en compte cette dette.
Créons une caisse de défaisance ! Créons une caisse d’amortissement, avec des recettes propres, qu’il convient d’imaginer. Plusieurs des amendements déposés par des députés du Front de gauche feront des propositions dans ce sens, car il faut que cette caisse de défaisance ait ses propres recettes. Sans cela, on ne réglera pas le problème de la SNCF, ni celui de ses dysfonctionnements ; on n’aura pas le service de qualité dont notre pays a besoin. En définitive, si l’on ne prend pas à bras-le-corps les vrais problèmes qui se posent, ce texte de loi ne sera que la déclinaison des mesures qu’attend l’Europe, à savoir une organisation ferroviaire qui, sous l’apparence d’un grand service public national, ne sera que la préparation de l’ouverture à la concurrence.
Il faut une politique forte, une politique volontariste ! Il faut qu’un gouvernement de gauche soit capable de dire, au niveau européen, qu’il n’accepte pas la concurrence généralisée, en particulier celle du chemin de fer. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) C’est un choix politique !
Il faut que l’organisation ferroviaire de notre pays donne toutes les garanties de protection à l’opérateur public, parce qu’on sait bien que le développement de la concurrence aura les mêmes conséquences que celles qu’a connues le fret : en dix ans, avec l’ouverture à la concurrence, 50 % du fret a été supprimé, avec les conséquences terribles que l’on sait. Demain, les lignes rentables seront ouvertes aux opérateurs privés, qui viendront se faire de l’argent là où il y aura de la rentabilité ; et sur les lignes à petit trafic, qui ne sont pas rentables, ce sera la disparition, des taches blanches ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Imprimer cet article

Thématiques :

Pouvoir d’achat Affaires économiques Lois Finances Développement durable Affaires sociales Défense nationale Affaires étrangères Voir toutes les thématiques