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Réforme territoriale

Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, chers collègues, le Gouvernement présente un projet de loi relatif à la délimitation des régions et modifiant le calendrier électoral des élections régionales et départementales, ainsi qu’un projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République cet automne. Ces deux textes constituent la réforme territoriale récemment souhaitée par le Président de la République et le Premier ministre. Ils se sont réveillés un beau matin et ont eu cette idée…
M. Pascal Popelin. Curieuse interprétation !
M. Jean-Jacques Candelier. Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République confie de nouvelles compétences aux régions chargées du développement économique. Certaines compétences nouvelles leur seront transférées des départements, vidés de leur substance en vue d’une liquidation : collèges ou encore politiques de mobilité – transports interurbains et scolaires, routes. Les régions pourront adopter des schémas prescriptifs sur les actions des autres niveaux de collectivités. Cela heurterait le principe d’autonomie des collectivités territoriales garanti dans la Constitution.
Le projet de loi relatif à la délimitation des régions et aux élections régionales et départementales multiplie, quant à lui, par deux la taille des régions. On nous dit que c’est plus adapté aux enjeux économiques et de mobilité, mais l’argument ne me paraît pas tenir debout.
Acceptons cependant le principe, mais que faut-il en déduire pour les régions qui ne changent pas ? La fusion étant l’alpha et l’oméga, le Gouvernement nous doit bien une explication ! Revenons sur le but avoué de ce projet global : l’objectif serait de rivaliser avec les grandes régions en Europe et de réaliser, encore et toujours, des économies, comme si la démocratie avait un prix…
M. Laurent Furst. C’est tout de même normal !
M. Jean-Jacques Candelier. Quatorze régions métropolitaines, voire treize, vont se substituer, à compter du 1er janvier 2016, aux vingt-deux régions existantes par fusion des régions actuelles. Derrière le feuilleton du Meccano des nouvelles régions, les deux objectifs essentiels communs à la droite, au patronat, à François Hollande, au Gouvernement et à sa majorité de députés sont les suivants : d’une part, la suppression à venir des communes et des départements, soit de la démocratie de proximité ; d’autre part, la mise en place des instances d’une gouvernance éloignée des citoyens, avec les « eurorégions » et les métropoles, dans le cadre de la concurrence des territoires et d’une méga-austérité imposée par les marchés financiers et l’Union européenne.
François Hollande, le Gouvernement et sa majorité font clairement le choix du capitalisme mondialisé, de la concurrence exacerbée, de l’adaptation des formes institutionnelles et des territoires aux exigences du grand capital.
Souvenons-nous du titre du livre de l’ancienne présidente du MEDEF : Besoin d’aire. C’est bien entendu l’inverse qu’il faudrait faire, à savoir préserver notre démocratie de proximité, nos services publics, nos entreprises, nos commerces, nos industries, en mettant au pas la finance et en tournant le dos au libéralisme. Il serait possible de faire vivre les services publics de proximité pour le plus grand nombre et la démocratie et d’utiliser les collectivités territoriales pour favoriser l’égalité entre les citoyens, entre les usagers, tout en préservant nos emplois des grands vents de la concurrence folle et sans limite, qui détruit nos lois, notre protection sociale, voire notre identité et l’appartenance à une communauté de vie et d’intérêts.
Bien entendu, il devrait revenir aux Françaises et aux Français de se prononcer, en toute connaissance de cause, sur une telle réforme territoriale. Un sondage CSA indique que 69 % des personnes interrogées souhaitent pouvoir le faire. Un référendum serait particulièrement approprié. En cette matière, il est quasiment prescrit par la Constitution.
Je voudrais insister sur ce point : non seulement la réforme du Gouvernement ne figurait pas dans les soixante engagements du Parti socialiste – un oubli, sans doute, comme l’ensemble de la politique d’exonération fiscale et sociale massive en faveur du patronat –, mais il existe en outre un consensus pour dire que les questions institutionnelles, afin d’être comprises et acceptées par le plus grand nombre, doivent être tranchées par les citoyens eux-mêmes, à l’issue d’un vaste débat démocratique. Rien de tout cela n’a été fait et le référendum que nous proposions a été rejeté.
Dans une tribune diffusée le 3 juin dans la presse régionale, François Hollande entend acter, de la manière la plus centraliste et autoritaire qui soit, par voie de presse, sans s’encombrer du moindre mandat populaire ni de la moindre concertation, la mise à mort de la République une et indivisible. Oui, la mise à mort de la République une et indivisible, issue de la Révolution française ! Ce qui se passe aujourd’hui, d’un point de vue parlementaire, en plein cœur de l’été, en session extraordinaire, avec engagement de la procédure accélérée, est grave. C’est un coup de force. Ce jour est à marquer d’une pierre noire pour notre République.
M. Éric Straumann. Et pour l’Alsace !
M. Patrick Hetzel. Qui fait partie de la République !
M. Jean-Jacques Candelier. La majorité entend défigurer la France, dans le cadre d’une affiliation directe aux États-Unis d’Europe et à l’union transatlantique en construction. Je le dis avec gravité : il est l’heure de refuser catégoriquement l’euro-démantèlement du pays, de faire le lien entre la casse territoriale et la casse sociale, entre la casse démocratique et la casse de la nation, entre la casse de nos droits sociaux et la casse de nos emplois, de nos industries, de notre artisanat, de nos statuts.
« Saut fédéral européen », « big bang » territorial, plan Merkel-Hollande-MEDEF et Traité transatlantique procèdent d’une seule et même stratégie : celle du grand capital sans patrie. Il faut l’unité la plus large contre ces reculs de civilisation majeurs.

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Jean-Jacques
Candelier

Député du Nord (16ème circonscription)

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