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Régime commune nouvelle

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, vous ne vous étonnerez pas que notre groupe fasse entendre une tonalité quelque peu discordante par rapport à tout ce qui se dit depuis ce matin. Nous ne nous inscrivons pas dans le consensus ambiant qui se dégage autour des deux propositions de loi dont nous débattons ce matin : celle de notre collègue Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France, et celle de notre collègue du groupe socialiste.
Ces deux propositions de loi s’inscrivent dans le droit fil de la réforme territoriale de 2010 dont je n’avais pas compris à l’époque qu’elle était à ce point consensuelle avec, pour premier objectif, d’améliorer l’attrait du régime de la commune nouvelle. Après la loi Marcellin de 1971, le nouveau régime de fusion de communes de 2010 se veut plus simple, plus souple, plus incitatif.
Le moins que l’on puisse dire est que, malgré davantage de simplicité, de souplesse et d’incitation, le résultat n’a pas été à la hauteur des attentes. Notre rapporteur l’a rappelé tout à l’heure : seules treize communes nouvelles ont été créées. C’est probablement la preuve que le regroupement de communes n’est pas perçu par les élus locaux comme une réponse adaptée aux difficultés auxquelles ils peuvent être confrontés, en particulier dans les plus petites d’entre elles.
Cela étant, les explications fournies en témoignent, le problème n’est pas seulement d’améliorer le régime de 2010 mais aussi, pour reprendre l’expression de notre collègue Jacques Pélissard dans sa contribution écrite qui figure dans le rapport, « d’anticiper les mutations en cours. »
Nous pouvons certainement nous retrouver sur le constat. Les mutations en cours, en effet, font peser de graves menaces sur l’existence même des communes. Par mutations en cours, j’entends la nouvelle organisation territoriale qui est en gestation. Quels seront demain la place et le rôle de la commune dans des intercommunalités d’au moins vingt mille habitants, aux compétences élargies et dans la perspective d’une élection de ces intercommunalités, comme le Gouvernement l’a déjà indiqué, au suffrage universel direct, dans le cadre d’une élection spécifique, ce qui signifierait de fait la création d’une nouvelle catégorie de collectivités territoriales et, de fait encore, la création de super-communes venant coiffer les communes existantes ?
L’autre menace est financière, du fait d’une baisse brutale des dotations qui se traduit aujourd’hui par une réduction sans précédent des ressources financières : moins 3,7 milliards de dotations en 2015, moins 11 milliards sur trois ans entre 2014 et 2017, soit 28 milliards d’euros de pertes de ressources cumulées en quelques années, comme l’a chiffré l’Association des maires de France.
Si nous pouvons partager l’analyse de ces menaces extrêmement graves pour l’identité communale, nous n’en tirons pas pour autant les mêmes conclusions.
Tout d’abord, ces menaces ne sont pas une fatalité et nous ne voulons pas nous résigner à la nouvelle organisation territoriale qui se dessine et qui signifierait la mort programmée des communes, tout comme nous ne nous résignons pas à la baisse des dotations. Je serais tenté de dire à l’Association des maires de France, dont évidemment nous partageons beaucoup des analyses et des combats menés, que sur ces deux questions-là, le combat devrait plutôt continuer.
Contrairement à ce qui est dit et que j’ai encore entendu ce matin, il serait illusoire de croire qu’à l’issue de la période de transition, l’identité des communes regroupées sera respectée car, à l’évidence, l’écart se creusera entre les citoyens et leurs représentants alors même que notre démocratie a d’abord besoin de proximité. Cela ne peut pas être la réponse au sentiment d’abandon que vous avez bien fait d’évoquer tout à l’heure et qui est parfaitement décrit dans un ouvrage récent intitulé La France périphérique.
Pour nous, le rôle et la place de la commune, laquelle doit rester l’échelon de proximité, doivent être envisagés autrement. Le statu quo n’est évidemment pas satisfaisant mais nous considérons que la solution passe par une coopération volontaire et utile dans le cadre d’une intercommunalité de projets, par une audacieuse réforme de la fiscalité locale et par un approfondissement toujours plus important de la démocratie.
Derrière ces propositions de loi s’abrite l’idée récurrente qu’il faut combattre l’émiettement communal. Au-delà des discours et de l’attachement que chacun veut bien rappeler à nos communes, domine tout de même l’idée que 36 000 communes en France, c’est beaucoup trop par rapport à ce qu’on constate chez nos voisins, en Allemagne ou en Belgique, et qu’il faudrait en réduire le nombre.
M. Alain Tourret. Et les communes de zéro habitant ?
M. Marc Dolez. Je vois que vous opinez, monsieur le secrétaire d’État, mais nous, nous ne sommes pas d’accord avec l’idée qu’avait parfaitement détaillée il y a près de quarante-cinq ans par le club Jean Moulin et que beaucoup ont encore en tête : douze régions et deux mille communes. C’est, à l’évidence, la mort de la République et de sa spécificité telle que nous en avons hérité de la Révolution française.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sans que j’aie besoin de détailler le dispositif de ces propositions de loi, qu’il s’agisse de la gouvernance ou du pacte financier, nous sommes en désaccord avec la philosophie de ces deux textes et nous voterons résolument contre.

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Marc
Dolez

Député du Nord (17ème circonscription)

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