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Relancer un Etat aujourd’hui en panne

Je sollicite votre indulgence, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, car je remplace Gabriel Serville au pied levé. Je vais donc m’efforcer d’improviser deux ou trois idées sur le thème qui nous occupe.
Ayant réfléchi quelques minutes, je me suis interrogé sur ses causes. Si l’État est en panne, n’est-ce pas en raison de son renoncement ? Pour l’État industriel, dont François Ruffin vient de parler, la chose est flagrante. L’État a renoncé à l’ensemble des outils stratégiques qui lui permettaient de se porter au chevet des industries, des PME, des PMI, de nos filières structurées. Il a renoncé aux instruments de souveraineté capitalistique dont il disposait. J’en prendrai quelques exemples.
Des fonds d’investissement prédateurs, de type LBO – leveraged buy-out –, entre autres, sont en train de prendre pied dans l’ensemble de nos fleurons. Le pôle verrier de la vallée de la Bresle, monsieur le secrétaire d’État, a été victime de cette prédation. Si l’on n’y prend garde, elle pourrait siphonner les savoir-faire et accélérer les délocalisations. La pêche, sujet de la mission parlementaire que je préside, est elle aussi victime d’une perte de souveraineté capitalistique. Les Néerlandais achètent les pêcheries et, si nous n’y prenons garde, la pêche suivra le modèle qui a fait si mal à l’agriculture et à l’environnement, le modèle qui a produit des exploitations mastodontes, hors de tout contrôle.
Face aux menaces qui pèsent sur ces fleurons qui font l’identité de nos territoires, les irriguent en emplois et sont la sève de leur aménagement par les activités économiques qu’ils y créent, l’État reste spectateur. On est passé du ministre du redressement productif, avec ses marinières et ses coups de menton, à un ministre du renoncement productif. Les dernières annonces en matière industrielle, malheureusement, en témoignent. Les mariages que l’on nous a présentés comme des avatars du modèle Airbus, Airbus naval, Airbus du train, Airbus de l’automobile, se sont soldés, au bout du compte, par l’application de la même logique, celle des actionnaires qui font main basse sur nos fleurons : on supprime d’abord les doublons, puis on délocalise les sites industriels car on trouve toujours de la main-d’œuvre moins chère ailleurs. Face à cela, l’État n’est pas, à proprement parler, en panne : les ministres regardent passer les trains, ils regardent les territoires broyés et les vies abîmées.
Des élections ont eu lieu récemment, et il est de notre intérêt, je crois, de ne pas en appréhender les résultats en seulement vingt-quatre heures. Les territoires qui crient leur colère, hurlent leur désespérance, ne le font pas par plaisir ou parce que tous les fâchés sont devenus des fachos : ils le font sur le constat d’une réalité, celle d’un État qui a organisé le recul de la République partout et pour tous. La suppression des services publics de proximité, votre nouvelle approche des services publics qui ne fait qu’accélérer leur déménagement des territoires, le fait que, selon l’endroit où l’on habite, où l’on naît, on n’ait pas accès à la même formation, à la même école, à la même médecine, tout cela illustre aussi l’État en panne, l’État qui renonce, l’État qui n’a pas soin de faire briller le soleil pour tout le monde. J’veux du soleil, s’intitule un beau film que je vous recommande. (Sourires.) Avec Macron, le soleil ne brille pas de la même façon pour tout le monde : certains territoires sont plus à l’ombre que d’autres, et la pluie y tombe plus dru.
En matière industrielle, en matière d’activité économique, de pôles de compétitivité et d’innovation, bref, en tout ce qui structure l’économie résidentielle, que certains rêvent de voir se substituer à l’économie réelle, il y a un risque, sur lequel j’appelle votre attention, à concentrer toutes les réponses de l’État dans des métropoles attrape-tout, dans des territoires où les gens vont bien, tout en renonçant à vous préoccuper de ceux qui vont moins bien. Pourtant, ces gens-ci font la France, sa diversité et sa richesse.
Voilà en quelques mots, monsieur le secrétaire d’État ce que m’inspire ce titre d’un « État en panne ». En panne, l’État ne l’est pas pour des raisons techniques, ni parce qu’il serait en apesanteur : il l’est par l’absence de volonté politique, de la part des libéraux que vous êtes, de prendre en main la conduite du pays et d’assurer une redistribution des richesses, d’assurer une égalité sociale et une égalité territoriale qui guident les choix de l’État stratège, de façon que, au bout du compte, la République demeure une et indivisible, présente partout et pour tous. Ce serait le contraire de l’État en panne, de cet État que vous vous obstinez à ne pas réparer au profit de tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)

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