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Répression des abus de marché - CMP

La parole est à M. André Chassaigne.
M. Dominique Baert, rapporteur. …qui va pourfendre les fraudeurs !
M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui amenés à réformer en urgence le système français de répression des abus de marché, un système remis en cause par une décision du Conseil constitutionnel de mars 2015, qui est venue tout bousculer et nous impose de mettre sur pied un nouveau dispositif avant le 1er septembre.
Nous comprenons donc fort bien l’initiative de notre collègue Dominique Baert, prise dans un délai très contraint. Celle-ci permet d’apporter d’un point de vue pratique des solutions aux différents points soulevés par le Conseil constitutionnel.
Rappelons ce qui est en jeu : il s’agit de notre système de répression des abus de marché, soit, pour le dire simplement, de la façon dont notre société réprime le comportement de certains acteurs économiques, avec pour conséquence de désavantager, directement ou indirectement, certains investisseurs.
L’abus de marché le plus classique est le fameux délit d’initié, constitué quand un investisseur bénéficie d’une information sensible, de nature confidentielle, dont ne disposent pas les autres investisseurs – ce qui lui permet de réaliser des gains, en raison de l’évolution future du cours de bourse.
Jusqu’à présent, les mêmes faits de délits d’initié pouvaient être poursuivis et sanctionnés devant une autorité administrative, en l’occurrence l’Autorité des marchés financiers, et devant une juridiction pénale. La décision du Conseil constitutionnel est venue bousculer la donne. Le Conseil a fait sienne la règle dite du « non bis in idem » – pas deux fois pour la même chose – et exige la mise en conformité du système de répression des abus de marché.
Derrière cette décision, on voit en filigrane la distinction entre l’exercice du pouvoir pénal, expression de la volonté générale, par le parquet financier, et l’exercice du pouvoir administratif, confié à une autorité administrative indépendante définie par la loi.
Pourquoi, mes chers collègues, la surveillance des marchés financiers est-elle assurée par une autorité dite indépendante, et non pas directement par une direction spécifique au sein d’un ministère ? C’est une question essentielle, qui mérite d’être posée.
En tout état de cause, la proposition de loi reprend à son compte les remarques formulées par le Conseil constitutionnel et propose la mise en place d’un mécanisme de concertation et d’aiguillage vers l’AMF ou le parquet national financier.
Il s’agit de définir les affaires qui iront devant l’Autorité des marchés financiers et celles qui seront jugées par le parquet national financier.
M. Dominique Baert, rapporteur. En effet !
M. André Chassaigne. Le mécanisme de concertation prévoit que l’action publique ne pourra être mise en mouvement par le procureur de la République financier qu’après concertation avec le collège de l’AMF, et sur avis conforme de celui-ci.
Il est proposé ensuite de laisser au parquet financier le soin de traiter les affaires les plus significatives en termes de montants et d’enjeux, et à la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers, celui de prendre en charge les affaires, disons, plus classiques.
Derrière cette procédure d’aiguillage, on peut se demander, d’un point de vue pratique, quels seront les critères objectifs qui feront que tel dossier sera traité par l’AMF et tel autre transmis au parquet financier.
Passées ces réserves, la proposition permet d’apporter en urgence une solution réelle à l’avertissement soulevé par le Conseil constitutionnel.
M. Dominique Baert, rapporteur. En effet !
M. André Chassaigne. Nous lui apporterons donc un soutien que je qualifierai d’attentif.
M. Dominique Baert, rapporteur. Non : d’historique !
M. André Chassaigne. Pour conclure mes propos, madame la présidente, j’aimerais aborder deux points qui doivent tous nous alerter.
Derrière la question de la répression des abus de marché, c’est celle de la répression de la délinquance économique dans son ensemble qui est posée : quid de la répression pénale de la délinquance économique, notamment pour les faits de fraude et d’évasion fiscales ? Pourquoi est-elle si peu fréquente dans notre pays ? Pourquoi une telle tolérance ? Un gros chèque permet-il d’effacer l’ardoise et les dommages causés à la société ? Cette relative impunité ne nous paraît pas acceptable.
En filigrane, une autre question est posée : celle des moyens humains et financiers alloués à la justice pénale pour traiter les dossiers de délinquance économique et financière. À cet égard, la constitution d’un parquet financier est une avancée notable, que nous saluons. Mais sa taille reste bien trop modeste. Il conviendrait de renforcer les moyens pour aller vers une répression beaucoup plus efficace et plus juste de la délinquance économique et financière.

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