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République numérique

Au début de l’examen, en séance publique, de ce projet de loi pour une République numérique, permettez-moi à nouveau, madame la secrétaire d’État, de vous rendre hommage pour le travail que vous avez accompli et la méthode que vous avez employée dans l’élaboration de ce texte.
M. Pascal Terrasse. Profitez-en, madame la secrétaire d’État ! Ça ne durera pas !
M. André Chassaigne. Vous avez en effet suivi une véritable procédure de concertation citoyenne, une procédure novatrice inédite sous la Ve République, mêlant dialogue, transparence et volonté d’avancer concrètement. Les citoyens ont ainsi eu l’opportunité de formuler des propositions et d’amender le texte de l’avant-projet de loi. Cette méthode de co-construction mériterait d’être généralisée, car elle pourrait redonner de l’air à ce qu’il y a de plus cher dans notre société : la démocratie.
M. Lionel Tardy. M. Chassaigne est trop gentil : c’est suspect !
M. André Chassaigne. Pourquoi, d’ailleurs, ne pas appliquer ce modèle de démocratie participative au futur projet de loi dit « Macron 2 », qui aura lui aussi trait au numérique, ou encore à la réforme du code du travail ?
M. Jean-Luc Laurent. C’est une excellente idée !
M. Pascal Terrasse. Et pourquoi pas aux projets de loi de finances, tant qu’on y est ?
M. André Chassaigne. Gardons en tête l’impérieuse nécessité de faire respirer nos institutions.
Venons-en au cœur du sujet : c’est un fait incontestable que le numérique occupe désormais une place essentielle dans notre quotidien – échanges, travail, rapports sociaux, consommation. Le développement du numérique a tout chamboulé : nos institutions, notre droit, la politique, l’administration, et même le salariat, comme nous le voyons avec Uber. Le numérique est au cœur de rapports de force considérables, et la situation actuelle illustre en réalité les grandes contradictions du capitalisme contemporain.
Le numérique, c’est, d’un côté, le partage des savoirs et des savoir-faire : quel signal d’espoir quand des projets collaboratifs mobilisent des milliers de personnes aux quatre coins du monde ! C’est aussi l’essor des logiciels libres, qui montrent que la coopération et le partage se révèlent plus efficaces que la concurrence et la privatisation. Mais d’un autre côté, le numérique, c’est aussi le poids démesuré des entreprises que l’on regroupe sous le nom de « GAFA » : Google, Amazon, Facebook, Apple. Assis sur cette mine d’or que sont nos données personnelles, ces entreprises exploitent parfaitement les failles juridiques et fiscales pour échapper à leurs obligations.
M. Luc Belot, rapporteur. C’est très vrai !
M. André Chassaigne. Le développement du numérique paraît illimité, avec des possibilités de coopération formidables. Mais la mainmise des grands intérêts privés pèse : les grands groupes sont prêts à dresser toujours plus de barrières pour exploiter à des fins marchandes cette richesse commune. Disons-le clairement : la révolution numérique implique de nouveaux cadres politiques, de nouveaux droits qui soient vraiment à la hauteur des choix de civilisation que nous devons faire. Pour nous, cette révolution doit être un vecteur d’émancipation, d’autonomie et de partage ; il faut que ces valeurs s’imposent face au risque d’une hyper-marchandisation qui détruirait le lien social.
Ce projet de loi permet d’aller de l’avant. Les travaux en commission ont aussi permis de renforcer l’approche initiale du texte : c’est bien entendu positif. Le renforcement de l’open data est une bonne chose : s’il est bien encadré, il pourrait permettre le développement de nouveaux services au bénéfice de tous. Le projet de loi propose de libérer l’accès à la recherche publique. En matière de portabilité des données et de loyauté des plateformes, des avancées très concrètes sont proposées, tout comme en matière de protection de la vie privée.
Enfin, alors que la fracture numérique menace, la question de l’accessibilité occupe une place centrale dans ce projet de loi. À cet égard, je remercie le Gouvernement d’avoir intégré à ce texte les dispositions de ma proposition de loi relative à l’entretien et au renouvellement des lignes téléphoniques. Cette proposition de loi avait elle aussi fait l’objet d’un travail approfondi de concertation, un travail citoyen ; l’Assemblée l’avait adoptée à l’unanimité en mai dernier. Il est nécessaire de ne pas couper le fil : c’est au cœur de nos préoccupations. Nous espérons que la représentation nationale ira de nouveau dans ce sens.
Je conclurai par plusieurs interrogations. D’abord, concernant l’open data, quid de l’utilisation à des fins commerciales de données publiques ? Quelles seront les contreparties ? Pourquoi ne pas avoir maintenu la notion ambitieuse de « neutralité du net », qui a pourtant été plébiscitée par les internautes, tout comme la partie sur les biens communs, qui fera l’objet de l’un de nos amendements ? Enfin, pourquoi ne pas graver dans le marbre le recours aux logiciels libres par l’administration et l’éducation nationale ?
Madame la secrétaire d’État, c’est dans un état d’esprit constructif et déterminé que nous abordons ce débat tout à fait intéressant et essentiel, en vérité, pour l’avenir de notre pays, tant les enjeux du numérique sont considérables.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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