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Restauration de Notre-Dame de Paris

Je veux une nouvelle fois saluer la grande générosité des Françaises, des Français et des citoyens et citoyennes du monde entier ; leur réponse de solidarité est à la hauteur de l’émotion suscitée par les images de notre cathédrale en flamme.

Les jours suivant l’incendie auraient dû être ceux de l’apaisement. Après de telles images, après la peur de voir la cathédrale disparaître, puis la tristesse de la voir ainsi blessée, le temps était celui des paroles qui calment, qui donnent des perspectives et non pas celles de l’improvisation et d’un volontarisme surjoué.

Comment faire accepter aux communes ou à d’autres maîtres d’ouvrage, le respect de règles très strictes et très contraignantes – justifiées – alors que dans le même temps, par la loi, on y déroge pour Notre-Dame ?

Mais dans la foulée, le Président de la République a exigé que l’on reconstruise la cathédrale en cinq ans. Tout ce projet de loi est issu de l’inconséquence de ces propos. Lors de mon intervention en commission, j’ai cité le discours que le Président a tenu en mai dernier, lors de la réception du lauréat du prix Pritzker : il y reconnaissait que la définition de ce délai ne repose sur aucune expertise.

Mon deuxième regret est que le Parlement ait cédé à cette injonction, en acceptant de déroger aux règles du patrimoine, de l’urbanisme, de l’environnement, du transport, de l’archéologie préventive. L’article 9, malgré les modifications qu’il a connues, ouvre un précédent dangereux pour la conservation et la restauration du patrimoine.

Comment faire accepter aux communes, par exemple, ou à d’autres maîtres d’ouvrage, le respect de règles très strictes et très contraignantes – justifiées – alors que dans le même temps, par la loi, on y déroge pour Notre-Dame ?

L’ensemble des spécialistes du patrimoine s’élèvent contre ce texte qu’ils jugent inutile pour la reconstruction et dangereux par le précédent qu’il crée.

Le ministère de la culture a même accepté un temps d’être mis totalement de côté, puisque le nouvel établissement public n’apparaissait pas sous sa tutelle dans la première version. Erreur heureusement corrigée.

Ce projet de loi est en réalité sans objet. Les normes, les services et les compétences sont déjà présents pour répondre à l’immense enjeu que représente la reconstruction de la cathédrale. L’ensemble des spécialistes du patrimoine s’élèvent donc contre ce texte qu’ils jugent inutile pour la reconstruction et dangereux par le précédent qu’il crée.

Mon dernier regret concerne le débat en creux sur les modalités de restauration de la cathédrale, que nous avons eu ici comme au Sénat. Très vite s’est posée la question, légitime, de savoir si la reconstruction doit ou non être faite à l’identique. Ce débat est parfaitement recevable puisqu’il traverse la société ; mais il n’a pas à être tranché par la loi, ce que ce texte se garde heureusement de faire.

Les discussions autour de la charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites – charte de Venise – ont bien illustré ce questionnement. En effet, certains voulaient la mentionner dans la loi pour justifier une restauration à l’identique ; d’autres s’y opposaient. J’ai personnellement souhaité son inscription car elle offre un cadre strict et protecteur aux modalités de restauration, ce que je pense nécessaire étant donné l’importance de Notre-Dame.

Nous comptons sur les architectes, les conservateurs du patrimoine, les spécialistes de la construction, les compagnons – artisans aux savoir-faire incroyables –, les historiennes et historiens, les archéologues. Toutes ces personnes qualifiées doivent se trouver au cœur de la restauration et être décisionnaires. Nous leur faisons confiance car ils ont toujours répondu présents, peu importe l’ampleur du défi.

Cependant la charte de Venise ne ferme pas la porte aux marqueurs de notre temps, et en aucune manière n’oblige à une restauration à l’identique ou à la conservation d’un même état visuel. Sa lecture suffit à comprendre son esprit, celui de ne pas dénaturer le monument.

Malgré ces regrets et mon opposition au dernier article du projet de loi, j’ai aussi de nombreux espoirs.

Une nouvelle fois, nos compatriotes ont montré qu’ils étaient toujours aussi concernés par tout ce qui touche à notre histoire, à notre culture, à notre patrimoine. Ils veulent se rassembler et ensemble trouver les solutions les plus adéquates pour la cathédrale.

Pour y parvenir, nous comptons sur les architectes, les conservateurs du patrimoine, les spécialistes de la construction, les compagnons – artisans aux savoir-faire incroyables –, les historiennes et historiens, les archéologues. Toutes ces personnes qualifiées doivent se trouver au cœur de la restauration et être décisionnaires. Nous leur faisons confiance car ils ont toujours répondu présents, peu importe l’ampleur du défi.

Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, en raison des dangers que représente l’article 9, ne voteront pas ce projet de loi.

Dans quelques mois, nous serons amenés à nous prononcer sur le projet de loi de finances pour 2020. Les députés GDR seront particulièrement attentifs aux crédits dédiés à la culture et à ceux du programme « Patrimoines », comme aux moyens donnés aux collectivités territoriales pour les aider à entretenir leur patrimoine local. L’État doit retrouver un rôle central dans la conservation et la valorisation du patrimoine, lesquelles ne doivent pas dépendre autant du mécénat privé. (M. Régis Juanico applaudit.)

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Marie-George
Buffet

Députée de Seine-Saint-Denis (4ème circonscription)

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