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Rythmes scolaires

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons à examiner aujourd’hui une proposition de loi qui, sous couvert de donner aux maires la liberté de choix sur la réforme des rythmes scolaires, vise en fait à remettre en cause toute évolution des rythmes et à ouvrir une brèche dans le caractère national de notre éducation.
M. Jacques Myard. Ça n’a rien à voir !
Mme Marie-George Buffet. Depuis des années, des spécialistes travaillent sur les rythmes scolaires et ils sont arrivés à la conclusion qu’ils étaient déterminants dans l’apprentissage scolaire et la capacité des enfants à bénéficier, à égalité, de l’éducation que la République devait à chacune et chacun.
Ces recommandations ont été, non seulement ignorées ces dix dernières années, mais tout simplement bafouées quand la précédente majorité a décidé d’instaurer la semaine de quatre jours sans aucune concertation avec la communauté éducative. Il n’était, à l’époque, question ni du pouvoir de décision des maires ni de l’équilibre des enfants. Il était tout juste question de se plier à un air du temps dont on ne savait pas vraiment en faveur de qui il pouvait jouer.
M. Xavier Bertrand, rapporteur. Vous avez pensé aux familles recomposées ?
Mme Marie-George Buffet. L’intérêt des enfants c’est, au contraire, tenir compte des études réalisées sur les rythmes scolaires pour permettre au plus grand nombre de réussir. Je veux insister sur cet objectif, après avoir entendu en commission des propos inacceptables sur la capacité des familles défavorisées à éduquer leurs enfants. Car la résorption des inégalités dans le parcours scolaire ne réside pas dans une fuite en avant libérale, comme nous avons pu l’entendre à l’occasion de la publication de l’enquête PISA.
Non, la solution n’est pas dans le tri sélectif des élèves en amont, pour ne garder que les plus performants ! Non, la solution n’est pas dans la direction des établissements par des patrons formés dans le privé ! Non, la solution n’est pas dans le report sur les parents du rôle que l’éducation nationale doit assumer ! Parce que nous voulons l’école de la réussite pour toutes et tous, nous voulons le meilleur pour chaque enfant, quelle que soit son origine sociale ou territoriale, et nous voulons en créer les conditions dans l’organisation de l’école.
M. Pierre Lequiller. Justement, il va y avoir inégalité !
Mme Marie-George Buffet. Cela passe par des enseignants formés et en nombre suffisant, par un travail sur les programmes, en fait, par la refondation de l’école que nous avons entamée. L’adaptation des rythmes scolaires à celui de l’enfant en fait partie. Or c’est ce choix de répondre d’abord aux besoins des enfants que votre proposition de loi conteste dans les faits.
Certes, pour réformer l’école et son contenu, toute la communauté éducative doit participer. Et les maires, bien sûr, en sont. Ils portent une grande responsabilité pour l’organisation du premier degré dans leur commune. Et je sais leur fierté lorsqu’ils inaugurent une nouvelle école, comme ce fut le cas dernièrement encore dans une des villes de ma circonscription.
Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que vous voulez leur donner plus de pouvoirs. J’ai envie de vous demander : plus de pouvoirs, mais lesquels et pour quoi faire ? Car, qu’il s’agisse du code de l’éducation ou du décret que vous voulez voir abrogé, les pouvoirs du maire ne sont pas ignorés, ils sont même bien définis.
Prenons l’article 2 du décret. Il précise : « Le directeur académique des services de l’éducation nationale (…) arrête l’organisation de la semaine scolaire de chaque école du département dont il a la charge (…) après avis du maire ou du président de l’établissement public de coopération ».
De la même façon, le décret permet aux communes qui le demandent, en fonction de leur projet éducatif, de prévoir un enseignement le samedi matin plutôt que le mercredi matin, par exemple.
Le maire est en charge des infrastructures, de la restauration ou des personnels non enseignants. Il a aussi, par le code de l’éducation, le pouvoir de choisir les heures d’entrée et de sortie des élèves de sa commune. Mais toutes ces décisions s’opèrent à partir d’un cadre identique pour tous les élèves de France.
Nous ne pouvons souscrire à votre volonté de voir les maires intervenir sur le temps scolaire. Comment envisager, en effet, que selon leur lieu d’habitation, les élèves ne disposent pas du même temps d’apprentissage des savoirs que doit leur dispenser l’éducation nationale ? C’est pourtant à un tel résultat que l’on pourrait aboutir en municipalisant les décisions sur le temps scolaire.
Je l’ai déjà dit au début de cette intervention, l’école de la République doit à tous ses enfants une égalité de traitement, et donc, une égalité dans l’apprentissage et l’acquisition des savoirs.
M. Pierre Lequiller. Justement, il n’y aura pas égalité !
Mme Marie-George Buffet. Cette égalité ne peut se faire hors de la responsabilité de l’éducation nationale. Pour que chaque enfant ait les mêmes droits à l’éducation, toutes les communes doivent avoir les mêmes devoirs à leur égard : et cela, c’est la nation, et donc, l’État qui en est le garant.
Faire ainsi est la condition de la démocratie et de l’exercice de la citoyenneté. Car, dans un cadre identique, la concertation peut s’ouvrir sur une organisation adaptée aux réalités de terrain. C’est d’ailleurs ce qui se passe dans de nombreuses communes. Le travail commun aux équipes éducatives et aux structures territoriales est une réalité très fructueuse. Seuls celles et ceux qui n’ont jamais participé à des conseils d’école peuvent en douter !
Alors, oui, les maires doivent avoir leur mot à dire sur ce qui se passe dans les écoles de leur commune, mais leur rôle n’est pas de remplacer l’éducation nationale ni ses acteurs et actrices. Disant cela, je ne veux pas nier les questions posées par le décret concernant les rythmes scolaires. La nouvelle mobilisation des enseignants, aujourd’hui, en témoigne. Par exemple, ce matin, à Stains, quinze écoles sur vingt-quatre étaient fermées.
M. Pierre Lequiller. Eh oui !
Mais lorsque vous entendez les enseignants, ce mouvement n’est pas contre une réforme des rythmes.
Ah non ?
Mme Marie-George Buffet. Il vise les problèmes rencontrés dans l’application de la réforme. Et les problèmes concernent essentiellement l’organisation du périscolaire, s’agissant, par exemple, de la journée du mercredi, pour les communes qui choisissent cette demi-journée plutôt que le samedi matin. Des problèmes d’organisation se posent aux parents comme aux enseignants, des problèmes de locaux aux équipes éducatives, mais aussi aux associations sportives et culturelles.
Se pose, surtout, la question de la qualité éducative des activités, et donc de, leur évaluation et de leur contrôle, mais aussi de la qualification des encadrants qui interviennent. Avoir du temps hors scolarité devrait permettre à tous les enfants d’avoir du temps culturel, c’est-à-dire du temps pour développer leur imagination, leur créativité et leur personnalité. Car, là aussi, la question de l’égalité se pose entre tous les enfants. Quel que soit le territoire où ils habitent et étudient, la qualité du périscolaire ne doit pas dépendre des capacités financières de leurs parents ou de leur commune. Elle doit être encadrée et réglementée pour que chaque enfant puisse bénéficier du meilleur. Un périscolaire ne doit pas remplacer l’éducation artistique ou sportive dans le cadre de l’enseignement, l’école ne pouvant se résumer à ce restrictif socle minimum du « lire, écrire, compter » !
Cela demande des moyens, monsieur le ministre. Et vous me permettrez de penser que la réduction des dépenses publiques, les contraintes ainsi imposées ne sont pas de nature à encourager une belle ambition pour la mise en place de cette réforme. Je pense notamment à la réduction des dotations de l’État aux communes. Le seul fonds prévu pour les premières années ne suffira pas.
Il va donc falloir poursuivre la concertation, travailler à l’élaboration de réponses novatrices et donner les moyens pour répondre aux attentes de la communauté éducative. C’est cette démarche constructive que je veux porter pour la réforme des rythmes.
Aussi, je regrette vivement la campagne lancée par nos collègues de l’UMP à ce sujet.
Mme Isabelle Le Callennec. Ce n’est pas une campagne lancée par l’UMP !
Mme Marie-George Buffet. Vous vous comportez comme l’incendiaire qui crie au feu. Profitant de l’extrême sensibilité existant à juste titre dans notre pays sur l’éducation des enfants et sur les difficultés réelles dans la mise en œuvre de la réforme, vous voulez empêcher un vrai débat, une vraie concertation, absolument indispensables pour mettre en œuvre un tel projet.
M. André Schneider. Précisément, on lance le débat, on ne l’empêche pas !
Mme Marie-George Buffet. C’est parce que nous souhaitons que ce débat puisse avoir lieu sur le contenu et l’organisation de cette réforme, et au nom de l’école de la République, que nous voterons contre la proposition de loi soumise par nos collègues de l’UMP. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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Marie-George
Buffet

Députée de Seine-Saint-Denis (4ème circonscription)

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