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Santé : réforme de l’hôpital (Loi HPST)

Nous sommes arrivés au terme d’un large débat, qui intéresse l’ensemble des Françaises et des Français, puisqu’il touche à l’avenir de notre système de santé.
En quelques mois, voilà scellé le destin de l’hôpital public, socle de notre système social de santé. Quel est l’objectif réel de ce projet ? Tout le monde s’accorde sur le besoin de réforme. Personne ne propose d’en rester au statu quo : il y a des besoins nouveaux, des besoins grandissants, des modifications. Il faut donc réformer.
C’est ensuite que nous divergeons totalement : le Gouvernement agit en fonction d’un dogme libéral dont les recettes sont appliquées uniformément à tous les secteurs de la société – institutions, collectivités territoriales, logement, et maintenant santé : tout est passé au crible de la rationalisation, de la simplification, de la fusion, de la privatisation. Mais votre croyance en l’efficacité sans faille du guichet unique risque bientôt, malheureusement, de montrer ses limites. Ce n’est pas en appliquant une simple logique comptable que nous résoudrons les dysfonctionnements de notre système de santé.
Mais bien sûr, là aussi, nos points de vue divergent. À la mise en concurrence et à l’exigence de rentabilité que vous introduisez, nous opposons la solidarité, l’égalité d’accès aux soins et le renforcement de la mission de service public des hôpitaux.
La restructuration du système de santé par le biais des agences régionales de santé offre l’illustration parfaite de l’orthodoxie libérale que vous appliquez. Il faut croire que nous ne partageons pas la même définition de la décentralisation – quelqu’un se demandait tout à l’heure comment on pouvait à la fois décentraliser et étatiser : je vais vous l’expliquer. Il faut mettre quelqu’un en haut pour décentraliser en bas, en gardant les mêmes organismes décisionnaires. C’est cela, l’étatisation – c’est ce que vous critiquiez dans les pays de l’Est, par exemple, et que je critiquais moi-même. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il faut un service public démocratisé, autogéré, voilà la vérité ! Dans votre texte, le directeur de l’ARS a au contraire tous les pouvoirs, tous les droits ; le patron, dans l’hôpital, exécute les ordres. C’est de la centralisation pyramidale pure et simple.
Dans sa déclinaison financière, vous vous servez de la décentralisation pour accompagner le désengagement de l’État. Il s’agit donc de déconcentration, et non de décentralisation.
Ainsi, pour pallier l’éclatement des structures décisionnelles aujourd’hui partagées entre sept organismes, vous confiez l’organisation des activités de santé aux nouvelles agences régionales de santé. Tout le monde était d’accord sur le principe d’une structure disposant d’une vue d’ensemble. Mais quel sera en réalité le rôle de l’ARS ? Vous placez à sa tête une direction dotée de pouvoirs exorbitants, véritable courroie de transmission – c’est ce que je veux vous expliquer, car vous semblez avoir du mal – des politiques publiques du pouvoir central, et ce au mépris des acteurs locaux – collectivités territoriales, caisses de sécurité sociale, professionnels de la santé.
L’hôpital a besoin de plus de moyens. Or, votre projet de loi s’évertue à lui couper les ailes. En effet, pour que le budget des hôpitaux puisse être revu à la baisse, vous proposez la « convergence » – doux euphémisme pour ce que nous appelons, pour notre part, la mise en concurrence. La « convergence » reviendrait selon vous à aligner les tarifs du privé sur ceux du public.
Mais vous oubliez que la mission de service public que remplit l’hôpital n’est pas celle des cliniques privées dont le principal objet est, comme pour n’importe quelle entreprise privée, de prospérer – financièrement, bien entendu. Vous oubliez également que la majorité des actes effectués à l’hôpital ne sont pas programmés, et sont donc plus coûteux. Enfin, vous passez sous silence le fait que les tarifs des hôpitaux, à la différence de ceux des cliniques, intègrent la rémunération des praticiens. Comparaison n’est pas raison.
Je voudrais éclairer mon propos, qui doit paraître bien théorique.
Quand une clinique privée fait 2 000 accouchements par an, elle ne salarie qu’une seule sage-femme, car chaque parturiente arrive à la clinique avec sa sage-femme libérale, son gynécologue et son anesthésiste également libéraux, et si l’accouchement présente un risque de complication, on transporte rapidement la patiente vers l’hôpital le plus proche.
Pour réaliser le même nombre d’accouchements, la maternité du centre hospitalier de Saint-Denis salarie trois sages femmes, une gynécologue, un anesthésiste, une infirmière de bloc et un aide opératoire. Voilà la grande différence entre le privé et le service public hospitalier ; voilà pourquoi l’hôpital public est plus cher et doit donc être financé davantage. Ce n’est pas mystérieux.
L’hôpital public soigne donc tous les patients – ou bien devrais-je dire : « soignait » ? Mettre l’hôpital public à la même enseigne que le secteur privé reviendra à remettre en cause le principe républicain d’égal accès de tous aux soins dans de bonnes conditions. On connaît déjà les effets pervers de la tarification à l’activité, qui pousse peu à peu les gestionnaires du secteur de la santé à privilégier les actes rentables et à se débarrasser de ceux qui ne rapportent pas. On connaît aussi les dérives discriminatoires à l’encontre des bénéficiaires de la couverture médicale universelle – 50 % des médecins spécialistes parisiens, 22 % en France, leur opposeraient un refus de soins. Jusqu’à présent, on regrettait ces discriminations, surtout chez les médecins libéraux. Mais il y a fort à craindre qu’elles ne s’étendent désormais à l’hôpital public.
En créant un nouveau statut contractuel pour les médecins hospitaliers, le projet de loi pose évidemment de grands problèmes à la médecine publique.
En comparant ce qui est comparable, on s’aperçoit que les cliniques privées sont nettement privilégiées. Votre projet de loi – qui partait, me semble-t-il, d’un bon sentiment – ne résout pas, tant s’en faut, les problèmes posés, et en particulier la question de la liberté pour chacun de disposer d’un accès libre et gratuit à la santé. Au contraire, il va encore aggraver les choses.
Pour conclure, madame la ministre, quand je vous entends dire que vous n’avez pas fermé un seul hôpital peut-être cela veut-il dire que les ARH ont déjà le pouvoir de le faire sans vous consulter et sans que vous le sachiez. En ce cas, c’est encore pire que ce que je pensais. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
 

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Maxime
Gremetz

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