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Santé : réforme de l’hôpital (Loi HPST)

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l’ensemble de ce projet, mais je me contenterai, durant les cinq ou six minutes qui me sont attribuées, de pointer une carence notable pour l’élu de zone rurale que je suis : la prise en compte à leur juste mesure des problèmes de démographie médicale ou, plutôt, de désertification médicale, à savoir l’insuffisante couverture du territoire en termes d’offre de soins et de praticiens de proximité.
Les politiques de l’État ont vidé les territoires de leurs activités économiques et de leurs services publics : écoles, postes, tribunaux, transports collectifs… tous les secteurs sont touchés. La politique menée a fortement atténué l’attractivité de nos campagnes et porte, de ce fait, une lourde responsabilité dans la situation actuelle. C’est pour répondre à ce terrible constat du déclin de nos territoires que nous avons lancé, avec mon ami Jean Lassalle, l’appel « Campagnes de France : grande cause nationale ».
C’est bien l’effet cumulatif de la désertification qui explique tout particulièrement les difficultés pour maintenir dans ces zones la présence de praticiens généralistes. Les solutions existent face à cette véritable pénurie qui oblige des patients paniqués à attendre des heures, voire des jours, et à parcourir parfois des dizaines de kilomètres, pour être soignés.
Cependant, pour cela, il faut du courage politique, en acceptant en premier lieu de considérer que les médecins sont détenteurs de véritables missions de service public puisque payés par la sécurité sociale. Pourtant, aujourd’hui, seulement 45 % des médecins installés participent à la permanence des soins. N’est-ce donc pas à l’État d’assurer cette mission d’accès aux soins ?
La santé ne doit pas être une marchandise soumise à de multiples aléas conduisant à l’abandon de toute régulation. Il est aujourd’hui admis que la première solution consiste à régler le problème de la pénurie des formations. En effet, depuis trente ans environ, suivant en cela une baisse sciemment programmée pour faire des économies de santé, le nombre de médecins formés a régressé considérablement.
Pour y faire face, il faut certes, comme vous le proposez, un programme pluriannuel de formation pour l’ensemble des spécialistes – j’y souscris – mais il faut prioritairement mettre l’accent sur la formation des spécialistes que sont les médecins généralistes.
Cependant, pour que des jeunes choisissent cette filière, encore faut-il que la profession soit à nouveau attractive. Plusieurs propositions ont été formulées par des habitants de ma circonscription réunis en ateliers citoyens. Ils ont notamment proposé que les honoraires des généralistes soient alignés sur ceux des autres spécialistes. Ils percevraient une rémunération forfaitaire permettant, en plus du paiement à l’acte, de rétribuer le temps consacré à l’élaboration des dossiers et au suivi des patients.
Une fois ces médecins formés, des dispositions fortes doivent être prises pour qu’ils s’implantent dans les campagnes. Des mesures incitatives pourraient être définies pour sensibiliser les étudiants à la pratique des soins en milieu rural ou à la périphérie des villes. Comme cela a été réalisé par le passé pour certains enseignants, il est désormais incontournable de proposer un financement et une rémunération au cours des études, en contrepartie d’un engagement à exercer durant une période définie dans une zone à la couverture médicale insuffisante.
Pilier du système de santé en milieu rural, le médecin généraliste y est reconnu et apprécié, notamment pour son rôle social. Il est donc essentiel d’améliorer ses conditions d’exercice. Cela ne suffira toutefois pas si, dans le même temps, des structures médicales adaptées ne sont pas maintenues et développées à l’appui des médecins libéraux. À eux seuls, ces médecins ne peuvent bien évidemment pas assurer la sécurité de leurs patients et le traitement des pathologies les plus lourdes.
C’est pourquoi les ateliers citoyens de ma circonscription ont proposé d’inscrire dans la loi que l’agence régionale de santé, créée par ce texte, puisse définir des bassins d’urgence médicale, au sein desquels un maillage structurant en équipements de santé solidaires serait établi de façon qu’un centre hospitalier digne de ce nom, et donc pourvu d’une maternité, soit accessible en moins de quarante-cinq minutes, quelles que soient les conditions météorologiques.
Madame la ministre, l’éloignement est un mal bien plus grave que le nombre limité d’accouchements dans une petite maternité. À moins que vous ne soyez imprégnée de ces paroles de Michel Simon dans Drôle de drame : « À force de dire des choses affreuses, elles finissent par arriver. »
L’implantation des maisons de santé serait définie après consultation des collectivités territoriales concernées et des représentants de l’assurance maladie.
Les investissements et le fonctionnement de ces maisons de santé feraient l’objet d’une convention avec l’agence régionale de santé et d’un cahier des charges précisant les engagements des différents partenaires, en veillant à ce que les collectivités territoriales ne se substituent pas aux missions régaliennes de l’État et au financement de l’assurance maladie.
Dans chacun de ces bassins d’urgence médicale, au moins un centre hospitalier serait équipé d’un scanner et d’un plateau technique ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, en liaison avec le centre hospitalier régional universitaire dans le cadre d’une convention.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ces différentes mesures pourraient contribuer à résoudre la question de la démographie médicale en zone rurale, mais aussi en zone urbaine où l’on assiste, dans certains quartiers, à une désertification parfois tout aussi dramatique, des villes entières souffrant d’une quasi-absence de praticiens. Aussi ne puis-je douter que les amendements qui déclineront ces propositions recueilleront votre approbation.
Je pense à ces paroles du ministre communiste Ambroise Croizat, prononcées lors de la création de la sécurité sociale, qui se félicitait « d’en finir enfin avec la souffrance, l’humiliation et les angoisses du lendemain ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
 

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)
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