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Sécurité sociale : loi de financement 2008

Monsieur le président, Madame la ministre, Mesdames et Messieurs les députés,
Le texte qui revient aujourd’hui, issu des travaux de la commission mixte paritaire, n’est guère différent de celui contre lequel nous avons voté il y a 3 semaines. Les principales dispositions que nous avions alors combattues -notamment l’instauration de nouvelles franchises et la généralisation aux hôpitaux publics de la tarification à l’activité- sont toujours présentes.
Quant aux propositions que nous avions formulées - concernant notamment les recettes de la sécurité sociales –, elles sont toujours absentes. Ce texte reste profondément marqué par votre volonté de soumettre la santé, comme toutes les autres activités, aux lois du marché et donc de sacrifier notre système solidaire d’assurance-maladie.
Rien de nouveau donc. Pourtant, depuis 3 semaines, l’actualité n’a cessé de confirmer la justesse de nos préoccupations et de nous fournir de nouveaux arguments.
Par exemple, nous avions déposé plusieurs amendements, tous rejetés, visant à taxer davantage les laboratoires pharmaceutiques.
En effet, les médicaments coûtent chaque année plus de 20 millions d’euros à la sécurité sociale, soit un tiers des dépenses de soins de ville. Tout confirme une surconsommation médicamenteuse en France par rapport aux autres pays européens.
Pour expliquer cette situation, et pour justifier notre propositions de taxer davantage les laboratoires, nous avions alors pointé les pratiques commerciales de ces labos, et notamment celles des visiteurs médicaux dont la profession est régie par une charte qui stipule d’entrée que « La visite médicale a pour objet principal d’assurer la promotion des médicaments auprès du corps médical et de contribuer au développement des entreprises du médicament ».
Or, le lendemain même du vote des députés sur l’ensemble de ce texte, l’IGAS rendait enfin public un rapport sur ces pratiques. Je dis « enfin », car ce rapport était attendu depuis longtemps, au point que l’on pourrait se demander si vous n’avez pas retardé sa parution, tant ses conclusions sont sévères.
Ce rapport nous apprend par exemple que les laboratoires consacrent 3 milliards d’euros par an à la promotion, dont les ¾ pour les visites auprès des praticiens, soit 25000 euros par an et par médecin généraliste. Cette somme, ne l’oublions pas, est payée par la collectivité à travers le prix des médicaments remboursés.
On comprend mieux les pressions, même inconscientes, auxquelles sont soumis les prescripteurs. On comprend mieux que les Français consomment autant de médicaments, et de préférence les plus chers. On comprend mieux, enfin, l’importance des profits réalisés par les entreprises pharmaceutiques et le poids qu’ils représentent pour le budget de la sécurité sociale.
Parmi les mesures que propose l’IGAS figure celle d’augmenter les taxes versées par les labos, comme nous le proposions nous-mêmes. J’ajoute que cela permettrait de les responsabiliser, ce qui, à vous entendre, est votre première préoccupation. Mais visiblement, vous préférez responsabiliser les patients, bien qu’ils ne soient pas les prescripteurs... La réalité est, comme le déclare à la presse ce consultant auprès de l’assurance-maladie qui considère, je cite, qu’ « Il n’y a pas de réelle volonté politique d’aller à l’encontre des intérêts de l’industrie pharmaceutique, qui dispose d’un puissant pouvoir de lobbying. »
J’ajoute enfin que les révélations, également récentes, des rejets toxiques dont s’est rendue coupable l’usine Sanofi-Aventis à Vitry-sur-Seine, ne concourt pas à améliorer l’image des laboratoires pharmaceutiques. Elle aurait dû vous enlever vos derniers scrupules à les taxer plus fortement.
Il y a 3 semaines, j’avais également pointé les dangers d’une généralisation hâtive de la tarification à l’activité pour les hôpitaux publics. Ce système de rémunération en effet, va à l’encontre des missions de services publics et favorise outrageusement ceux qui n’y sont pas soumis, c’est-à-dire les cliniques privées.
La Fédération hospitalière de France, certes, était demandeur, mais à condition que les missions spécifiques de l’hôpital public soient suffisamment prises en comptes au travers des enveloppes MIGAC pour les missions d’intérêt général et MERRI pour l’enseignement et la recherche. Le compte visiblement n’y est pas, ni pour la FHF, ni pour les personnels soignants.
Tout confirme que la T2A va à l’encontre de ces missions. Et le comité national d’éthique ne s’y est pas trompé : dans un avis qu’il vous a rendu le 30 juin dernier, mais que vous avez gardé sous le coude jusqu’à la semaine dernière, il déclare, je cite : « la santé publique ne peut être considérée comme un produit ordinaire ». Le rapport indique également, je cite, « qu’en privilégiant la comptabilisation des actes techniques au détriment de l’écoute ou d’examens cliniques longs et précis, elle conduit à considérer comme « non rentables » beaucoup de patients en médecine générale, psychiatrie, gérontologie ou pédiatrie, dont le coût réel de prise en charge n’apparait pas dans la grille de calcul ». On dirait du Jacqueline Fraysse !
Avec la T2A, nous sommes donc bien devant un système de rémunération qui favorise clairement les cliniques privées, complètement libres de choisir les spécialités qu’elles proposent et les malades qu’elles reçoivent.
Car si les hôpitaux publics sont pratiquement tous en déficit, les cliniques privées, elles, se portent à merveille. Le 17 décembre prochain, la Générale de santé, qui en gère quelques unes, s’offrira même le luxe de distribuer à ses heureux actionnaires un dividende exceptionnel de 420 millions d’euros !
l A l’heure où la sécurité sociale annonce pour 2007 un déficit de 11,7 milliards d’euros,
l à l’heure où le gouvernement, pour tenter de combler ce déficit, crée, avec les nouvelles franchises, une véritable taxe sur la maladie,
l à l’heure où les deux hôpitaux de ma circonscription, Max Fourestier à Nanterre et Foch à Suresnes, se voient imposer des plans drastiques de retour à l’équilibre,
ce dividende exceptionnel crée pour le moins un certain malaise.
Car qu’on ne s’y trompe pas, la bonne santé financière des cliniques privées, et les dividendes exceptionnels en grande partie financés par l’Assurance-maladie, c’est-à-dire par la solidarité nationale, ne proviennent pas d’une gestion plus rigoureuse, mais du fait que ces établissements privés ne sont pas soumis aux obligations de service public des hôpitaux :
l formation,
l accueil de tous les patients,
l urgences et continuité du service 24h sur 24, dimanche et jours fériés,
l obligation d’insérer ses activités dans le cadre d’un schéma régional d’organisation sanitaire.
Une preuve que la Générale de santé se soucie d’abord de ses intérêts financiers, plutôt que de la santé de nos concitoyens, malgré sa situation florissante, ses actionnaires ont programmé la fermeture de la clinique de la Défense, à Nanterre, car considérée comme non rentable. Peu importe si l’offre de soins, à Nanterre -déjà inférieure à la moyenne nationale- se réduira encore.
C’est pourquoi je rejoins tout à fait les réactions de la Fédération hospitalière de France lorsqu’elle indique que « cette situation devrait inciter les pouvoirs publics à s’interroger sur le rôle respectif des différents acteurs de l’hospitalisation publique et privée, ainsi que sur la définition de la notion de service public hospitalier et des devoirs qui y sont attachés »
Avant de conclure, je voudrais aborder la question des retraites et la réforme des régimes spéciaux.
En effet, le refus des salariés concernés, de la SNCF et de la RATP, de voir leurs régimes réformés, aboutissant à une baisse de leur pension de retraite, est à mes yeux légitime.
Au nom de la justice et de l’égalité, le président Sarkozy entend niveler par le bas les régimes spéciaux. Mais dans le même temps, il donne l’exemple inverse, et nivelle, vers le haut, son propre salaire en l’alignant sur celui de son premier ministre.
Il aurait été plus crédible, vis-à-vis des cheminots et de l’ensemble de la population qui voit baisser son pouvoir d’achat, s’il avait fait l’opération inverse, et s’il avait nivelé le salaire de ses ministres sur le sien.
Finalement, il agit comme ses amis les patrons lorsqu’ils s’octroient des augmentations de salaire faramineuses, des stock-options et des parachutes dorés, pendant qu’ils refusent cette augmentation à leurs salariés.
Il résume assez bien sa conception de la justice et de l’égalité, qui dépend avant tout de la position de pouvoir que l’on occupe.
Pour toutes ses raisons, nous voterons contre ce texte.

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Jacqueline
Fraysse

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