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Sécurité sociale : loi de financement 2010

Vous avez, je crois, bien écouté l’intervention de Mme Fraysse : elle a brossé un tableau d’ensemble et fait un certain nombre de propositions. Je ne reviendrai pas sur ce qu’elle a indiqué.
Mais il faut vraiment se demander si nos collègues, et le Gouvernement, ont conscience de la réalité de la vie des gens de ce pays.
On dit que les recettes de la sécurité sociale diminuent. C’est vrai.
Je vous l’ai toujours expliqué, et vous ne nous avez jamais crus : plus il y a de chômage, moins il y a de cotisants, et – il n’y a besoin d’être ni grand philosophe ni grand mathématicien pour le dire – moins il y a de rentrées pour la sécurité sociale. Cela me paraît évident.
Mais n’expliquez surtout pas que la crise que nous vivons aujourd’hui est la responsable de cette situation !
Personne ne vous croira ! Car ce déficit n’est pas d’aujourd’hui, il est structurel.
Mais il est structurel, ce déficit ! Depuis des années, depuis que je suis député…
Dès que je parle, vous vous énervez, parce que vous savez que je vais dire la vérité, et la vérité toute crue !
Ce déficit est structurel ; la Cour des comptes elle-même, et son président, ont dans un rapport consacré spécialement à la sécurité sociale montré notamment que si on n’avait pas plus d’emplois, si le chômage augmentait, le déficit se creuserait ; et en même temps, ce rapport montrait que si on laissait perdurer des exonérations sans conditions, y compris pour les grands groupes…
Vous semblez traiter de haut notre proposition, rappelée par Mme Fraysse, qui concerne les entreprises de plus de vingt salariés.
Que représentent les 27 milliards d’exonérations de cotisations sociales patronales sinon une profonde injustice dans la mesure où les entreprises de vingt salariés ou moins bénéficient de la même retenue que les groupes, les grandes entreprises ? Vous parlez des PME, mais regardez les statistiques. Vous verrez que les entreprises qui se portent bien et qui sont responsables de la crise profitent de cette crise et bénéficient, comme les autres, d’exonérations de cotisations patronales jusqu’à 1,6 SMIC.
Je reconnais que les torts sont partagés. Nous n’avons jamais été d’accord avec la décision de Martine Aubry de passer de 1,3 à 1,6 SMIC.
Nous avons critiqué cette mesure et avons voté contre.
Franchement, est-il juste qu’en pleine crise ces exonérations soient maintenues pour des entreprises comme Goodyear, Continental, Nexans ?
Le ministre picard M. Woerth est parti, il savait que j’allais lui dire que, dans notre région, nous battons des records.
Prenons l’exemple de l’entreprise Nexans, dans l’Aisne ; c’est un dossier tout chaud.
Nexans a bénéficié de milliards de francs d’exonérations de cotisations patronales. Considérant que ce n’était pas assez, l’entreprise a demandé que le fonds d’investissement lui octroie 58 millions d’euros. Mais ce n’était pas encore suffisant, et l’entreprise a demandé – je suis intervenu aujourd’hui auprès du ministre de l’emploi (M. le ministre du budget regagne son banc.) je vous ai écrit, monsieur le ministre – Nexans a demandé que l’État prenne 5 % du capital. Le lendemain, vous qui êtes de la même région que moi vous me direz si je mens, les salariés apprenaient que leur entreprise, qui avait récupéré tout cet argent, qui faisait des profits extraordinaires, s’en allait. Les cotisations seront moindres puisque les salariés seront au chômage. On a accordé des exonérations, on a versé 58 millions, l’État a pris 5 % du capital et, au final, l’entreprise s’en va !
Je ne mets pas l’État spécialement en cause, je crois que tout le monde est responsable, mais je ne comprends pas que le Gouvernement, quand je lui fais remarquer qu’il ne peut pas laisser faire ça, qu’il doit au moins demander que Nexans rembourse l’argent public dont elle a bénéficié et qui lui a servi à fermer pour délocaliser dans un pays où les salaires coûtent moins et réaliser le maximum de profits pour les actionnaires, me réponde qu’il ne peut rien récupérer. Si l’État ne peut pas récupérer, qui peut le faire ? Les régions, elles aussi, donnent des fonds puis voient les entreprises bénéficiaires délocaliser, comme Procter & Gamble, grand groupe qui fait des profits extraordinaires.
Nous proposons donc d’abord de moduler la cotisation de façon que ceux qui créent de l’emploi, qui veulent investir, qui veulent se développer, qui veulent former, payent moins de cotisations patronales que ceux qui justement réalisent des profits extraordinaires, licencient, délocalisent ou restructurent en abandonnant des chômeurs. Ceux-là doivent payer beaucoup plus. Cela me paraît juste. Sinon, c’est de l’égalitarisme et l’égalitarisme est injuste. Donc, s’agissant des recettes, il y a quand même des choses qu’on peut améliorer immédiatement.
Le président de la Cour des comptes lui-même a reconnu que, souvent, les exonérations étaient injustifiées, qu’elles n’étaient pas conditionnées et qu’elles représentaient un effet d’aubaine pour des entreprises. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le président de la Cour des comptes dans son rapport, pas le dernier mais un précédent dans lequel il s’attaquait aux déficits structurels de la sécurité sociale.
On continue à jouer les généreux, le chômage continue d’augmenter, on n’interdit aucun licenciement et on se plaint du déficit de la sécurité sociale alors que les salariés, eux, paient leurs cotisations sociales, tout comme les PME à qui on réclame quand elles ne les ont pas payées, mais les autres entreprises, on les laisse faire. Vous n’êtes pas obligé de me croire, mais relisez le rapport de la Cour des comptes et vous verrez.
Il faudrait augmenter les salaires un petit peu, alors que vous, vous faites l’inverse. Quant au forfait hospitalier, vous l’augmentez. Certes, vous pourriez dire que ce n’est pas vous qui l’avez inventé, c’est vrai, mais vous vous en êtes bien servi. Et à chaque fois, vous dites qu’un euro d’augmentation, c’est rien du tout. Pour vous, c’est rien du tout, mais pour les millions de gens qui vivent sous le seuil de pauvreté, c’est beaucoup. Ils ne peuvent pas le payer et, du coup, ne vont pas se faire soigner. Ça, c’est une réalité également.
Nous proposons donc une modulation de la cotisation en fonction de l’attitude des entreprises, cela nous semble tout à fait normal, et une révision du forfait hospitalier pour ne pas donner toujours aux mêmes et prendre toujours aux autres, à ceux qui n’ont rien.
Je conclus. Mais, monsieur le président, je crois que vous êtes avocat et qu’en général vous dépassez largement votre temps.
Moi, je ne suis pas avocat, je suis ouvrier, donc je n’ai pas l’habitude…
La sécurité sociale est un sujet de société. Pour beaucoup de gens, il est quand même tout à fait paradoxal de voir un pays comme la France, qui est enviée par le monde pour sa santé, sa justice, connaître de telles difficultés alors que pouvoir se soigner, c’est quand même un droit universel. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Obama, lui, se bat contre les conservateurs pour mettre en place une véritable sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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Maxime
Gremetz

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