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Sécurité sociale : loi de financement 2010

Dans le violent contexte de crise économique et sociale que nous connaissons, la question du travail est passée sous silence, et les conséquences dramatiques sur la destruction de la santé des salariés sont trop souvent banalisées.
Il est pourtant difficile de nier que, dans ses formes contemporaines, le travail blesse, casse. Il est rendu responsable d’un problème de santé sur cinq. On dénombre officiellement, chaque année, plus de 700 000 accidents du travail avec arrêt, dont plus de 44 000 entraînant une incapacité permanente de travail. Les troubles musculo-squelettiques ont littéralement explosé, croissant de plus de 20 % par an depuis une dizaine d’années. À elles seules, ces affections articulaires représentent plus de 74 % des maladies professionnelles.
Le travail, tel qu’il est conçu, continue d’empoisonner et de tuer. L’INVS considère que 5 000 à 10 000 cancers par an sont directement attribuables à une exposition professionnelle. Le nombre de décès consécutifs à une maladie professionnelle est de nouveau en augmentation. D’ici à 2020, cela a été dit, l’amiante devrait faire 100 000 morts.
L’OMS parle de la crise actuelle comme « d’une catastrophe épidémiologique majeure ». Elle se traduit par la dégradation de la santé des salariés, « une augmentation forte du stress, des dépressions, des troubles cardio-vasculaires, des comportements addictifs et, au sommet de l’iceberg, de la mortalité et des suicides », comme l’explique Claude-Emmanuel Triomphe, coauteur, en janvier dernier, d’un rapport européen qui préconise une meilleure prise en compte de la santé en cas de restructuration.
Le rapport HIRES, snobé par le précédent ministre du travail, est pourtant fort intéressant. Il objective l’impact des restructurations sur la santé des salariés, en mettant en garde contre une « individualisation et une médicalisation » de cette question, et appelle les employeurs à éviter « de traiter les symptômes du stress au lieu d’intervenir sur ses différentes causes ».
Ce rapport reste d’actualité car, si les suicides ou tentatives de suicides de salariés chez EDF, IBM, Renault, ou, plus récemment, chez France Télécom, Thales, Peugeot, ont permis de mettre en lumière la violence extrême de ces situations, révélant du coup l’ampleur du phénomène du mal-être au travail, les tentations sont encore fortes d’attribuer au hasard ces morts au travail.
Patrick Légeron, psychiatre et auteur d’un rapport sur le stress au travail remis à Xavier Bertrand en mars 2008, remarque pour sa part que « la souffrance au travail semble nettement plus développée que dans beaucoup d’autres pays, et [que,] paradoxalement, la France est l’un des pays où les entreprises en font le moins pour réduire le stress ».
C’est pourquoi les députés communistes et du parti de gauche demandent la création d’une commission d’enquête sur le sujet. Comment croire en la volonté du Gouvernement de prévenir activement les risques professionnels, les risques psychosociaux en particulier, alors que l’État lui-même n’est pas exemplaire ? Le cas de France Télécom n’est pas isolé : n’oublions pas la situation faite aux agents de Pôle emploi et à ceux de La Poste.
Il faut aussi aborder le sujet de la réforme de la médecine du travail. En présentant un texte qui altère encore davantage les conditions d’exercice des médecins du travail, le MEDEF porte une lourde part de responsabilité dans l’échec des négociations. Si, d’évidence, le Gouvernement n’a pas d’autres choix que de reprendre la main, le fera-t-il pour asseoir la légitimité d’indépendance financière et organisationnelle de cette médecine professionnelle avant tout préventive ? Les médecins du travail seront-ils enfin renforcés en moyens humains et juridiques ? Autant de questions dont, cette année encore, nous n’aurons pas l’occasion de débattre.
L’attitude des organisations patronales est tout aussi inconséquente en ce qui concerne la sous-déclaration des accidents du travail et la sous-reconnaissance des maladies professionnelles. Le MEDEF et l’UPA en sont encore à nier l’existence même d’un phénomène de sous-déclaration dont l’ampleur est pourtant établie. En reconduisant d’une année sur l’autre un montant de reversement de la branche AT-MP à la branche maladie sans rapport réel avec les dépenses supportées par la branche maladie, le Gouvernement contribue à entretenir l’irresponsabilité des employeurs en matière de prévention des risques au travail.
Il est impossible de voir dans ce PLFSS la traduction d’une volonté du Gouvernement de promouvoir la santé au travail, d’améliorer l’indemnisation des victimes du travail, celles de l’amiante en particulier : bien au contraire.
Le solde de la branche AT-MP devrait devenir très déficitaire en 2009 – 605 millions d’euros contre 241 millions en 2007 – et c’est à juste titre que l’on s’en préoccupe, mais sans plus en ce qui concerne notre rapporteur. La décision intervenue l’an dernier et privant le FCAATA de la contribution spécifique des employeurs n’est pas, non plus, remise en cause. Le fait que la branche AT-MP continue de supporter seule 90 % des dépenses des deux fonds amiante, les alertes répétées de la présidente du FCAATA et de la Cour des comptes à propos du FIVA, ne prêtent même pas à discussion. Le rapport justifie que rien ne change. Il est fort à craindre que l’on attende de longues années encore la réforme du dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante. Nous apprécierons au cours du débat la portée de l’amendement de notre collègue Guy Lefrand, qui propose de combiner une liste de secteurs d’activité et une liste de métiers pour l’accès au FCAATA. Espérons du moins qu’il aura résisté à l’article 40.
Nous regrettons la pauvreté des dispositions du volet AT-MP de ce PLFSS. Pour que le débat puisse s’ouvrir sur l’ensemble des sujets, y compris ceux traités en dehors du périmètre du PLFSS, nous avons déposé de nombreux amendements. Un seul a retenu l’attention de la commission, celui prescrivant un rapport sur l’évolution des tableaux des maladies professionnelles dans la perspective de voir les troubles psychosociaux reconnus comme des maladies professionnelles.
Nous serons, par ailleurs, particulièrement attentifs au sort réservé à un autre de nos amendements envisageant l’évolution du système de réparation forfaitaire vers la réparation intégrale des AT-MP. Cette solution est rendue très urgente après que le Gouvernement a confirmé son soutien à un amendement de l’UMP à la loi de finances qui fiscalise scandaleusement les indemnités d’accidents du travail-maladies professionnelles.
Sachez enfin qu’au cours des débats, nous nous attacherons également à dénoncer le parti pris du Gouvernement contre les victimes du travail, les personnes en arrêt maladie, suspectées de fraude, que d’aucuns ne désespèrent pas de faire télétravailler durant leurs arrêts. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
 

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Roland
Muzeau

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