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Société : droit de finir sa vie dans la dignité

Il est difficile, en cinq minutes, de plaider de manière exhaustive la cause des soins palliatifs, ultime expression de la solidarité humaine devant la fin de vie.
Le sujet a fait l’objet de plusieurs années de travail parlementaire et trouve à mon sens sa meilleure traduction dans la loi de 2005 et ses prolongements récents dans l’évolution du code de déontologie médicale.
L’urgence, pour nous, est d’obtenir que l’état leur donne les moyens de s’exprimer pleinement et partout. C’est loin d’être le cas. C’est pourtant à cette exigence qu’il faut impérativement répondre,
Le 16 septembre 2008, devant la mission d’évaluation de la loi de 2005, Robert Badinter rappelait que « le droit à la vie est le premier des droits de tout être humain » et « qu’il ne saurait en aucune manière se départir de ce principe ». Il ajoutait : « Donner la mort à autrui parce qu’il la réclame, je n’irai jamais dans cette direction ! » C’est aussi, à mon sens, ce que dit autrement le philosophe Lucien Sève, lorsqu’il écrit : « la libre volonté du sujet ne crée d’obligation éthique pour la collectivité que sous la condition d’être universalisable. »
Je partage totalement cette conviction et cette détermination, auxquelles font écho celles de nombreux autres philosophes, juristes, et de la plupart des médecins que nous avons entendus.
Pour ces mêmes raisons, je ne pourrai voter cette proposition de loi.
Je refuse d’inscrire dans notre droit que la mort puisse être rangée parmi les ultimes « thérapeutiques ».
La civilisation ne commence et n’avance que par les interdits qu’elle proclame et les limites qu’elle fixe. Celles-ci sont pour moi intransgressibles.
Nous savons tous ici qu’une dérogation admise risque toujours d’autoriser la suivante. C’est ce qu’exprime la sagesse populaire lorsqu’elle affirme que « lorsque les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites ».
On nous oppose souvent des législations étrangères, pourtant très minoritaires. Il faut en parler. Il faut rappeler, par exemple, ce que nous apprennent les publications internationales récentes sur les données hollandaises. Suzanne Rameix, professeur agrégée de philosophie, les rappelait devant notre mission lors de son audition du 7 mai 2008 : « Il y a aux Pays-Bas des euthanasies qui ne se font pas sous la forme légalisée ou dépénalisée de la loi. Les chiffres montrent des euthanasies sans demande du patient, au point qu’actuellement certaines personnes âgées portent sur elles un testament de vie dans lequel elles demandent explicitement qu’on ne pratique en aucun cas d’euthanasie sur elles ». Ou bien elles vont se faire soigner à l’étranger.
Les Hollandais commencent à s’interroger sur l’application de l’euthanasie aux enfants et, ce qui est plus délicat encore, aux malades mentaux.
Nous sommes tous ici fondamentalement animés par le même souci du respect de la personne humaine, de sa dignité et de sa liberté et c’est aussi pour cela que je voudrais convaincre qu’il est des libertés liberticides.
Dans leur exposé des motifs, nos collègues évoquent le souhait de personnes qui, ignorant Homère, pour qui le sommeil et la mort sont des frères jumeaux, refuseraient d’être plongées dans le coma bien qu’elles jugent insupportables leurs souffrances physiques ou psychiques. Mais faut-il que la loi s’adapte à la diversité des volontés individuelles ?
Le prolongement du droit liberté par le droit créance, autrement dit le passage du « droit de » au « droit à » que la société doit satisfaire, participe des avancées de civilisation. Ainsi en est-il du droit au traitement de la douleur ou du droit aux soins palliatifs. Mais faut-il reconnaître à l’acte d’euthanasie ce statut de droit créance, ici un droit créance partiel, puisqu’il ne vaudrait que pour les majeurs, et un droit à géométrie variable puisqu’il serait fonction du ressenti, forcément subjectif, de la personne ?
Comment, en effet, refuser au dépressif, au handicapé, au patient venant d’apprendre qu’il est atteint de telle ou telle pathologie irréversible au diagnostic vital, la possibilité de bénéficier d’un droit accordé à d’autres qui comme lui jugent insupportable leurs souffrances physiques ou psychiques ?
En ce domaine, comme en d’autres, je ne saurais me résoudre à séparer l’universel du particulier.
Je préfère une démarche qui, sans rien ôter par elle-même à la conflictualité du réel, s’efforce de faire vivre au singulier l’exigence d’universalité. Les soins palliatifs s’inscrivent dans cette démarche. Donnons-leur les moyens de se réaliser pleinement, partout. C’est urgent. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
 

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Michel
Vaxès

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