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Société : journée de solidarité

 
Monsieur le Président, Monsieur le ministre, Chers collègues,
Le texte de la proposition de loi dont vous nous proposez aujourd’hui l’examen porte témoignage de l’opiniâtreté avec laquelle votre majorité s’entend à travestir la réalité et présenter des réformes dont l’échec est patent en d’éclatants succès.
C’est ainsi que les promoteurs du présent texte écrivent dans l’exposé des motifs que « chacun s’accorde aujourd’hui à reconnaître que la journée de solidarité a permis de créer un financement solidaire fondé sur des richesses nouvelles » et que cette même journée est « très largement approuvée dans son principe » malgré les vicissitudes rencontrées dans sa mise en œuvre.
Les propos ne manquent pas d’aplomb. Je rappelle en effet que tous les organismes de sécurité sociale se sont élevés en 2004 contre cette réforme et que des organismes aussi importants que l’Union nationale des caisses de sécurité sociale, l’UNCASS, l’Union nationale des associations de parents d’enfants inadaptés, l’UNAPEI, l’Union nationale des amis et des familles de malades psychiques, l’UNAFAM, la Fédération hospitalière de France, la FHF, l’Association des paralysés de France, l’APF, et la fédération des accidentés du travail et des handicapés, la FNATH, n’ont cessé de critiquer la loi du 30 juin 2004 instaurant la journée de solidarité.
En 2004, lors de l’examen du projet de loi, nous vous avions déjà fait part de nos doutes quant à l’efficacité du dispositif visant à instaurer une journée de solidarité pour les personnes âgées et les personnes handicapées. Les faits nous ont largement donné raison. La journée de solidarité fixée par défaut le lundi de pentecôte a non seulement eu un impact négatif sur l’économie touristique et sur l’activité des transporteurs routiers mais encore soulevé d’importantes difficultés, que soulignent le rapport Besson, en termes de solutions d’accueil en crèches et à l’école pour des millions d’enfants.
L’instauration de la journée de solidarité a enfin et surtout rencontré l’hostilité d’une majorité de nos concitoyens.
Un an après votre réforme, en 2005, 75% des salariés se prononçaient pour le maintien du caractère férié du lundi de pentecôte. Une demande que votre proposition de loi a la prétention aujourd’hui de satisfaire mais en faisant silence sur les motifs qui poussent une majorité de nos concitoyens à se déclarer hostile au principe même de la journée de solidarité, non par égoïsme, mais parce qu’ils jugent à bon droit que ce type de mesure n’est non seulement pas de nature à améliorer réellement la situation des personnes âgées et handicapées dépendantes (pour une large majorité, 86%, des français) mais instaure, de fait, une forme de travail gratuit obligatoire.
Vous vous faites fort de répondre à ces objections en soulignant que la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA) a permis, en 2007, de collecter 2,1 milliards d’euros, soit 14% du budget total de la Caisse nationale de solidarité. Mais la question qui se pose est de savoir si la fin justifie les moyens, si les sommes collectées sont un argument suffisant pour justifier une mesure visiblement inéquitable puisqu’elle fait reposer la solidarité nationale sur les seuls salariés, épargnant les autres revenus et en particulier les revenus du capital.
L’injustice du procédé est d’autant plus frappante que votre majorité a adopté en juillet dernier, dans le fameux « paquet fiscal », diverses mesures visant l’abaissement du seuil de déclenchement du bouclier fiscal et la défiscalisation du patrimoine. Des mesures qui vont coûter à la Nation près de 3 milliards d’euros par an, soit un montant sensiblement supérieur aux sommes collectées dans le cadre de la fameuse contribution de solidarité, elles-mêmes bien évidemment insuffisantes à répondre aux besoins des personnes en situation de dépendance.
Demander aux salariés de travailler gratuitement alors que l’on concède des cadeaux fiscaux aux plus aisés, cela relève de l’imposture. En relève encore le discours qui consiste à demander aux salariés de consentir un sacrifice pour le bien être des personnes dépendantes quand le gouvernement contribue chaque jour à aggraver un peu plus la situation de ces derniers, situation dénoncée encore récemment par le collectif « ni pauvre, ni soumis ».
Le gouvernement ne peut se défausser de ses responsabilités par la promotion de la charité publique. Les associations ne vous ont jamais suivie sur ce terrain. On les comprend. Elles se font comme nous une autre idée de la solidarité. Ce qu’elles attendent et ce qu’attendent nos concitoyens, ce sont des mesures fortes de revalorisation du pouvoir d’achat des personnes en situation de handicap ou ayant une maladie invalidante, le relèvement des pensions, la suppression du forfait médical...
En proposant que les salariés apportent seuls une réponse qui se doit d’être solidaire et collective, assise sur une réforme d’ensemble du financement de l’assurance et de la protection sociale, le gouvernement et sa majorité ne font au fond que trahir une absence totale de cohérence.
 
Le dispositif de la journée de solidarité est le symptôme d’une volonté de poursuivre dans la voie du désengagement de l’Etat, de régresser vers des conceptions de la solidarité qui portent atteinte au pouvoir d’achat de nos concitoyens mais aussi à la dignité et à la pleine citoyenneté des personnes qui se trouvent aujourd’hui pour une raison ou pour une autre en incapacité de travailler et qui veulent sortir de la logique d’assistance dans laquelle les maintiens ce type de mesure.
Ce sont là des raisons pour nous suffisamment fortes de refuser d’adopter un texte dont l’unique objet est de pérenniser un dispositif aussi injuste qu’inefficace.

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Roland
Muzeau

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