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Sortie de l’état d’urgence sanitaire

Alors que la situation sanitaire est en voie de nette amélioration, ce projet de loi ne prévoit pas la « levée de l’état d’urgence », mais une « sortie de l’état d’urgence » – une sortie progressive, en biseau, de manière graduée.

Si l’on pouvait, a priori, se réjouir de la sortie de l’état d’urgence, on ne peut être que dubitatif s’agissant de la solution hybride imaginée par le Gouvernement. D’un côté, il est proposé de sortir de l’état d’urgence, mais, de l’autre, il est prévu de maintenir des dispositions d’exception, de maintenir les principales mesures de l’état d’urgence sanitaire pendant près de quatre mois supplémentaires. Si l’échéance a été ramenée, en première lecture, au 30 octobre au lieu du 10 novembre initialement, il reste que cette prorogation de l’état d’urgence sanitaire qui ne dit pas son nom est à la fois incohérente, inutile et dangereuse.

À cet égard, on ne peut que déplorer le refus obstiné de la majorité, au fil de la navette parlementaire, de réduire, à tout le moins, la portée des restrictions que pourra prendre le Gouvernement jusqu’à l’automne. L’échec de la CMP est clairement dû à cette obstination et à ce refus du souci d’équilibre entre « l’efficacité dans l’action publique » et « l’exercice des libertés », pour reprendre les mots du président de la commission des lois du Sénat.

Les députés communistes réitèrent leur ferme opposition à ce texte. C’est un projet de loi dangereux. Il n’est pas acceptable que des mesures restrictives des libertés individuelles soient prises sans réunir le Parlement, hors du cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Si l’on doit certes, pour le moment, s’habituer à vivre avec le virus, on ne doit surtout pas s’habituer à vivre dans un état d’exception. La sortie de l’état d’urgence sanitaire doit signifier que la liberté d’aller et venir, la liberté de réunion, la liberté de manifester, même encadrée pour faire respecter les règles sanitaires, redeviennent la règle.

Comme le dit la professeure de droit public Stéphanie Hennette-Vauchez, « le cœur de l’état d’urgence sanitaire, les restrictions aux droits des personnes, a été maintenu. Tout ce qui concerne l’activité économique a disparu ».

Vous inventez un nouveau régime juridique. C’est l’état d’urgence sans l’état d’urgence ?! C’est la contamination du droit commun par la banalisation de mesures de restriction de libertés, comme celle de manifester. Le risque que certaines dispositions d’exception intègrent le droit commun est bien réel et appelle à la plus grande vigilance.

Ce projet de loi n’est pas seulement dangereux, il nous paraît inutile. D’une part, le Gouvernement dispose déjà de tous les outils nécessaires pour faire face à une nouvelle menace sanitaire grave. L’article L. 3131-1 du code de la santé publique octroie des pouvoirs extrêmement larges au ministre de la santé, qui peut « prescrire dans l’intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population ». D’autre part, en cas de recrudescence de l’épidémie, en cas de nouveau pic de contamination, rien n’empêcherait le Gouvernement de recourir, une nouvelle fois, à l’état d’urgence sanitaire.

À l’heure où le mécontentement grandit et où les manifestations se multiplient, la possibilité accordée au Premier ministre de les réglementer, faute de pouvoir les interdire, suscite une inquiétude légitime. Le professeur de droit constitutionnel Dominique Rousseau nous alerte dans ces termes : l’état d’urgence sanitaire « ne trouve de justification que dans la facilité pour le Gouvernement de réprimer les manifestations, de limiter les libertés de réunion et les libertés de manifestation ».

On peut se demander quel est l’intérêt de prolonger certaines dispositions de l’état d’urgence après la sortie de ce dispositif, à part qu’il permet au Gouvernement de restreindre la circulation des personnes et de réglementer les rassemblements pour des raisons politiques, et non de santé publique.

Justement, en ce moment, les plans sociaux tombent en cascade : 500 emplois sont menacés chez Sanofi, 3 500 chez Airbus, 4 500 chez Renault, 7 000 chez Air France, 1 233 chez Nokia, 1 000 chez Hutchinson, parmi tant d’autres. (M. Alexis Corbière applaudit.) Les salariés d’Airbus, que j’ai encore rencontrés ce matin à Toulouse, appellent à manifester le 10 juillet prochain. J’espère que nous serons nombreux à les soutenir. Oui, le droit de manifester est plus que jamais nécessaire dans notre pays, pour faire valoir le droit des travailleurs à se défendre.

En définitive, et pour cette raison, nous voterons une dernière fois résolument contre ce texte, qui crée un nouveau régime hybride entre état d’urgence et droit commun, une zone grise qui confère au Premier ministre des pouvoirs exceptionnels, ce dont nous ne voulons pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et EDS.)

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