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Taxis et voitures avec chauffeur

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous entamons ce soir la deuxième lecture d’un texte dont l’ambition était, à l’origine, de mettre fin à la concurrence déloyale entre taxis et VTC, de rééquilibrer les conditions de l’exercice de l’activité des acteurs économiques du secteur, de fixer des règles du jeu et un cadre commun à l’ensemble du transport routier léger de personnes.
Il reposait sur le constat de 1’urgence à remédier aux déséquilibres et aux inégalités qui pénalisent 1’exercice de l’activité de taxi et représentent une menace sérieuse pour la pérennité de cette profession réglementée, riche d’une histoire et d’une culture professionnelle qu’il faut défendre et préserver.
Si le développement des VTC depuis la loi Novelli ulcère les chauffeurs de taxi, ce n’est pas seulement en raison du décalage entre des conditions d’exercice très réglementées d’un côté et incontrôlées de l’autre, c’est aussi que la concurrence des VTC est une parfaite illustration des dérives de la dérégulation libérale et des risques sociaux qui s’y attachent : violation délibérée de la réglementation, main-d’œuvre flexible, conditions de travail déplorables, faible participation aux cotisations sociales, optimisation fiscale.
La proposition de loi qui nous est soumise entendait au premier chef assainir cette situation. Le Sénat a malheureusement profondément modifié ce texte. Il a introduit trois modifications d’importance inégale.
La première, à l’article 1er ter, consiste à élargir le contenu du rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement, dans le délai d’un an, sur la mise en œuvre de cette loi, en l’étendant aux évolutions qui apparaîtraient nécessaires. Cela n’appelle pas de remarque particulière. Il s’agit indéniablement d’une amélioration du texte.
Il n’en va pas de même des deux autres modifications, qui remettent en cause des amendements essentiels adoptés par notre assemblée. Nous avions, rappelons-le, sur proposition de notre rapporteur et après un débat assez long, un premier amendement qui imposait aux VTC, après chaque prestation, de retourner à leur base arrière. J’avais défendu un amendement très proche, l’objectif étant d’interdire aux chauffeurs la maraude, pour qu’elle demeure le monopole des taxis.
Les sénateurs ont décidé de dispenser les VTC de cette obligation dès lors que le chauffeur justifie d’une réservation préalable ou d’un contrat avec le client final faisant suite à la précédente prestation achevée. Nous avons entendu au Sénat des arguments qui semblent frappés au coin du bon sens. Il peut paraître absurde d’imposer à un chauffeur de VTC de regagner sa base arrière entre deux courses au même aéroport ou à la même gare. Avec cet amendement, nous étions pourtant au cœur du problème auquel la proposition de loi tente de répondre, mais nous touchions également à ses limites.
Avant la loi Novelli de 2009, les taxis et les véhicules de petite et de grande remise coexistaient grâce à une délimitation claire de leurs activités respectives. En ouvrant aux véhicules de grande remise, rebaptisés « véhicules de tourisme avec chauffeur » – VTC –, la possibilité d’intervenir sur le même marché que les taxis, nous avons instauré une concurrence déloyale.
C’est ainsi que, entre 2009 et 2013, nous sommes passés de 400 licences de grande remise à 3 000 entreprises de VTC et plus de 10 000 licences. La concurrence est d’autant plus déloyale que les VTC déboursent 100 euros d’inscription quand les taxis en déboursent entre 200 000 et 300 000 pour exercer leur activité.
Tant que cette question ne trouvera pas de réponse appropriée et que les activités des uns et des autres ne seront pas clairement délimitées, nous n’aurons rien résolu. L’amendement adopté en première lecture par notre assemblée avait au moins le mérite d’exclure les VTC de la maraude pour les cantonner à la réservation préalable. Or le Sénat a étendu aux gares et aéroports le champ de son amendement, ce qui place de fait les VTC en situation de maraude, d’autant que le contrôle ne sera pas aisé à effectuer, comme tout le monde en convient. Je crois qu’il faudrait en revenir à ce que l’Assemblée avait voté en première lecture.
La troisième modification introduite par le Sénat vise à supprimer la détermination par décret des modalités de calcul du prix de la prestation lorsque celui-ci est fixé en fonction de la durée. Elle supprime également la fixation d’une durée minimale, le tout au nom de la liberté tarifaire et du droit à la concurrence. Je ferai les mêmes remarques que pour l’amendement sénatorial précédent : nous ne faisons qu’entretenir la confusion pour le client entre les taxis et les VTC et nous alimentons une concurrence déloyale. Pour ma part, j’avais proposé, en première lecture, un amendement visant à interdire aux VTC la tarification à la durée pour des prestations inférieures à trois heures.
Pour que les VTC se cantonnent au marché des courses avec réservation préalable, il faut des garde-fous solides. De nombreuses propositions ont été mises sur la table : instaurer un montant de course minimal pour les VTC, leur interdire le statut d’auto-entrepreneur, leur imposer un retour dans leurs bases arrières après chaque prestation.
Quelle que soit la solution ou la rédaction retenue, une chose est sûre : les chauffeurs de taxi attendaient de nous un engagement fort afin que la séparation des activités soit effective et que les forces de l’ordre puissent effectivement sanctionner ceux qui aujourd’hui contournent impunément la loi.
Or il faut bien constater que le Sénat a contribué à vider le texte de son contenu. Nous ne pouvons donc nous satisfaire des propos de notre rapporteur, qui nous invite à adopter aujourd’hui le texte sans modification.
Soulignons, enfin, une dernière insuffisance de cette proposition de loi. Elle porte sur la question du statut des taxis. Nous avons le sentiment que le texte de cette proposition de loi reste au milieu du gué.
Si le texte a permis de mettre en extinction le statut de locataire-taxi, qui plaçait les locataires dans des situations intenables, avec des charges fixes allant jusqu’à 4 500 euros par mois, la proposition de loi continue de promouvoir la location-gérance. Or nous estimons que seul le statut du salariat doit être possible lorsque le titulaire de l’autorisation ne l’exploite pas lui-même. En effet, le statut de locataire ou de locataire-gérant n’est pas protecteur et offre une couverture sociale bien trop faible.
Pour toutes ces raisons, à moins que notre rapporteur ne revienne sur sa décision d’adopter un texte conforme plutôt que de revenir à la rédaction issue des travaux de l’Assemblée, nous voterons contre le texte qui nous est proposé, en regrettant sincèrement que nous n’ayons pu aboutir à une rédaction plus ambitieuse, mais surtout plus protectrice des chauffeurs de taxi.

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Patrice
Carvalho

Député de Oise (6ème circonscription)

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