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Transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes

Madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, voici venu le temps de l’examen du texte traduisant l’engagement pris par le Premier ministre et le Président de la République devant le Congrès des maires. Grâce à la très forte mobilisation sur le terrain des élus, en particulier des élus ruraux, le front très large contre le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement a réussi à faire bouger le Gouvernement et la majorité : je m’en félicite.
Est-ce à dire, comme la communication gouvernementale veut le faire accroire, que les élus locaux ont été respectés et les engagements tenus ? Non, il s’agit plutôt d’un os que l’on laisse à ronger aux frondeurs !
En effet, nous sommes encore et toujours confrontés au mur de l’intransigeance. Notre demande est pourtant simple et légitime : il s’agit de laisser la liberté aux communes de décider ou non de ce transfert. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LR.)
Cette liberté, mes chers collègues, ne doit pas être une liberté encadrée, transitoire, limitée : ce doit être une liberté communale pleinement respectée. Or le contenu de ce texte ne répond toujours pas à cette exigence fondamentale. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LR et sur plusieurs bancs du groupe NG.)
Avant d’en venir au contenu précis de cette proposition de loi, je ne peux manquer de revenir sur la façon très particulière que vous avez de respecter la représentation nationale. Après l’épisode assez déplorable du 12 octobre dernier, quand la proposition de loi, adoptée par le Sénat, affirmant le principe d’un transfert optionnel, fut renvoyée de façon expéditive en commission, vous avez souhaité, madame la ministre, qu’un travail collectif soit mené par des députés et des sénateurs de toutes sensibilités. Or le groupe GDR – que je préside – n’a pas été convié à participer à cette prétendue expérience de renouveau démocratique, pas davantage que le groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste du Sénat !
Madame la rapporteure, vous avez insisté à nouveau, tout à l’heure, sur le fait qu’un consensus aurait été trouvé. Je vous fais observer que ce n’est pas une pratique très honnête que d’exclure a priori celles et ceux qui s’étaient mobilisés et auraient eu beaucoup de choses à vous dire sur le sujet, à partir de ce qu’ils vivent concrètement sur le terrain. Il est vrai que cela aurait rendu impossibles les éléments de communication que vous diffusez à propos de ce que vous appelez les « avancées » contenues dans cette proposition de loi. Ne dites donc pas que cette proposition de loi est le fruit d’une réflexion transpartisane ou d’un consensus : c’est faux. Vous nagez dans le mensonge comme un poisson dans l’eau !
Venons-en au fond. Vous vous arc-boutez sur l’idée selon laquelle le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement est une bonne chose pour nos concitoyens et pour l’ensemble de nos collectivités territoriales. Tous vos propos en commission convergent sur ce point : vous ne voulez pas remettre en cause la loi NOTRe, qui est pourtant totalement inadaptée et incohérente en matière de gestion de l’eau et de l’assainissement, puisqu’elle veut transférer de force des compétences aux nouvelles intercommunalités, au détriment des modalités de gestion construites patiemment et avec intelligence sur le terrain, par les élus municipaux, au service des usagers. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LR.)
Vous le savez, nous nous étions opposés à ce dispositif introduit dans la loi NOTRe – comme à l’ensemble de cette loi, du reste. J’ai réitéré notre opposition lorsque nous avons débattu de la loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne en 2016.
L’article 1er de cette proposition de loi permettrait aux communes appartenant à une communauté de communes n’exerçant pas les compétences eau et assainissement de s’opposer au transfert obligatoire de ces compétences, à condition que 25 % des communes membres, représentant au moins 20 % de la population, le rejettent. Il s’agit donc déjà d’une liberté communale conditionnée. Nous considérons que ce n’est pas satisfaisant.
Pour reprendre les mots prononcés par le Président de la République devant les maires : « Quand on observe la situation sur le terrain, ça marche mieux quand vous l’avez voulu que lorsque cela vous a été imposé. » Chiche, mes chers collègues ! Si vous voulez respecter la volonté du Président de la République, je vous invite à voter tout à l’heure pour notre amendement qui prévoit tout simplement d’en revenir à un transfert optionnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LR et sur quelques bancs du groupe NG.)
Mais vous ne vous arrêtez pas là. Vous proposez désormais que ce transfert de compétence soit effectif dans tous les cas en 2026, afin – comme l’a dit tout à l’heure Mme la rapporteure – de prendre en compte la difficulté des élus à préparer le transfert. Quelle hypocrisie ! Pourquoi 2026, si ce n’est pour renvoyer la patate chaude aux personnes qui seront élues en 2022 ? Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Comme l’écrivait Corneille : « Le temps est un grand maître, il règle bien des choses » !
Surtout, je crains que cette liberté communale à durée déterminée ne traduise une vision encore plus réactionnaire.
Vous considérez que les élus locaux ne sont pas suffisamment compétents, intelligents ou conscients des enjeux pour comprendre l’intérêt du transfert de compétence. (Exclamations sur les bancs du groupe REM. – « Très juste ! » sur les bancs du groupe LR.)
Lorsqu’ils l’auront finalement compris – vous avez utilisé le mot devant la commission des lois la semaine dernière, madame la rapporteure –, lorsqu’ils verront combien ce qu’on leur impose sans concertation depuis des années est vertueux, alors ils l’accepteront. Ce raisonnement témoigne d’un grand mépris envers des élus qui travaillent chaque jour, avec des moyens toujours plus contraints par votre politique d’austérité, à répondre concrètement aux besoins locaux ! Quel mépris !
Je suis comme eux, madame la rapporteure, je n’ai toujours pas compris l’intérêt objectif d’ôter arbitrairement des compétences qui sont exercées dans d’excellentes conditions par des communes en régie directe ou des syndicats intercommunaux fondés sur les caractéristiques propres de chaque bassin versant et sur une coopération librement consentie.
Pas du tout ! Continuez donc à aboyer… Je le redis, messieurs les donneurs de leçons, sur cet aspect tout particulièrement, la loi NOTRe est mauvaise. Et ce n’est pas un totem ! À moins que des intérêts privés supérieurs ne soient cachés derrière vos propos – ce que je n’ose croire possible dans votre « nouveau monde ».
Si vous voulez vous exprimer, attendez votre tour ! Monsieur Personne, habillé en dimanche !
Nous voulons vraiment comprendre pourquoi vous refusez d’accorder la possibilité de maintenir ces compétences au niveau communal, et pourquoi vous voulez faire disparaître les syndicats intercommunaux et les régies directes au 1er janvier 2026. Je formule le vœu qu’éclairés par nos débats, vous soyez convaincus et retourniez à la raison. Pour accompagner ce mouvement salutaire, je vous proposerai donc par voie d’amendement – comme d’autres députés sans doute – de supprimer purement et simplement cette référence à 2026.
C’est ce que vous demande encore et toujours l’Association des maires ruraux de France. Répondez à l’exigence de ces maires plutôt que de jouer la montre !
Maintenez le caractère optionnel de ce transfert en faisant preuve d’un peu de courage politique, plutôt que de continuer à justifier l’injustifiable sous de faux prétextes – quand ce n’est pas sous la pression du lobby des industriels de l’eau en quête de nouveaux marchés de délégation au niveau intercommunal !
Au lieu de les mépriser, faites donc confiance aux « premiers de cordée » municipaux, qui connaissent parfaitement, par expérience, les réseaux d’adduction, les besoins des habitants, et offrent d’ores et déjà aux usagers un service de distribution de l’eau à un prix inférieur aux prix pratiqués en cas de délégation de service public.
Pour terminer, je voudrais évoquer l’article 3 de ce texte, qui traduit l’engagement que vous avez pris, madame la ministre, en faveur du maintien des syndicats intercommunaux sans référence à un seuil d’appartenance à plusieurs EPCI. C’est un choix de bon sens, compte tenu des avantages que présentent nos syndicats, qui sont bâtis sur des principes de coopération entre communes et d’adaptation aux réalités de terrain.
Reste que le choix de maintenir le caractère obligatoire du transfert de compétence d’ici 2026 continuera de menacer l’ensemble de ces syndicats inclus dans le périmètre des nouvelles intercommunalités.
Aussi, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, vous comprendrez que nous serons très attentifs aux nouveaux pas en avant que vous serez à même de faire à travers l’examen de nos amendements qui relèvent de l’intérêt général. Ne restez pas scotchés à l’ancien monde libéral et autoritaire, n’imposez pas, ne soyez pas méprisants, respectez la liberté des communes et leurs choix de coopération : c’est la seule voix de raison.
En l’état, nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes FI, NG et LR.)

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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