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Travail : dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789

 
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises. » Tout travailleur donc, même ceux des TPE !
« Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix. » Tout homme donc, y compris les salariés des TPE !
Étendre les principes de la démocratie sociale dans les TPE est donc une mesure d’ordre public. Nul besoin de rappeler que ces droits sont inscrits dans le préambule de la Constitution de 1946, qui appartient à notre bloc de constitutionnalité. Toujours est-il que, face à la faiblesse coupable du Gouvernement, face aux pressions liberticides qui ont été exercées par le MEDEF et la CGPME, nous sommes conduits à vous rappeler ce préambule.
L’intitulé de ce projet de loi apparaît désormais peu crédible et plusieurs dispositions contenues dans ce texte sonnent faux. Les garanties données au MEDEF et à la CGPME par les sénateurs de la majorité ont déjà modifié la version initiale afin de préciser que les commissions paritaires territoriales ne pourront pas contrôler les entreprises et pénétrer dans leurs locaux sans l’accord des employeurs. Les députés de la majorité, cédant à l’intense lobbying des deux organisations patronales, ont purement et simplement amputé le projet de loi d’une disposition phare.
Je reviendrai sur la suppression de l’article 6 incriminé, que nous proposerons de rétablir par l’intermédiaire d’un amendement, mais avant, permettez-moi un regard critique sur deux autres dispositions du projet de loi : la mesure de la représentativité et le cavalier législatif sur les prud’hommes.
Privilégier le vote pour des sigles syndicaux au détriment d’une véritable élection pour des représentants constitue d’emblée un obstacle à la participation électorale et contrevient aussi bien aux objectifs fixés par la position commune du 9 avril 2008 qu’à la loi du 20 août 2008 relative à la démocratie sociale.
Reporter de deux ans les élections prud’homales pour mieux remettre en cause l’élection des conseillers au suffrage universel direct est tout aussi inacceptable. Mais le pire reste à venir !
Le texte prévoyait, dans son article 6, l’instauration de commissions paritaires régionales chargées d’assurer le suivi et l’application des accords collectifs et d’apporter une aide en matière de dialogue social pour les salariés et les employeurs.
Dans un premier temps, le MEDEF et la CGPME ont obtenu que la mise en place des commissions paritaires soit facultative, la soumettant ainsi à leur bon vouloir. En soi, cela constituait d’ores et déjà un scandale car cela signifiait que la liberté syndicale, droit fondamental, censé constituer une contrepartie au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre de l’employeur, ne pouvait s’exercer qu’avec l’accord… des représentants des employeurs !
Dans un second temps, on a tout bonnement décidé de supprimer l’article 6 du projet de loi, sous prétexte que les petits patrons auraient peur de l’intrusion de syndicalistes dans leurs entreprises, et sous couvert de la crainte de l’émergence d’inspecteurs du travail d’un nouveau genre. Ces arguments ne constituent en réalité qu’un amalgame grossier…
…et témoignent d’une conception rétrograde de l’activité syndicale, comme on l’entendait, madame Vasseur, avant la reconnaissance du droit syndical en 1968.
L’UPA, dans sa lettre d’information du 15 juin 2010, fustige « les contrevérités du MEDEF et de la CGPME ». Toujours selon elle, « les trois principales organisations véritablement représentatives des TPE françaises et donc des entreprises directement concernées par cette réforme, à savoir l’UPA, la FNSEA […] et l’UNAPL […], soutiennent le projet de loi. »
« Elles ont à ce titre émis un avis favorable au projet législatif le 3 mai dernier dans le cadre de la Commission nationale de la négociation collective. Surtout, dans un courrier commun daté du 2 juin, elles ont invité les parlementaires à ne pas céder à la démagogie développée par le MEDEF et la CGPME et à voter favorablement ce projet de loi. »
Sommes-nous les seuls à être en mesure d’entendre ces appels ? N’est-il pas aussi de la responsabilité de la majorité gouvernementale d’entendre la colère des organisations syndicales, dont la CFDT et la CGT, suite à la fronde des députés UMP en commission ? Sommes-nous aussi les seuls à entendre la fronde des organisations patronales dont j’ai cité les noms ?
Aux yeux des députés UMP frondeurs, seuls pèsent les arguments du MEDEF et de la CGPME. Jean-François Roubaud, pour la CGPME, a récemment affirmé que la relation directe qui existe entre le chef d’entreprise et ses salariés volera en éclats ; il crie à l’instauration d’une technocratie à la place du dialogue social.
C’est une belle galéjade ! D’abord, c’est justement parce que la proximité avec l’employeur ne facilite pas automatiquement le dialogue social dans les TPE que se justifiait la création de commissions paritaires au niveau local. Ensuite, accuser d’être technocratique la mise en place de ces commissions paritaires, c’est non seulement mépriser les droits des 4 millions de salariés concernés par ce projet de loi, mais aussi prétendre qu’une espèce de paternalisme d’entreprise pourrait se substituer à la loi. C’est nous prendre pour de fiers ingénus !
Seule la loi est capable de faire de la démocratie sociale une obligation, et vous le savez pertinemment.
Enfin, vous prêtez à l’administration un instinct d’ingérence et vous ne voyez en elle qu’un pouvoir technocratique ; à cela, vous ajoutez une profonde défiance à l’égard du syndicalisme et de l’émergence d’un mouvement de défense des petites entreprises. Vous ne faites finalement que réunir les ingrédients d’un poujadisme ressuscité.
Par respect pour les 4 millions de nos concitoyens salariés des TPE, par respect pour la démocratie sociale qui constitue – ironie du sort – l’objet même de ce texte, par respect des organisations signataires, d’employeurs comme de salariés, il est indispensable que la discussion de ce texte n’avalise pas la remise en cause, par des intérêts particuliers et sur la base d’arguments on ne peut plus contestables, d’un droit fondamental d’ordre constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
 

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Roland
Muzeau

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