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Travail : réforme des retraites

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, permettez-moi, pour commencer, de vous citer ces propos glanés au cours de l’imposante manifestation qui s’est déroulée à Douai hier matin, tels que les rapporte la presse aujourd’hui.
Un salarié de Renault, qui a travaillé trente-six ans à la chaîne : « Moi je suis crevé. J’ai eu plein d’opérations. Je suis cassé par le système ! ». Un lycéen de terminale : « Aujourd’hui, on commence à travailler à vingt-cinq ans. On va profiter de la retraite, quoi, un an, cinq ans ? » Ou encore, cet ancien employé de la métallurgie âgé de soixante-quinze ans et confronté toutes ces dernières années à la dégradation de son pouvoir d’achat : « Il faut qu’on augmente nos retraites. »
Ces propos illustrent parfaitement la colère qui s’est massivement exprimée à travers le pays hier devant la régression sociale sans précédent que représente votre projet de réforme. Elle est lourde de conséquences que je résume brièvement.
Le recul de l’âge légal et la prolongation de la durée de cotisation vont condamner les salariés à travailler plus pour gagner moins. Les conditions nouvelles de liquidation, plus difficiles à réunir, vont à l’évidence provoquer une nouvelle baisse des pensions, après la baisse de 15 % à 20 % qu’ont entraînée les réformes Balladur de 1993 et Fillon de 2003.
Le report à soixante-sept ans de l’âge de la retraite sans décote va sanctionner tous les salariés, particulièrement les femmes qui auront eu des carrières hachées ou incomplètes.
Le relèvement de l’âge légal va durement pénaliser ceux qui auront commencé à travailler tôt. Ainsi, ceux qui ont commencé à travailler à dix-huit ans devront travailler quarante-quatre ans.
Les jeunes seront les principales victimes : ils entrent de plus en plus tard dans la vie active – à vingt-trois ans en moyenne dans le privé, à vingt-cinq ans dans le public – et ne trouvent un emploi stable, en moyenne, qu’à vingt-huit ans. Pour eux, le droit à une retraite décente sera de plus en plus virtuel, d’autant que le chômage dont ils sont victimes va encore s’aggraver : d’ici à 2016, un million d’emplois ne leur seront pas ouverts car leurs parents devront travailler plus longtemps.
Le relèvement de l’âge légal de la retraite aura aussi, quoi que vous en disiez, un autre effet dramatique : l’explosion du nombre de chômeurs âgés. Aujourd’hui, les deux tiers des travailleurs sont déjà hors de la vie active lorsqu’ils atteignent soixante ans. Les entreprises se débarrassent en masse des salariés à partir de cinquante-cinq ans ; on voit mal pourquoi elles les garderaient jusqu’à soixante-deux ans.
La régression sociale s’accompagne donc d’une inefficacité économique que d’autres orateurs ont soulignée. Je préfère insister sur la grande différence qui sépare le Gouvernement et sa majorité de la gauche.
À vos yeux, vous n’avez cessé de le répéter, monsieur le ministre, la question des retraites est une question démographique et comptable. Pour nous, c’est avant tout un enjeu de civilisation.
Cet enjeu de civilisation conditionne une large part de l’existence de chaque individu et constitue un pilier essentiel de la solidarité entre générations dans une société du vivre ensemble.
Depuis le début du débat, vous ne cessez de répéter qu’il n’y a pas d’autre solution possible. Le Président de la République l’a encore dit ce matin. Là non plus, nous ne sommes pas d’accord. Nous ne considérons pas, comme vous le faites, que notre système de retraites est malade de l’allongement de l’espérance de vie ; nous estimons qu’il est malade de la logique financière du capitalisme, du chômage et de la précarité.
En l’occurrence, la question posée est bien celle d’un autre partage des richesses qui permettrait de garantir le financement du droit à la retraite à soixante ans pour tous à taux plein en refusant, bien entendu, l’allongement de la durée de cotisation, qui reviendrait, de fait, à remettre en cause la retraite à soixante ans.
Cet autre partage des richesses privilégie la rémunération du travail plutôt que celle du capital. Tel est le sens de la proposition de loi que les députés communistes et du Parti de gauche ont déposée ; nous y reviendrons tout au long de la discussion des articles.
Cet autre partage des richesses suppose aussi de mener une autre politique en faveur de l’accès à l’emploi. Je rappelle que 100 000 emplois créés représentent 2 milliards d’euros de cotisations supplémentaires pour payer les retraites. Or, depuis le début de la crise, il y a environ deux ans, plus de 700 000 emplois ont été supprimés dans notre pays.
Pour toutes ces raisons, parce que votre projet de loi est un texte de régression sociale, parce qu’il ne réglera rien, parce qu’il constitue la dernière étape avant la destruction définitive de notre système de retraite tel que nous l’avons hérité de la Libération, parce qu’il est une porte ouverte à la capitalisation, nous en demandons le retrait. Bien entendu, pour toutes ces raisons, nous sommes aux côtés des salariés qui ne veulent pas payer une crise qui n’est pas la leur. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
 

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Marc
Dolez

Député du Nord (17ème circonscription)
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