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Travail : réforme des retraites

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, neuf jeunes actifs sur dix se disent soucieux de leur retraite, un sur trois est même sûr qu’il n’en aura pas, et 59 % des moins de trente-cinq ans redoutent ce moment.
Hier, parmi près de trois millions de personnes qui ont défilé dans toute la France, ces jeunes ont exprimé leur inquiétude, aux côtés des salariés du privé et du public, des retraités, des chômeurs et de la très large majorité de Françaises et de Français qui ont déclaré soutenir ce mouvement social. Ils ont aussi dit leur colère contre votre projet de loi de réforme des retraites.
Ainsi, 83 % des jeunes affirment être pessimistes par rapport à l’avenir du système de retraite par répartition. En effet, malgré vos discours, tous savent votre intention de liquider ce formidable acquis social, issu du programme du Conseil national de la Résistance. Ce ne sont pas les multiples amendements adoptés hier en commission des affaires sociales pour favoriser la retraite par capitalisation qui prouveront le contraire. Ils ont bien compris : il y aura une retraite pour ceux qui pourront se payer une assurance privée complémentaire et des pensions misérables pour les autres.
Le 4 juin dernier, avec dix-neuf organisations syndicales, associatives et politiques, ces jeunes ont lancé un appel pour regretter d’être les grands oubliés du débat mais aussi pour affirmer leur droit à la retraite à soixante ans.
Ces jeunes qui pressentent bien que, depuis les réformes Balladur de 1993 et Fillon de 2003, l’allongement continu de la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein fera mécaniquement reculer l’âge auquel ils pourront prétendre partir à la retraite.
À trente ans aujourd’hui, un jeune a cotisé sept trimestres de moins qu’un jeune du même âge de la génération précédente, en raison de l’allongement de la durée d’études, du développement de la précarité et du chômage. Au plan national, ils sont près de 25 % à être sans emploi, parfois jusqu’à deux fois plus dans les quartiers populaires.
Avec votre réforme, les rares jeunes s’insérant de manière stable sur le marché du travail à vingt ans auront la possibilité de partir à la retraite à soixante-deux ans. En revanche ceux qui ne s’y insèrent qu’à trente ans, devront sans doute travailler jusqu’à soixante et onze ans pour espérer bénéficier d’une pension de retraite vraiment complète.
Pourtant, cette génération sacrifiée, qui peine tellement à entrer dans la vie active, n’est pas dupe : elle sait que vous avez débloqué des moyens considérables pour venir en aide aux banques confrontées à une crise qu’elles avaient elles-mêmes provoquée. Alors que cette génération continue de subir une grave insécurité sociale, elle vient aussi de découvrir que les bénéfices cumulés des entreprises du CAC 40 ont doublé au premier semestre 2010.
Je cite trois exemples, parmi les championnes : Total d’abord avec + 28 % au premier semestre et 555 postes supprimés ; France Télécom : + 45 % et 22 000 emplois supprimés en trois ans ; Sanofi-Aventis : + 10 % et un plan de suppressions de 3 000 emplois.
Vous organisez l’injustice : un système dans lequel les plus fragiles aux côtés des jeunes, des femmes, des seniors, et de ceux et celles qui exercent des métiers pénibles et qui occupent des emplois précaires travailleront toujours plus, au plus grand bénéfice du patronat, pour préserver la finance et laisser gonfler les profits spéculatifs.
Les députés communistes, républicains, du Parti de gauche, refusent cette politique. Nous vous demandons solennellement de retirer ce projet de loi.
Vous prétendez préparer l’avenir, mais quel est l’avenir d’un pays qui laisse sa jeunesse dans l’angoisse et la peur du lendemain ?
Il est indispensable que s’engage une réflexion concernant la validation des années d’études et de formation dans le calcul des annuités, celle des périodes de stages et celle des périodes d’inactivité forcée qu’entraîne l’enchaînement de stages, de CDD, de temps partiel, et de l’intérim dont les jeunes sont aujourd’hui les victimes.
Dans le débat parlementaire, nous demanderons que le Gouvernement remette au Parlement, avant la fin de l’année, un rapport sur les modalités d’affiliation des étudiants à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale. Nous proposerons que les entreprises contribuent au financement de l’assurance vieillesse au titre des périodes pendant lesquelles les étudiants se forment. Nous demanderons la revalorisation de la retraite des apprentis et, surtout, nous exigerons une véritable politique de formation et d’emploi pour tous ces jeunes qui en sont privés.
Oui, une réforme des retraites est indispensable pour sécuriser l’avenir. Des financements sont possibles pour maintenir le droit à la retraite à soixante ans à taux plein. Nous l’avons démontré en déposant une proposition de loi qui, si elle s’appliquait, permettrait de réunir 60 milliards d’euros en favorisant l’emploi et en augmentant les salaires, en taxant les produits financiers, les retraites-chapeaux, les bonus et les stock options, en supprimant le bouclier fiscal mais aussi en renonçant aux exonérations patronales inefficaces pour l’emploi.
Quel exemple donnons-nous à notre jeunesse quand elle voit les inégalités exploser, les plus riches et les milliardaires protégés, voire encouragés et impunis, et leurs parents et eux-mêmes soumis aux restrictions et aux privations ?
Avec les jeunes de notre pays, nous refuserons cette régression sociale que la droite et le Président de la République veulent imposer. Nous continuerons de défendre une société d’espoir où chaque jeune et tous nos jeunes puissent trouver leur place. Il est de notre responsabilité de redonner confiance à notre jeunesse. C’est aussi pour cette raison que nous combattons résolument votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

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Marie-Hélène
Amiable

Députée des Hauts-de-Seine (11ème circonscription)
Voir cette intervention sur le site de l'Assemblée Nationale

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