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Union européenne : ratification du traité de Lisbonne

Monsieur le Ministre vous avez dit que l’Europe était en panne. Serait-ce, en raison des votes prononcés par les peuples néerlandais et français ou serait-elle en panne, d’une maladie plus grave ? … celle que vous avez insufflée depuis des décennies.
Or vos remèdes n’apportent rien de nouveau et naturellement l’addition sera salée – surtout pour les citoyens européens les plus fragilisés.
Ce soir, dans cet hémicycle, un souffle lourd du renoncement obscurcit l’horizon d’une Europe unie et solidaire que nous appelons de tous nos vœux.
Une fois n’est pas coutume, je me permets de citer ici, Jean Monet qui dans ses mémoires écrivait : « nous ne coalisons pas les Etats, nous unissons les peuples . Pas sur…mes chers collègues que nous suivions ce chemin en privant nos concitoyens d’un référendum pourtant légitime…car la question du vote est fondamentale, en démocratie. 
Or, vous le savez, l’Europe politique est malade, j’en veux pour preuve les faibles taux de participation aux élections dans l’ensemble des pays de l’Union européenne.
Est-ce cela, pour vous, l’Europe démocratique ? Pensez-vous qu’en privant les Français d’un débat sur la question européenne, en fait fi de leur décision, vous leur donnerez goût à croire et espérer en cette Europe ?
Pensez-vous que l’on peut se passer ainsi de la souveraineté populaire ?
Vous nous rétorquez, Monsieur le Premier Ministre, que le Parlement est garant de la souveraineté nationale ( souvent nous souhaiterions qu’il en soit ainsi ) et qu’il a tout autant de légitimité à se prononcer concernant la place de la France dans la Communauté européenne et l’évolution de cette communauté.
Mais les enjeux sont d’une autre nature. D’ailleurs, n’oublions pas que si le Parlement à sa légitimité. il s’est prononcé « à 90 % pour le Traité européen au Congrès de Versailles en 2005, déjugé quelques mois après par plus de 55% des Français.
C’est ce que les députés et sénateurs communistes viennent de rappeler au congrès du Parlement en affirmant qu’aucune décision du peuple ne peut être dessaisie autrement que par une autre décision du peuple.. (par voie référendaire).
Je regrette pour ma part et avec tous mes collègues du groupe communiste et républicain de nous trouver dans la situation actuelle – en raison de l’attitude d’une partie du groupe socialiste SRC – qui n’a pas permis lors de la réunion du Congrès au Parlement d’imposer l’organisation d’un référendum. Dans ces conditions, la motion référendaire déposée ( ou prévue ) par le groupe socialiste est peu sincère.
Pour autant nous la voterons, non pour cautionner cette démarche, mais parce qu’en aucun moment nous voulons laisser passer l’expression de la nécessité d’une consultation populaire sur ce Traité de Lisbonne.
Quant au fond, vous nous demandez de nous prononcer sur ce Traité dit « simplifier », or ce texte compte plus de 250 pages. Il empile des amendements aux Traités en vigueur etc.
Vous le savez – comme moi - ce texte du Traité a été volontairement organisé de telle sorte qu’il est inaccessible à tout débat citoyen. Certes et vous pourriez me le dire, ce Traité de Lisbonne ne change rien à son prédécesseur – ainsi que le dit Valéry Giscard d’Estaing, ou comme il est dit aussi en Espagne… et d’ailleurs le Conseil Constitutionnel lui-même admettait le 20 décembre 2007 « Le traité de Lisbonne ne transfert pas à l’Union, par rapport au Traité européen, d’autres compétences, et en retire, par ailleurs, aucune des matières du Traité européen.
Puis-je vous dire, en tant qu’athée et grâce à Dieu, que la messe est dite. Votre Traité de Lisbonne n’est que du papier collé avec celui rejeté par les Français en 2005.
Pour autant, le Premier Ministre a déclaré avant hier que ce traité était un « compromis et de réconciliation entre les Européens qui avaient dit oui et ceux qui avaient dit non ».
D’une part cette affirmation est osée tant furent peu nombreux les Européens qui ont eu à voter.
Par ailleurs, arguant que « la concurrence n’était plus un des objectifs de l’Union »…juste un moyen vous prétendez que le vote des Français a été entendu. De fait, vous reconnaissez, Monsieur le Ministre, que nos concitoyens refusent cette Europe libérale que vous voulez leur imposer !
Pourtant vous omettez de noter que l’article 3 de ce texte consacré à l’économie de marché où la concurrence est libre… et que le protocole 6 rappelle que le marché intérieur comprend « un système garantissant une concurrence non faussée ».
En définitive, vous savez pertinemment Monsieur le Ministre que le Traité de Lisbonne ne fera qu’accentuer les contours actuels de l’Europe libérale… symbolisée notamment par la présence de Mrs Bolkenstein, Mandelson comme Commissaires européens.
Où donc, est, l’Europe des peuples ?
Sur le plan institutionnel, vous constatez à juste titre de graves blocages engendrés par l’élargissement de l’Union européenne.
Or, vous le savez, le Traité de Lisbonne n’y changera malheureusement rien. Pire, elle ne fera qu’aggraver le fonctionnement des institutions européennes.
Enfin ce traité ne changera nullement le statut de la Banque Centrale Européenne, alors que plus que jamais notre pays et la communauté européenne se devraient de contrôler et maîtriser la circulation des capitaux.
Monsieur le Ministre, l’Europe que vous nous proposez est en réalité celle de la concurrence entre les peuples, celle de la marchandisation des individus et du savoir, la négation des cultures, joint au moins disant social.
A l’inverse, l’Europe que nous proposons est celle du rapprochement entre les peuples, portée par cette devise « unis dans la diversité ».
Et je conclurai par cette phrase de Roger Vaillant dans l’éloge de la politique en 1964 : « je ne veux pas croire qu’il ne se passera rien, que les citoyens n’exercent plus leur pouvoir qu’en mettant un bulletin dans l’urne pour désigner, comme souverain et à leur place, un Monsieur qui a une bonne tête à la télévision. C’était en 1964.
C’est pour cette dérangeante actualité de ces mots, pour s’opposer au projet libéral du Traité de Lisbonne, afin de défendre la souveraineté populaire avec un nouvel élan pour la construction européenne que les députés communistes et républicains voteront contre la ratification du Traité de Lisbonne.

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Pierre
Gosnat

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