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Union européenne : révision de la convention sur la délivrance de brevets européens

Mesdames et messieurs les ministres, M. Goulard a qualifié ce projet de loi de texte technique, mais vous êtes trois au banc du gouvernement. Peut-être est-ce pour faire de l’épicerie, mais ce n’est pas crédible – ou ce serait de l’épicerie de luxe ! (Sourires)
Nous sommes saisis d’un projet de loi pour lequel on nous dit qu’il appartient à la France de faire sauter le dernier verrou qui permettra l’application d’un accord international. L’entrée en vigueur de ce texte dépend de notre vote. Notre responsabilité est donc grande.
Un ministère de l’identité nationale a été créé dans l’actuel gouvernement, mais nous avons constaté la semaine dernière lors des débats sur le texte relatif à l’immigration qu’identité nationale signifiait pour vous xénophobie alors que, lorsqu’il s’agit de défendre la langue française, vous ne jurez plus que par les mérites de l’anglais. Il est vrai, on l’a vu pendant la campagne électorale, que vous avez de brillants intellectuels à vos côtés comme Johnny Hallyday ou Doc Gynéco. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Pour notre part, quand nous pensons à la France, résonnent les noms du général de Gaulle, de Romain Rolland, de Bossuet auquel me faisait songer Jean-François Copé, l’aiglon de Meaux lorsqu’il est arrivé tout à l’heure dans l’hémicycle. Mais, vous les reniez tous car votre cœur ne bat pas au rythme de l’héritage français et de notre histoire. Vous bradez la langue française au profit de l’anglais.
Pis encore, en soumettant ce texte à ratification, vous encouragez notre assemblée à violer une loi votée par votre majorité – inutile d’évoquer Lionel Jospin, il reste encore à l’UMP des gens pour lesquels la France signifie quelque chose. Ainsi la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite loi Toubon du nom du ministre de la culture de l’époque, visait-elle principalement à soutenir l’enrichissement de la langue et à confirmer l’obligation d’utiliser le français.
Enfin, suivant la boulimie médiatique compulsive du Président de la République, en adoptant ce texte, vous vous apprêtez à violer l’article 2 de la Constitution de 1958, dont le premier alinéa affirme que : « La langue de la République est le français. » (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mais vous abdiquez, vous capitulez, vous renoncez ! On le sait bien, et on en a là une preuve : vos valeurs sont déterminées par la bourse, et non par notre héritage historique et par notre capital intellectuel. Vous vous mettez à genoux devant le veau d’or parce qu’il n’y a que cela que vous savez révérer. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) M. Myard est d’accord avec moi.
Tout comme notre président de séance tenu au silence mais dont je peux traduire la pensée puisque j’ai vu sa signature au bas de textes que j’ai moi-même signés.
Avec ce protocole, le but annoncé est de réduire les coûts de dépôt d’un brevet européen pour augmenter le nombre de dépôts nationaux. L’objectif réel étant tout simplement que ces multinationales réalisent une économie substantielle, comme si elles étaient à quelques euros près !
Madame Hostalier, je vous ai entendu mieux inspirée la semaine dernière et il est dommage que vous ayez quitté les rails sur lesquels vous vous étiez engagée. (Sourires.)
De très honorables institutions ont exprimé des avis défavorables et ont souligné les dangers de ce traité, mais peu vous chaut que tout cela ! L’Académie française déclarait ainsi en 2001 : « Le français étant la langue de la République, la France ne peut accepter que les textes en langues étrangères aient force de droit sur son territoire. En fait, par le biais des brevets se trouve une nouvelle fois posée la question que nul n’ose aborder de front : quelle langue, quelles langues doit parler l’Europe ? Économiser sur les traductions, c’est non seulement mettre en péril les langues nationales mais aussi amputer la plus irremplaçable richesse de notre continent : sa diversité. Pour ces raisons, l’Académie française demande solennellement aux pouvoirs publics de ne pas signer le Protocole de Londres. »
Diversité, pluralisme, pluralité : voilà des notions qui vous donnent le grand frisson parce que votre choix c’est celui de la camisole, la camisole anglo-saxonne, et vous ne jurez que par cela !
Je voudrais terminer par une citation. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Des antifrançais il y en a eu dans l’histoire, parfois détenteurs d’un passeport français, parfois étrangers comme Berlusconi, Kaczynski, Thatcher, Aznar ou Bush. Que dire de ces quelques mots : « La langue française n’est pas indispensable, le monde a bien vécu sans elle, si elle devait céder la place ce serait précisément à des langues mieux adaptées aux besoins réels et immédiats de ceux qui la délaisseraient. » Voilà ce qu’on peut lire à la page 151 du chapitre intitulé : « L’anglais, avenir de la francophonie » de l’ouvrage Deux ou trois choses que je sais de nous, écrit par quelqu’un dont il n’y a pas à être fier, Bernard Kouchner. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
 

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