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Vieillissement

Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, chers collègues, ce projet de loi se fixe pour objectif d’anticiper l’important défi que constitue le vieillissement de la population et d’y apporter des réponses. En effet, selon les estimations de l’INSEE, la proportion de personnes âgées de plus de 60 ans dans la population, d’ores et déjà de 25 %, devrait atteindre 32 % en 2060, soit 23,6 millions de personnes.
Par ailleurs, notre société a beaucoup évolué et de nouvelles aspirations sont apparues. L’espérance de vie à la retraite est désormais de l’ordre de vingt-cinq ans : il est légitime que nos concitoyens souhaitent profiter pleinement de la nouvelle vie qui s’offre à eux. Ils veulent pouvoir être actifs et utiles, envisager et réaliser de nouveaux projets, et ce dans de bonnes conditions.
Ce projet de loi s’inscrit dans cette perspective. En posant la question sociétale et culturelle, il vise à enclencher un infléchissement de notre rapport à l’âge, à nos aînés, et à réaffirmer dans la loi le droit des personnes âgées à décider de leur vie.
Si nous partageons et saluons ces objectifs, c’est peu dire que, pour qu’ils se concrétisent dans la vraie vie, pour l’ensemble de nos concitoyens – y compris les plus modestes –, il reste du chemin à parcourir. De nombreux moyens nouveaux doivent être mis en œuvre – et c’est là, évidemment, que le bât blesse.
Si le texte contient d’indéniables avancées, avec, en particulier, une réforme de l’APA à domicile visant à permettre à chacun de vivre le plus longtemps possible chez soi, mais aussi l’amorce d’une reconnaissance des aidants et de leurs besoins, le renforcement de la protection des personnes les plus fragiles et des mesures visant à favoriser les actions de prévention, il reste cependant très modeste, avec à peine 654 millions d’euros de financement prévu, ce qui n’est pas à la hauteur du défi qui se présente.
Mme Bérengère Poletti. C’est vrai !
Mme Jacqueline Fraysse. De plus, il fait l’impasse sur des sujets cruciaux, comme le reste à charge pour les familles.
Mme Bérengère Poletti. Eh oui !
Mme Jacqueline Fraysse. Comme, dans de plus en plus de cas, les revenus des personnes âgées – pension de retraite et aides éventuelles – ne suffisent pas à payer leurs frais d’hébergement dans un établissement spécialisé, ce sont les enfants, voire les petits-enfants, qui sont sollicités pour acquitter le reste à charge. Le montant en est très élevé : selon les estimations, il atteint en moyenne 1 500 euros par mois.
Or la situation va encore s’aggraver, en raison de la diminution du montant des retraites et de l’augmentation des tarifs d’hébergement. Selon une récente enquête de la CNSA, les frais d’hébergement en EHPAD s’élèvent en moyenne à 2 892 euros mensuels, alors que le montant des retraites se situe en moyenne autour de 1 100 euros par mois. Et je ne parle pas des plus de 800 000 retraités qui vivent aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté dans notre pays, ni du fait que plus de 10 % des retraités, dont une majorité de femmes seules, perçoivent une pension inférieure à 600 euros par mois.
L’avancée en âge n’efface évidemment pas les inégalités sociales, au contraire. Or ce sujet est le grand absent du texte que vous proposez. Nous ne saurions évidemment faire l’impasse sur un tel sujet.
Le Gouvernement a, hélas !, choisi de repousser sine die l’indispensable réforme sur le reste à charge, au prétexte qu’elle coûterait 1,5 milliard d’euros. Je ne veux pas polémiquer, mais vous me permettrez de considérer que ce n’est pas grand-chose au regard des milliards d’exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises et de la mise en place sans contreparties du crédit d’impôt compétitivité emploi et du pacte de responsabilité – et j’en passe.
Le travail en commission a permis de faire évoluer le texte, notamment en améliorant le sort des travailleurs immigrés âgés. Nous nous en félicitons, mais nous vous proposerons d’aller encore plus loin en la matière.
De même, nous formulerons des propositions sur l’encadrement du reste à charge, visant à réduire l’iniquité et l’opacité actuelles, ainsi que sur le droit au répit, de manière à le rendre plus efficient.
Nous proposerons également de renforcer le secteur de l’aide à la personne, qui est actuellement en grande difficulté, ce qui engendre une forte insécurité pour les salariés, ainsi que des insatisfactions pour les usagers et leurs familles. L’excellent rapport de Dominique Watrin contient sur ce point des propositions très intéressantes, qui mériteraient d’être intégrées à la loi.
Enfin, concernant le contentieux des aides sociales, que vous envisagez de confier aux tribunaux administratifs, l’expérience du RSA nous montre que ce n’est pas une bonne idée. Nous proposons d’accroître au contraire les moyens des juridictions sociales de manière à les rendre plus accessibles aux justiciables : cela reste le vecteur le plus adapté.
Dans l’ensemble, mes chers collègues, il s’agit d’un texte positif, mais notre position définitive à son égard dépendra des améliorations qui y seront apportées. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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Jacqueline
Fraysse

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