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2ème lect. Pt séparation et régulation des activités bancaires

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, la Commission européenne a lancé le 17 mai dernier une consultation sur la réforme structurelle du secteur bancaire européen qui s’achèvera le 3 juillet prochain. Cette consultation porte sur les éléments essentiels de la réforme envisagée : le champ d’action des banques, leur séparation et les modalités d’une éventuelle intervention des institutions publiques. Si la Commission a lancé cette consultation – je ne néglige nullement l’action de la France en ce domaine –, c’est que bâtir une union bancaire ne suffit pas, encore faut-il assainir les structures d’un système sérieusement ébranlé par la crise du système libéral, d’un capitalisme financier sans foi ni loi qui détruit les hommes et des territoires.
La crise actuelle a en effet amplement démontré que les activités de marché sont de véritables bombes à retardement et qu’il importe en particulier de réduire les garanties implicites accordées par les gouvernements et de diminuer le risque pour les États et les contribuables, et ainsi de rendre moins probables des prises de risque excessives dans les banques car les peuples n’en peuvent plus de payer pour elles.
La réforme qui nous est proposée et dont nous entamons ce soir la deuxième lecture, même si elle représente un pas essentiel et nécessaire, ne le fait pas de façon assez « ferme », comme dirait M. Carpentier.
En ce qui concerne la séparation des activités bancaires, les évolutions proposées sont en effet extrêmement limitées puisque l’essentiel des activités de marché n’a pas été distinguée et que, de ce fait, la part du produit net bancaire qui sera cantonnée dans les nouvelles filiales sera extrêmement réduite. Même si nous avons confiance en vous, monsieur le ministre, nous pensons qu’il serait plus efficace de préciser ce qui entre dans la structure de cantonnement. Nous demeurons convaincus que si la séparation des activités bancaires n’est pas une fin en soi, elle est un préalable indispensable à une nouvelle organisation du secteur financier, et que cette réorganisation est une nécessité. Sur les 8 000 milliards d’euros du total de bilan des banques françaises, moins du quart sert à financer les entreprises – 10 % – et les ménages – 12 %. Un tel constat suffit à souligner que dans les banques universelles, les activités liées à l’économie réelle ne sont qu’un prétexte pour financer les activités de marché, et non l’inverse.
Les banques prétendent avoir besoin de l’accès aux marchés financiers pour financer l’activité économique, mais en oubliant complètement la politique monétaire et les possibilités de création monétaire. Nous avons d’ailleurs en France deux exemples de banques qui jouent très peu sur les marchés et exercent pourtant convenablement leur métier de banque de détail : le Crédit Mutuel et la Banque Postale.
Les banques françaises n’ont cessé d’affirmer qu’elles sont solides, que le modèle de banque universelle est le meilleur et qu’elles n’ont rien coûté au contribuable… Tout cela est faux ! Nombre d’économistes lors des auditions ont rappelé que parmi les huit banques dont le risque de défaut est le plus grand, quatre sont françaises. Or si la plus grosse des banques américaines représente moins de 20 % du PIB américain, chez nous, BNP Paribas, c’est 100 % du PIB français et 750 milliards d’euros de dérivés de crédits en déconnexion avec l’économie réelle.
Les dirigeants des banques menacent aujourd’hui les États en disant : « Si nous mourons, vous mourrez avec nous. »
M. Jean-François Lamour. Eh oui !
M. Nicolas Sansu. C’est une menace malheureusement crédible. Nous y voyons une raison supplémentaire de scinder d’urgence les banques, et c’est l’une des principales et des plus graves divergences d’appréciation que nous ayons avec vous, monsieur le ministre, et nous aurions aimé pouvoir vous convaincre. Mais manifestement mieux aurait valu, entre le sécateur et le coupe-ongles, une paire de ciseaux mieux aiguisés.
L’autre point de désaccord porte sur le mécanisme de résolution des crises bancaires. Le texte prévoit en effet la fusion du fonds de garantie des dépôts avec le fonds de résolution des défaillances bancaires. Cela veut dire qu’en cas de problème, la nouvelle autorité de contrôle prudentiel pourra puiser dans ce panier pour redonner de la solvabilité à une banque ou à un fonds spéculatifs, mais qu’au coup d’après, il ne restera rien dans les caisses pour garantir les dépôts en deçà de 100 000 euros. En d’autres termes, avec cette fusion, l’épargne des Français modestes sera moins sécurisée. Cette situation est d’autant plus choquante que nous savons que les banques bénéficient de la garantie de l’État destinée à préserver les dépôts des épargnants et que, grâce à cette garantie, elles peuvent emprunter sur les marchés à des taux très faibles et financer l’économie réelle à des taux plus élevés. Elles disposent ainsi d’une rente de quelque 48 milliards d’euros, une forme de subvention qui représente 6 milliards d’euros pour BNP Paribas, 12 milliards pour le Crédit Agricole, 5 milliards pour la Société Générale et 24 milliards pour le groupe BPCE Natixis ; ces montants sont à mettre en regard des 18 milliards d’euros de profits réalisés en moyenne chaque année par ces mêmes établissements et des 11 milliards d’euros d’impôts acquittés au total par les banques françaises. Pourquoi les profits de cette rente devraient être distribués aux actionnaires et les pertes assumées par les contribuables ? Une telle situation est inacceptable.
Les députés du Front de gauche auraient apprécié que le Gouvernement et l’ensemble des forces de gauche fassent preuve de la même volonté en matière de séparation des activités bancaires qu’en matière de lutte contre les paradis fiscaux. Nous saluons le changement concret en ce domaine, un changement qui fait honneur à la gauche, mais surtout qui fait honneur à la France. Les avancées obtenues en matière de lutte contre les paradis fiscaux sont majeures, et cette deuxième lecture devrait nous offrir l’occasion d’aller plus loin encore en obligeant notamment les grandes multinationales – pas seulement les banques – à publier, pays par pays, y compris dans les paradis fiscaux, leur chiffre d’affaires, leurs effectifs et le montant des impôts versés, et en mettant en place un échange automatique de données sur les contribuables, les banques françaises devant ainsi transmettre à l’administration fiscale française des informations sur les revenus et les actifs des contribuables étrangers en France. Ce sont là des progrès décisifs.
Nous savons tous en effet combien la lutte contre les paradis fiscaux et l’évasion fiscale sont des objectifs prioritaires : le manque à gagner pour les finances publiques se chiffre entre 60 milliards et 70 milliards d’euros. Près de la moitié de cette évasion est organisée par les banques : en 2009, les banques françaises disposaient de 460 filiales dans les paradis fiscaux, La BNP en possède 189 à elle seule ; la moitié des profits de la Société Générale dans le monde est localisée au Luxembourg.
Mais au-delà des recettes supplémentaires, c’est une question de respect de nos principes républicains, ceux qui fondent le consentement à l’impôt et donc le patrimoine commun. Contrairement à ce qu’ont affirmé les dirigeants des principales banques, en avril 2012, devant la commission d’enquête sénatoriale sur l’évasion fiscale, les banques françaises sont très loin d’être exemplaires ! Les fichiers Offshore Leaks ont permis de mettre en évidence que celles-ci contribuent activement à l’opacité financière internationale en supervisant la création de très nombreuses sociétés offshore. Aussi, la transparence ne saurait être qu’une étape dans la voie de la fermeture des filiales dans les paradis fiscaux, sous menace de retrait de la licence bancaire.
Nous nous réjouissons également de la transposition en droit français du plafonnement des bonus des banquiers, adopté à la mi-avril par le Parlement européen. Cette mesure, qui prévoit que leur rémunération variable ne pourra pas excéder le montant de leur rémunération fixe – le double du fixe si les actionnaires en sont d’accord –, est un premier pas.
Quand on sait que, depuis la crise, le PDG de la Société Générale a doublé ses revenus, qui atteignent désormais 2,5 millions d’euros, que le directeur général de la BNP a perçu 2,9 millions en 2012, dont 1,7 million de part variable, on comprend qu’il s’agisse d’une mesure d’assainissement indispensable. À titre de comparaison, rappelons que, tandis que le président de la BNP s’augmentait de 42 % il y a un an, les 20 000 techniciens ont été augmentés en moyenne de 2,8 % – la Société Générale ayant, quant à elle, récemment annoncé la suppression d’un millier de postes cette année, dont la moitié en France.
Concernant, enfin, la question des droits des usagers vis-à-vis de leurs banques, quelques avancées ont été introduites par le débat parlementaire, mais des obstacles demeurent sur la voie du rééquilibrage des rapports entre usagers et banquiers. Avant même la discussion du projet de loi sur la consommation, nous souhaiterions que la deuxième lecture de ce projet de loi soit l’occasion, d’une part, de résoudre les difficultés soulevées par la question de l’assurance emprunteur et, d’autre part, de permettre au client de pouvoir changer d’assureur tout au long de la durée de son crédit sans que le banquier soit en droit de le refuser.
Nous avons déposé, avec d’autres collègues, des amendements visant notamment à renforcer la lutte contre la spéculation, à filialiser l’intégralité des activités de prêt aux hedge funds, et à interdire les activités spéculatives menées sur les marchés de matières premières agricoles pour le compte de clients – même si, là encore, des avancées ont été enregistrées au Sénat.
Grâce, notamment, à l’esprit d’écoute dont ont su faire preuve le Gouvernement et Mme la rapporteure – une attitude que je tiens à saluer – le texte qui nous est proposé comporte, à ce stade de la discussion, des améliorations notables pour assurer une meilleure régulation des activités bancaires. Il n’en reste pas moins que, sur la séparation et la résolution, les députés du Front de gauche restent insatisfaits des solutions retenues. Nous adopterons cependant les avancées présentées dans le cadre de la discussion des articles.

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Nicolas
Sansu

Député de Cher (2ème circonscription)

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