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CMP - création des emplois d’avenir

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de ce projet de loi portant création des emplois d’avenir. Les députés du groupe GDR se félicitent que le débat ait permis des avancées concernant la pérennisation de ces emplois, l’accompagnement et la formation des jeunes concernés. Je veux en remercier les rapporteurs, les ministres, et souligner que le débat a été particulièrement riche, sur tous les bancs de l’Assemblée.
Ces avancées répondent en partie aux préoccupations exprimées par les représentants des associations de jeunesse et des syndicats. Ils ne se satisfaisaient pas d’un souffle trop temporaire ou d’un contrat ne permettant pas un projet de vie. Ces jeunes en grande difficulté ont en effet besoin d’être accompagnés, et ils ont besoin de durée pour pouvoir se construire dans le travail.
L’article 1er précise désormais que l’aide est également attribuée au vu des engagements de l’employeur sur les possibilités de pérennisation et instaure une priorité d’embauche durant un délai d’un an. Ces dispositions devraient limiter les effets d’aubaine et les abus et encourager à signer ces contrats sur des postes innovants non occupés précédemment.
Mais soyons lucides : la pérennisation de ces emplois exigera de dégager des moyens nouveaux pour les collectivités locales et les associations. Les premières voient le montant de leur dotation de fonctionnement gelé depuis des années et sont trop souvent, à tort, montrées du doigt comme dépensières, alors qu’elles montrent leur capacité à répondre aux aspirations de plus en plus larges et diverses des populations. Les secondes, les associations, qui ont vu leurs subventions diminuer toutes ces dernières années, ont dû se séparer de 22 000 emplois associatifs en 2011. Elles réclament, par la voix de la Conférence permanente des coordinations associatives, des moyens pour créer de l’emploi durable et de qualité. L’examen du budget permettra, je l’espère, de répondre aux attentes des élus et des bénévoles. C’est la condition pour que ces emplois d’avenir en aient vraiment un…
Pérennisation et formation : le projet de loi s’adresse, à son article 1er, à des jeunes sans qualification ou peu qualifiés, dont certains connaissent une très grande précarité sociale. Sans un réel effort d’accompagnement et de formation, l’emploi d’avenir aurait pu se transformer en une expérience amère et contreproductive pour le jeune dans son rapport au travail. Les améliorations apportées au cours du débat concernant les conditions d’encadrement, de tutorat, de qualification et de valorisation des compétences devraient permettre, si les employeurs font preuve de responsabilité, d’enclencher une logique constructive pour le jeune dans son rapport au travail et son projet de vie.
Je regrette toutefois que nous soyons restés au milieu du gué concernant le temps de formation, qui ne sera que prioritairement réalisé sur le temps de travail. De même, ce projet aurait pu être plus incitatif sur la nature des contrats. Il suffisait, comme le demandaient les associations de jeunesse, de moduler l’aide de l’État en faveur du contrat à durée indéterminée. J’espère que les contrats de génération à venir seront, eux, garants d’une sécurisation de l’emploi et de la formation pour les jeunes, une sécurisation source d’innovation, de savoir-faire et donc de développement économique et de progrès sociaux.
Quelques remarques sur les emplois d’avenir professeur. Je veux tout d’abord exprimer à nouveau une préoccupation. L’embauche par les établissements publics locaux d’enseignement pose le problème de l’égalité de traitement, mais aussi celui de l’accès pour les jeunes à d’autres territoires que ceux des zones urbaines sensibles ou ceux relevant de l’éducation prioritaire dont ils sont issus. Une nouvelle fois, je voudrais alerter sur le sentiment qu’ont beaucoup de jeunes d’être enfermés dans un territoire et de n’avoir jamais la possibilité d’en sortir pour étudier ou exercer un métier ailleurs.
J’aurais également souhaité que le recrutement et l’affectation des futurs professeurs concernés par ce dispositif relèvent des autorités compétentes de l’éducation nationale. Il était également nécessaire de rappeler que, si le principe des emplois d’avenir professeur reconnaît enfin la nécessité de démocratiser l’accès des métiers de l’enseignement aux jeunes issus des classes populaires et défavorisées, ce contrat d’accompagnement par l’emploi est encore loin d’un système de pré-recrutement. Les syndicats s’accordent à dire que la réponse réside dans un véritable pré-recrutement dans le cadre de l’éducation nationale, préservant des inégalités de territoires ou de moyens, et permettant une véritable démocratisation du recrutement des enseignants. Ce pré-recrutement implique de mettre en place des contrats de droit public, avec un statut d’élève-professeur garantissant des conditions d’encadrement et de formation pour réussir le master et le concours. J’espère vivement que la prochaine loi d’orientation, actuellement à l’étude, répondra à cette exigence. J’espère également qu’elle mettra en œuvre l’allocation d’autonomie pour les étudiants, afin de permettre à chacun, quelle que soit sa situation sociale et territoriale, de poursuivre ses études.
Monsieur le ministre délégué, chers collègues, ce projet de loi nous a été présenté en urgence. Il est en effet urgent de se pencher sur la situation des jeunes, pas seulement pour leur répéter une énième fois qu’ils sont l’avenir de la France, mais bien pour rendre effectifs ici et maintenant leurs droits à l’éducation, à la santé, au logement, à un travail qualifié et stable. Leur situation est aujourd’hui insupportable : le taux de chômage dépasse les 23 %, voire les 30 % dans des villes populaires telles que La Courneuve. Derrière ces chiffres, il y a aussi des licenciements silencieux. Je pense à une grande entreprise comme PSA ; on parle beaucoup aujourd’hui des licenciements dans ce groupe, de la fermeture du site d’Aulnay, mais, dans le silence, avant tout cela, 500 jeunes en intérim ont perdu leur emploi.
Oui, c’est insupportable, d’autant qu’aux difficultés particulières d’accès à l’emploi s’ajoutent bien d’autres discriminations, y compris des discriminations territoriales qui enferment des jeunes de familles populaires dans un vocable « jeunes des quartiers ». Ces jeunes réclament des actions concrètes, des politiques soutenues, qui leur permettent de sortir durablement d’un quotidien rongé par la précarité et bridé par les obstacles quotidiens. Beaucoup ont la volonté de sortir de cette situation ; ils demandent juste qu’on leur ouvre les portes. Les problèmes de la jeunesse ne sont pas des maladies que l’on peut soigner à doses homéopathiques ; un jeune est avant tout un citoyen qui doit bénéficier de tous les droits que garantir notre République afin de se construire et d’être acteur dans notre société.
Nous avons donc besoin d’une grande loi-cadre rendant ces droits effectifs. Les associations de jeunesse ont travaillé sur une proposition de loi qui peut initier ce travail. C’est un vaste et ambitieux chantier qui pourrait s’ouvrir à nous.
Monsieur le ministre délégué, le groupe GDR votera ce projet de loi, mais avec une double détermination : celle de suivre avec vigilance la mise en place des processus de formation et de pérennisation de ces emplois d’avenir, et surtout celle d’agir pour le retour au contrat à durée indéterminée, à la reconnaissance du diplôme comme la norme et non plus comme l’exception pour l’entrée des jeunes dans le travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et RRDP.)

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Marie-George
Buffet

Députée de Seine-Saint-Denis (4ème circonscription)

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