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CMP - Interdiction de la fracturation hydraulique

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard. Mme Martine Billard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, il était question, dans le texte initial de cette proposition de loi du groupe UMP, d’interdire l’exploitation des gaz et huiles de schiste et d’abroger les permis d’exploitation déjà attribués. Les huit semaines de débat dont le texte a fait l’objet au cours de la navette parlementaire ont abouti, je le maintiens, à un recul de la majorité. Nous sommes passés d’une interdiction d’exploitation des hydrocarbures non conventionnels à l’interdiction de la fracturation hydraulique. En outre, le texte de la CMP, s’il interdit cette fracturation dans l’article 1er, l’autorise à l’article 1er bis et à l’article 4. Ainsi, à l’alinéa 3 de l’article 1er bis, il est prévu que la commission nationale d’orientation « émet un avis public sur les conditions de mise en œuvre des expérimentations, réalisées à seules fins de recherche scientifique ».
M. Michel Havard, rapporteur. C’est un avis !
Mme Martine Billard. Pour qu’elle émette un avis, il faut bien que les expérimentations aient lieu !
M. Michel Havard, rapporteur. C’est exactement l’inverse !
Mme Martine Billard. Vos collègues sénateurs de l’UMP ont clairement indiqué, en commission mixte paritaire, qu’en prévoyant des expérimentations, on ne refermait pas totalement la porte et que la procédure d’autorisation n’avait pas pour objectif d’empêcher quiconque d’expérimenter. Personne, dans les rangs de la majorité, n’a critiqué ces déclarations.
M. Michel Havard, rapporteur. Il y a eu un vote !
Mme Martine Billard. Le texte tel qu’il ressort de la CMP autorise les expérimentations en vue de la poursuite de l’exploration et de l’exploitation des gaz de schiste.
M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable. C’est totalement faux ! Cela a été supprimé par amendement !
Mme Martine Billard. Je le répète, nous avons vécu la même situation avec l’autorisation des essais en plein champ pour les OGM, qui aurait abouti à une expansion de ces cultures en l’absence de mobilisations citoyennes.
Vous avez argué qu’il ne fallait pas agir dans la précipitation. Mais nous disposons à présent du rapport de la mission parlementaire menée par nos collègues François-Michel Gonnot et Philippe Martin. Ses conclusions sont très claires et viennent confirmer les inquiétudes exprimées par les citoyens comme par les élus, compte tenu de l’importance des nuisances et des pollutions introduites par ce type d’exploration.
Au-delà de l’impact sur l’environnement, le débat porte aussi sur l’utilité d’exploiter les gaz de schiste. Nous disons clairement qu’il n’y a aucun intérêt à le faire, compte tenu des obligations que nous nous sommes fixées en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre : une division par quatre, d’ici à 2050, en France, une réduction de 50 % à l’échelle de la planète. Il est donc absurde, dans ces conditions, de se lancer tête baissée dans une exploitation toujours plus intense des énergies fossiles, précisément responsables du réchauffement climatiques.
À cet égard, il est significatif qu’aux États-Unis toutes les recherches sur les énergies renouvelables et leur développement aient été arrêtées du fait de l’importance prise par l’exploitation des gaz de schiste et de la manne qu’elle représente pour les industries pétrolières. Il serait particulièrement absurde que la France se retrouve dans la même situation, alors que nous accusons déjà un énorme retard du fait du diktat imposé par l’industrie nucléaire, qui absorbe des milliards de financement et ne laisse que quelques millions aux énergies non conventionnelles.
Les conséquences pourraient être dramatiques pour le développement industriel des énergies renouvelables, qui subissent déjà un énorme retard. Les tentatives de développer industriellement la production d’énergies renouvelables – photovoltaïque, éolienne ou autre – sont étouffées. Nous l’avons encore constaté avec le budget pour 2011 qui a réduit les subventions qui leur étaient destinées. Ce faisant, nous aggravons notre retard par rapport à l’Allemagne.
Vous nous proposez de continuer dans cette voie, si bien que nous serons confrontés d’un côté à l’absurdité du nucléaire et, de l’autre, à l’absurdité des gaz de schiste. Les émissions de gaz à effet de serre continueront de se développer, l’industrie liée aux énergies renouvelables reculera et les possibilités de création d’emplois qu’elle porte, bien plus importantes que dans le nucléaire ou l’exploitation des gaz de schiste, en seront affectées.
Chercher à exploiter jusqu’à la dernière goutte de pétrole sur notre planète ne fait que repousser les échéances inéluctables auxquelles nous sommes confrontés et risque de provoquer, voire d’amplifier l’emballement du réchauffement climatique, le portant à un point où nous ne saurons plus le maîtriser. Les derniers rapports indiquent que nous avons déjà dépassé une augmentation de deux degrés à l’échelle de la planète et que nous allons vers les quatre degrés d’augmentation.
Continuer dans cette voie est totalement irresponsable. Il faut consacrer tous nos efforts d’investissement aux économies d’énergie, à l’efficacité énergétique, au développement de l’ensemble des énergies renouvelables au lieu de s’accrocher à un modèle qui appartient au passé.
Finalement, toutes les rodomontades de l’UMP ont fait « pschitt ». Nous voici face à une opération politicienne qui consiste uniquement à repousser les décisions après les échéances de 2012.
M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !
Mme Martine Billard. Nous sommes toutefois confiants : les électeurs sauront faire le tri entre ceux qui défendent leurs convictions et ceux qui font semblant.
M. Michel Havard, rapporteur. C’est sûr !
Mme Martine Billard. Les députés du Front de gauche voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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Martine
Billard

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