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CMP - Pt création de la banque populaire d’investissement

Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe GDR.
M. Gaby Charroux. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons au terme de la discussion d’un projet de loi qui fait très largement consensus sur l’objectif poursuivi, la mise en œuvre d’un nouvel outil public de financement des entreprises.
Nous voterons sans hésitation en faveur de ce projet de loi, car la création de la Banque publique d’investissement peut être l’un des instruments du redressement productif et du sauvetage de notre industrie.
Nous sommes sans doute encore loin de la mise en réseau des établissements financiers publics et semi-publics, avec une déclinaison territoriale, que nous appelons de nos vœux, mise en réseau qui nous donnerait les moyens de maîtriser le crédit bancaire et de le réorienter pour imposer le respect de critères sociaux et environnementaux tels que le développement et la sécurisation de l’emploi, le développement de la formation et de la recherche, le financement de la transition écologique.
Nous ne pouvons que constater qu’en l’état, BPI France n’est pas à la hauteur des enjeux en matière de financement et de développement des filières industrielles.
Interrogé par Les Échos, lundi dernier, sur la question de savoir de quels moyens la banque disposera véritablement en plus des 20 milliards d’actifs qui lui sont apportés et des quelque 20 milliards d’euros d’encours de prêts d’Oséo, Nicolas Dufourcq explique simplement que les ressources de BPI France « seront les dividendes issus de ses fonds propres, le produit des cessions d’actifs qui pourront être réalisées, les 3,6 milliards d’euros de fonds propres que l’État et la Caisse des dépôts se sont engagés à libérer, et enfin naturellement ses profits. » Il ajoute : « Concrètement, en 2013, la création de la BPI se traduira par une enveloppe d’un milliard d’euros supplémentaires à la disposition des entreprises : 500 millions pour les prêts et 500 millions pour les investissements en fonds propres. »
Cela représente certes une progression sur un an de 10 % des investissements et de 15 % des crédits, ce qui est loin d’être négligeable, mais cela paraît néanmoins peu au regard des besoins et des montants mobilisés par l’homologue allemande de la BPI, qui en a inspiré la création, la fameuse KFW. Cet acteur majeur en Allemagne dispose d’une force de frappe proche de 500 milliards d’euros.
Ce qui fait aujourd’hui la force de l’établissement allemand et lui permet d’assurer des missions qui vont de la trésorerie des PME à la coopération internationale, d’être largement bénéficiaire et de présenter un bilan plus que flatteur, c’est son recours à la création monétaire.
C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons défendu tout au long de ce débat l’idée selon laquelle la BPI devrait jouir, selon nous, du statut d’établissement public de crédit et disposer ainsi de la possibilité de se refinancer auprès de la BCE. Cela lui permettrait de contourner l’écueil d’un recours systématique aux marchés financiers, avec le risque que ses opérations soient conditionnées par la rentabilité financière.
Nous sommes convaincus que le recours à la création monétaire permettrait également à la BPI de jouer pleinement le rôle contracyclique déjà dévolu aux acteurs existants du financement public appelés à être réunis sous l’enseigne BPI. C’est toujours afin qu’elle puisse exercer ce rôle contracyclique que nous avons proposé que la BPI puisse réaliser des prêts aux entreprises sur fonds d’épargne, à l’image de ceux dont bénéficient le logement social ou la rénovation urbaine.
Depuis la modification des règles de centralisation de l’épargne réglementée, les banques commerciales sont autorisées à détenir 35 % des dépôts collectés au titre du livret A et du livret de développement durable, soit près de 120 milliards d’euros. Or les banques n’ont fourni à ce jour aucun élément permettant de conclure au respect de leurs obligations en matière de financement des petites et moyennes entreprises.
L’un des grands enjeux du débat que nous aurons dans quelques semaines sur la séparation des activités bancaires tient précisément à la question de savoir si les banques sont suffisamment centrées sur leur cœur de métier, qui consiste à accorder des crédits aux PME et aux particuliers.
Depuis la crise, les départements crédit des banques destinés aux PME et aux particuliers ne se financent que grâce aux dépôts. Le fantasme qui a hypnotisé tant de personnes depuis les années 1980, selon lequel la titrisation permettrait de financer toute l’économie par les marchés, a, semble-t-il, vécu. Une grande partie des problèmes que nous rencontrons depuis 2007 tient à l’effondrement du marché de la titrisation et au refus des banques de renoncer aux profits juteux qu’elles en tiraient et à ceux qu’elles continuent de tirer de leurs activités spéculatives.
Les banques prêtent peu, même aux grands groupes : 7 % des opérations de marchés en zone euro ont une contrepartie réelle. Tout le reste, 93 %, représente des activités de trading entre banques et fonds spéculatifs.
Le débat qui s’achève et celui sur la réforme bancaire sont étroitement liés. C’est le contexte que je viens de décrire qui rend en effet nécessaire la création d’un instrument tel que la Banque publique d’investissement.
Ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que, pour utile qu’il soit, cet instrument ne permettra de répondre que partiellement aux attentes de crédit à l’économie, qui se chiffrent en centaines de milliards d’euros. La pire chose qui pourrait advenir à cette nouvelle institution serait de n’être au final qu’une couche supplémentaire du millefeuille des aides existantes.
La crise et la contraction de l’accès au crédit bancaire ont, nous le savons, poussé les Régions ces dernières années à voler au secours des PME, et c’est tant mieux. Qui pourrait leur en faire grief ? Il reste que, selon l’Association des Régions de France, il existe à ce jour plus de 300 dispositifs régionaux de financement, qui couvrent le spectre des prêts, des garanties et des apports en fonds propres et qui, pour un grand nombre d’entre eux, mériteraient d’être correctement évalués.
Si nous formulons cette remarque, c’est que nous nous interrogeons sur la pertinence du renforcement du rôle des Régions dans la gouvernance de la BPI. Nous souhaitons pour notre part, ainsi que nous l’indiquions en première lecture, que la BPI reste un établissement national et non une juxtaposition d’établissements régionaux. C’est la force de l’État qui doit prévaloir en la matière, et, même s’ils ne sont pas nécessairement contradictoires, priorité doit être accordée à l’intérêt général et national sur les intérêts locaux.
Puisque nous évoquons la question de la gouvernance, nous exprimons également le regret que la composition du conseil d’administration de ce nouveau groupe, dont l’État et la Caisse des dépôts et consignations seront actionnaires à parité, comporte au final deux fois moins de représentants des salariés que le conseil d’administration d’Oséo, auquel il succède.
Pour conclure, la BPI ne sera certes pas la panacée pour répondre aux besoins de financement de nos PME et TPE. Elle est en revanche l’amorce de la reconstitution d’un secteur public financier, dont le développement est indispensable si nous souhaitons desserrer l’étau de la finance.
Aussi, parce que la BPI peut être l’instrument d’une nouvelle ambition pour le redressement productif que les députés du Front de gauche soutiennent et voteront le présent projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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Gaby
Charroux

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