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Contrôle parental de l’accès à internet

La crise du covid n’a fait que mettre en lumière – mais elle les a affichés en grand – les dégâts liés à l’abus de l’usage d’écrans constatés chez les enfants. Ce phénomène n’est pas nouveau : en 2017, une enquête Ipsos notait que les 13-19 ans passaient en moyenne 15 heures 11 minutes par semaine sur internet. Pour les 7-12 ans, ce temps d’écran hebdomadaire était en moyenne de 6 heures 10, et pour les 1-6 ans de 4 heures 37, en augmentation aussi depuis 2015. À 12 ans, d’autres l’ont dit, un tiers d’entre eux auraient déjà été exposés à un contenu pornographique.
Les dommages chez les enfants sont maintenant connus : développement des troubles primaires du langage, frein au développement cérébral de l’enfant, impact sur la qualité du sommeil. Pire encore, l’augmentation du temps d’écran électronique a été associée à des problèmes de santé mentale plus graves chez les enfants par rapport à ceux ayant des niveaux de temps d’écran inférieurs pendant la pandémie de covid-19. Un lien a donc été fait entre temps d’exposition aux écrans et santé mentale des enfants. Ces maux peuvent être atténués grâce à un contrôle parental proportionnel et mesuré des contenus consultés par l’enfant. Mais ce n’est évidemment pas la seule voie. Je crois véritablement qu’il nous faut non seulement aider les parents à l’éducation aux médias, mais aussi, de manière plus large, devenir une société qui apprend à éduquer aux médias.
Je suis donc favorable à l’article 1er, qui vise à mettre en œuvre une obligation pour les fabricants d’installer un système de contrôle parental et d’en proposer l’activation dès la première mise en service de l’appareil. Je réaffirme que nous partageons l’idée de ne pas rendre le contrôle parental automatique : cela aurait constitué pour nous une ligne rouge qui nous aurait certainement fait basculer. Cela porterait atteinte à la neutralité du Net. Le contrôle parental, comme tout autre logiciel de filtrage, ne déroge pas à la règle d’un contrôle complet de l’utilisateur qui doit garder la liberté de pouvoir l’activer ou le désactiver. C’est ce que vous faites dans cet article.
J’évoquerai maintenant les manques de ce texte, non pour les pointer car je sais que vous êtes engagé sur ce sujet, monsieur le rapporteur, mais plutôt pour énoncer ce que nous aurons encore collectivement à produire par la suite, puisque nous n’avons pas encore abordé l’utilisation de certaines fonctionnalités du contrôle parental qui peuvent être intrusives. La recommandation de la CNIL du 9 juin 2021 rappelle que certaines fonctionnalités assez intrusives tendent à transformer le contrôle parental en une forme de surveillance qui comporte le risque d’altérer la relation de confiance entre les parents et le mineur. C’est crucial si nous voulons véritablement basculer dans une société d’éducation aux médias et à internet.
Cette forme de surveillance risque aussi d’entraver le processus d’autonomisation du mineur ou, pire encore, de l’habituer à être sous surveillance constante, l’invitant par là même à reproduire certaines pratiques dignes d’un monde orwellien. Ce rapport invite de ce fait à prioriser l’usage de dispositifs de contrôle respectant un principe de proportionnalité, un principe de transparence à l’égard de l’enfant, et un principe de sécurité des données du mineur afin de s’assurer que des tiers n’aient pas accès à des informations sur le mineur.
Il nous faudrait également avancer sur la protection des données des enfants. Selon de nombreux chercheurs, une majorité des dispositifs de contrôle parental partagent des informations personnelles à des tiers, en plus d’être vulnérables aux attaques informatiques. Certaines de ces applications transmettent volontairement des données à des tiers inconnus de l’utilisateur à des fins de marketing et de monétisation. Cela nourrit le ciblage publicitaire des enfants. Au cours des dix dernières années, à l’échelle mondiale les dépenses de publicité digitale visant les enfants ont été multipliées par dix. Ce matraquage aggrave les dégâts liés à une exposition trop importante aux écrans, ainsi que l’hyperconsommation. Face à cette question, notre pays louvoie encore trop ; aucune mesure efficace n’est adoptée pour lutter contre ce phénomène, contrairement à ce qui se fait dans des pays voisins.
Nous considérons ces manques que sont les données personnelles des enfants, le matraquage publicitaire, l’éducation collective aux médias et à internet, comme des pistes de travail. Et cela ne nous empêchera pas évidemment de voter ce texte. (Mmes Muriel Ressiguier, Michèle Victory, Géraldine Bannier et M. le rapporteur applaudissent.)

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