Interventions

Discussions générales

Débat consacré à la restitution des travaux des commissions des finances et des affaires sociales sur le « printemps de l’évaluation »

Madame et monsieur les ministres délégués, c’est l’heure de l’avis du conseil de classe : vous allez devoir vous reprendre rapidement !

L’hôpital est en crise ; l’accès aux soins est difficile ; Sanofi ferme des unités de production ; on fait toujours autant appel aux aidants ; les progrès attendus en matière de droit à l’autonomie ne sont pas au rendez-vous ; le tiers payant n’avance pas ; les pénuries de médicaments se pérennisent ; la radiologie déserte les hôpitaux publics ; des entreprises financières déploient des centres de santé dentaires ou optiques à but lucratif dans tout le territoire ; la tarification à l’activité fait toujours des dégâts.

À chaque examen du budget de la sécurité sociale, vous arrivez avec l’intention d’en lâcher le moins possible : votre objectif suprême est de tenir la promesse faite à vous-mêmes, à la finance et à Bruxelles, de contenir le plus possible les dépenses sociales et les dépenses de santé. Dès lors, pouvons-nous encore affirmer, avec le code de la sécurité sociale : « L’État […] garantit l’accès effectif des assurés aux soins sur l’ensemble du territoire » ?

Ce budget a servi à organiser le sous-financement de la sécurité sociale, dont l’État est le tuteur et le curateur, avec la fiscalité comme instrument. À force d’à force, la sécu est devenue de moins en moins protectrice, non parce que son modèle est défaillant, mais parce que ses fondements ont été fragilisés. Dès lors, pouvons-nous encore affirmer, avec le code la sécurité sociale : « La protection contre le risque et les conséquences de la maladie est assurée à chacun, indépendamment de son âge et de son état de santé » ?

Pour cet oral de rattrapage, beaucoup de questions pourraient vous être posées. En juillet 2022, l’assurance maladie a publié un rapport intitulé « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses » – s ic . Note pour l’an prochain : maîtriser les recettes pourrait également s’avérer utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Ce rapport décrit une situation très préoccupante en matière de santé mentale, que la pandémie a aggravée, en particulier chez les jeunes. En 2020, le recours aux médicaments psychotropes a fortement augmenté et, en 2021, il en a été de même des traitements antidépresseurs, notamment pour des traitements initiaux, en particulier chez les plus jeunes. De manière surprenante, la conclusion du rapport concerne le développement de dispositifs de soins psychiques à bas coût et du numérique en santé.

Le dispositif MonParcoursPsy est manifestement un échec : il ne correspond pas aux besoins en soins psychiques et une large majorité des psychologues le critiquent sévèrement. Pendant ce temps, les files d’attente s’allongent aux portes des institutions publiques, des CMP, des CMPP – centres médico-psycho-pédagogiques – et des CAMSP – centres d’action médico-sociale précoce. Allez-vous en tirer les leçons et investir vraiment dans le service public ? Quand ?

Le taux de précarité des psychologues est très élevé. En début de carrière, leur indice majoré est celui d’une profession à bac +3 ; ils perçoivent alors 1 600 euros par mois, et 2 500 euros après vingt ans d’exercice. Quel plan de rattrapage des salaires, quel plan de déprécarisation, prévoyez-vous d’appliquer dans le secteur public pour les médecins, soignants, aides-soignants, personnels hospitaliers ?

En 2021, cinquante-huit start-up françaises du secteur de l’e-santé ont levé un total de 929,4 milliards d’euros, soit plus qu’au cours des deux années précédentes. Force est de constater que les moyens publics ont considérablement augmenté ces dernières années : ils se chiffrent en milliards.

Doctolib est un acteur privé puissant, qui s’est placé au carrefour de l’accès aux soins : cette situation vous semble-t-elle devoir perdurer ? Ramsay services propose une offre d’abonnement à 11,90 euros par mois « pour téléconsulter un médecin à chaque fois que vous en avez besoin, tous frais compris ». Faut-il laisser se développer ces offres d’abonnements illimités sur des « plateformes Netflix » de télémédecine ?

Pour terminer, je prends le risque de vous lister quelques questions flash : après avoir plafonné les tarifs des intérimaires dans le public, envisagez-vous un dispositif de plafonnement dans le secteur privé ?

Que prévoyez-vous pour développer une offre de soins palliatifs qui soit enfin à la hauteur des besoins ? Selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), deux tiers des personnes qui devraient en bénéficier en sont privées et vingt et un départements sont dépourvus d’un service dédié – je m’en tiendrai là.

Que prévoyez-vous pour soutenir le don du sang et pour permettre à l’Établissement français du sang (EFS) de se déployer et de collecter le plasma en quantité suffisante pour la fabrication des médicaments biologiques dont nous avons besoin ? Que faites-vous pour développer la production hospitalière de ceux-ci ?

N’aurions-nous pas besoin d’un pôle public du médicament ? Le constat est sans appel : la marchandisation de la santé et de la protection sociale gagne du terrain, sans que cela ne produise de droit à la santé pour toutes et tous, tout au long de la vie ; bien au contraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)

Imprimer cet article

Pierre
Dharreville

Député des Bouches-du-Rhône (13ème circonscription)

Thématiques :

Pouvoir d’achat Affaires économiques Lois Finances Développement durable Affaires sociales Défense nationale Affaires étrangères Voir toutes les thématiques