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Débat d’orientation sur les finances publiques

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux.
M. Gaby Charroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, avant même la publication la semaine dernière du rapport de la Cour des comptes, nous étions tous au fait de la situation dans laquelle se trouvent notre économie et nos finances publiques.
Je ne reviendrai pas sur le bilan de la gestion de la précédente majorité, tant les chiffres parlent d’eux-mêmes : une croissance atone, de 0,3 % en 2012, un taux de chômage atteignant 10 % de la population active et touchant plus particulièrement les jeunes et les seniors, une balance commerciale déficitaire de 70 milliards, une dette publique qui a crû de 40 % en cinq ans…
Il n’est pas inutile en revanche de reprendre quelques-unes des préconisations de la Cour des comptes, qui éclaireront d’autant mieux notre débat que le Premier ministre a souligné qu’elles « valident les mesures et orientations que le Gouvernement s’apprête à présenter au Parlement ».
Le message le plus important adressé la semaine dernière par le Premier président de la juridiction financière portait précisément sur 2 013. Pour ramener le déficit public à 3 %, il est « impératif », soulignait-il, d’imposer un plan de redressement de 33 milliards avec une croissance de 1 %. Il faut comparer ces 33 milliards par exemple aux dizaines de milliards escamotés par l’évasion fiscale ou encore aux 50 milliards d’intérêts de la dette que nous payons chaque année,...
M. Marc Dolez. Très bien !
M. Gaby Charroux. …sans compter les 5 milliards que la France va devoir rembourser à la suite d’un contentieux européen sur une affaire fiscale ancienne.
Pour mener à bien ce plan de redressement, la Cour des comptes ne préconise rien de moins que le gel de la masse salariale des administrations publiques, la désindexation des retraites et des allocations familiales ou encore la remise en cause de très nombreux projets d’investissements publics : des mesures parfaitement en ligne avec les exigences de Bruxelles.
Le Gouvernement a certes pris ses distances avec quelques-unes de ces recommandations. Alors que la Cour juge « difficilement évitable » l’an prochain une hausse de la TVA et de la CSG, celle-ci ne figure pas dans votre programme. Nous nous en réjouissons.
M. Marc Dolez. Pour l’instant !
M. Gaby Charroux. Mais pour le reste, force est malheureusement de constater que vos orientations budgétaires valident l’objectif d’une réduction du déficit public à 3 %, objectif difficilement tenable selon nous, sauf à appliquer une politique de rigueur qui nous conduirait inexorablement à la récession.
Il nous sera probablement expliqué que le respect de nos engagements et du pacte de stabilité monétaire sont indispensables pour assurer la cohésion d’une zone euro plongée dans la tourmente. Rappelons simplement que cela fait des années que l’on nous assure que le pacte de stabilité est la condition sine qua non du redressement économique. Avant la crise, on nous expliquait qu’il permettrait de créer des millions d’emplois. Il s’est avéré contribuer à brider les investissements et les salaires, à maintenir un chômage de masse, à accroître les inégalités au sein de la zone euro, tant entre pays qu’entre citoyens, ou encore à freiner la croissance du continent. Comme le soulignait l’une de vos collègues il y a quelques mois, ce pacte a en réalité ouvert une des périodes les plus néfastes de l’économie européenne. Ses grands bénéficiaires ont été les puissances dominantes et le capitalisme financier.
Devons-nous aujourd’hui persister dans des choix qui ont conduit les économies européennes dans le mur, alors que la crise financière en a montré les limites et les dangers ? Faut-il que les États et les peuples continuent à faire les frais de cette situation, au risque d’inscrire dans la durée des reculs sociaux inacceptables qui ne profiteront in fine qu’aux détenteurs du capital et autres investisseurs financiers ?
C’est tout l’enjeu du changement promis par l’actuel chef de l’État. Nos concitoyens attendent de nous que nous mettions en place des instruments propres à éviter que les marchés imposent leur loi, en d’autres termes que nous nous appliquions, pour reprendre l’heureuse expression d’André Chassaigne, à « desserrer l’étau de la contrainte extérieure » en refusant la tutelle des marchés et le règne d’une concurrence débridée, synonyme de délocalisations massives et de recul des droits sociaux.
M. Marc Dolez. Très bien !
M. Gaby Charroux. Fière de ses règles disciplinaires, de ses traités et de ses pactes, consciencieusement occupée à donner satisfaction aux marchés, l’Europe, soulignait récemment l’économiste Frédéric Lordon, « a décidé, contre toute logique économique, qu’il n’était pas d’autre voie pour stabiliser les dettes publiques que la restriction généralisée ».
Nous estimons pour notre part qu’il n’y a pas d’autre voie pour réduire le déficit public que la croissance, l’investissement et l’emploi.
M. Marc Dolez. Très bien !
M. Gaby Charroux. Nous approuvons, messieurs les ministres, les grandes orientations de votre politique fiscale. Nous jugeons en effet nécessaire, après des années d’errements clientélistes, d’œuvrer pour plus de justice fiscale. Le relèvement de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, le rétablissement du barème de l’ISF, la disparition du dispositif d’exonération de charges sociales sur les heures supplémentaires pour les entreprises de plus de vingt salariés, le plafonnement des niches fiscales à 10 000 euros, l’instauration d’une taxe de 3 % sur les dividendes distribués aux actionnaires, la réduction des abattements de succession des plus fortunés, l’augmentation de la taxation des stocks options – toutes ces mesures vont dans le bon sens.
M. Pascal Terrasse. Oui !
M. Gaby Charroux. Nous considérons toutefois qu’il faut aller plus loin en réhabilitant les impôts progressifs tels que l’impôt sur le revenu, aux puissantes vertus redistributives, et en réduisant en contrepartie l’influence des impôts proportionnels, indolores en apparence mais profondément injustes, comme la TVA. L’annonce de la suppression de la TVA dite « sociale » est à cet égard une excellente nouvelle.
Nous devrons aussi mettre en chantier une profonde refonte de l’impôt sur les sociétés. Il est indispensable de faire disparaître cette logique aberrante selon laquelle les entreprises de moins de dix salariés acquittent 30 % d’impôt sur les sociétés alors que les entreprises du CAC 40, par le jeu de l’optimisation fiscale, parviennent à ramener leur taux effectif à 8 %.
M. Marc Dolez. C’est vrai !
M. Gaby Charroux. Nous notons donc avec satisfaction votre volonté de vous attaquer à ces effets d’aubaine, comme à la fraude et à l’évasion fiscale. Nous en débattrons le temps venu.
S’agissant des mesures de relance de l’activité, vous avez formulé le vœu, monsieur le ministre, de relancer l’investissement des petites et moyennes entreprises grâce à une réforme de l’impôt sur les sociétés et du crédit impôt recherche d’une part, et d’autre part à la création d’une banque publique d’investissement avant la fin de l’année et à la réforme du secteur bancaire, de l’épargne réglementée et de la fiscalité de l’épargne.
Nous sommes a priori favorables à ces propositions tout en attendant des précisions, notamment quant au lien fiscal entre les territoires et les grandes entreprises qui y sont implantées, après la suppression de la taxe professionnelle.
D’ailleurs, je rappelle que nous militons depuis des années pour la création d’un grand pôle financier public. Nous avons aujourd’hui la possibilité, autour de la Caisse des dépôts et de la Banque postale – et de ses 322 milliards d’encours venant d’une clientèle très populaire et qui épargne beaucoup – de créer non seulement une banque qui financerait les communes et les départements, mais aussi un pôle bancaire susceptible de mobiliser l’épargne populaire au profit du tissu économique, de proposer des prêts à taux réduits pour les entreprises qui favorisent la création de richesses réelles ou l’investissement créateur d’emplois et enfin d’accompagner les entreprises dans leur transition écologique. Là aussi, l’enjeu est de taille.
Au terme de ce débat, vous aurez compris que si nous soutenons les premières orientations de votre politique fiscale, nous regrettons en revanche l’objectif d’une réduction arithmétique des dépenses publiques. Il n’est pas exact que le redressement du pays passe par le respect scrupuleux d’une règle d’équilibre des comptes publics.
Pour diminuer le poids de la dette publique, à nos yeux, il ne faut pas tailler dans des dépenses arbitrairement jugées improductives mais tourner le dos aux politiques libérales qui ont conduit à l’impasse où nous sommes.
Cela passe par une relance salariale, par une autre politique monétaire européenne, par le retour à une fiscalité progressive et redistributive et par une politique de relance budgétaire ciblée en fonction des besoins essentiels, qu’il s’agisse d’éducation, de santé ou de protection de l’environnement.
C’est la position qui sera défendue avec optimisme par notre groupe tout au long de ces prochains mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

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Gaby
Charroux

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