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Donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces

De l’avis de syndicats des douanes, la censure de l’article 60 du code des douanes par le Conseil constitutionnel couvait depuis longtemps, tant ce code était vieillissant. L’objectif immédiat de votre texte est d’établir – c’est heureux – de nouvelles modalités du droit de visite, équilibrées, qui garantissent à la fois les libertés individuelles et les moyens juridiques dont les douaniers ont besoin pour accomplir leur mission. Les douaniers l’attendent depuis longtemps, eux qui font tant et ont tant à faire non seulement face aux trafics, mais aussi face à la libéralisation échevelée des échanges, qui induit de la délinquance et de la contrebande. Leur travail est essentiel pour juguler la jungle. Je tiens à les saluer et à saluer leur engagement.

De manière plus large, ce texte vise à dépoussiérer le code des douanes, dont un bon nombre de dispositions pourraient, du fait de l’absence de procédure, subir le même sort que l’article 60. En la matière, nous regrettons qu’il soit de nouveau fait usage d’une ordonnance, l’article 15 faisant office de voiture-balai.

Le projet de loi aurait pu se borner à ces éléments de réécriture et de recodification. Toutefois, son titre lui assigne une tout autre ambition : donner les moyens à la douane de faire face aux nouvelles menaces. Or nous comprenons que ces nouvelles menaces sont avant tout inhérentes aux nouvelles missions qui incomberont désormais aux douanes, au détriment de leur cœur de métier.

Il nous semble essentiel de rappeler que les douanes constituent une administration fiscale et que, dans ce cadre, leurs missions visent avant tout à contrôler des marchandises et à recouvrer des taxes et des accises. Bien entendu, le contrôle des personnes existe, mais il s’agit de contrôler davantage un porteur de marchandises qu’une personne en tant que telle. Or la politique menée depuis 2017 a profondément modifié ce point de vue. Les missions de contrôle des personnes aux frontières se sont particulièrement développées ces dernières années, à tel point que les douanes assurent désormais seules les contrôles à certains points de passage frontaliers, en lieu et place de la police aux frontières (PAF).

Depuis l’instauration d’une réglementation européenne, en 2016, les douaniers sont considérés comme des garde-frontières. Ils sont ainsi pleinement intégrés à l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) et l’administration douanière mobilise régulièrement ses agents pour des missions aux frontières de l’Europe. Les douanes se voient même parfois confier des missions de maintien de l’ordre. Sur réquisition du préfet, qui peut recourir au prétexte du contrôle des stupéfiants, des agents des douanes sont parfois envoyés sur certains événements dans le seul but de compléter les effectifs policiers.

Depuis 2017, qui plus est, des lois de finances ont transféré à la DGFIP le contrôle et le recouvrement de certaines taxes, alors même que l’administration douanière possédait des compétences réelles dans ce domaine. Quant au contrôle des marchandises, celui-ci s’est profondément amenuisé, l’administration douanière n’étant plus capable d’assurer un maillage complet du territoire. Pour le couvrir dans son ensemble, il faudrait des effectifs supplémentaires ; ce serait le gage d’une plus grande efficience. En effet, la multiplication des échanges de marchandises accroît le risque de fraude, ce qui devrait appeler à une intensification des contrôles.

Monsieur le ministre délégué, vous l’avez indiqué vous-même lors de l’examen du texte en commission : si les prises augmentent, c’est parce que les trafics augmentent !

De ce changement de doctrine, vous déduisez des moyens à mobiliser. Là encore, nous ne pouvons souscrire à ce qui est prévu. Il existe certes de nouveaux moyens juridiques ou technologiques permettant de davantage contrôler les marchandises, mais ces moyens sont dévoyés pour d’autres missions. Ainsi en est-il des drones, utilisés aux frontières pour surveiller les mouvements de migrants. Au demeurant, quand bien même ces nouveaux moyens seraient utilisés à bon escient, ils ne sauraient se substituer aux moyens humains. Or près de 6 000 postes, soit près d’un quart des effectifs, ont été supprimés au cours des vingt dernières années. En la matière, nous pourrons mesurer l’effort réellement consenti lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2024.

Pour l’heure, ce projet de loi n’apporte rien sur la question des effectifs, si l’on excepte, bien sûr, la fameuse réserve opérationnelle douanière, qui fait l’objet de l’article 7. À ce sujet, l’étude d’impact a le mérite de la sincérité : elle indique clairement que la seule utilité de cette réserve sera de faire nombre lors des Jeux olympiques de 2024. C’est là un véritable cache-misère, qui, loin de constituer une solution, créera de nombreuses difficultés. Quelle sera la formation de ces réservistes ? Lorsqu’il s’agit de volontaires, ils n’ont aucune connaissance du métier. Sachant que les moyens humains manquent et que les agents vont devoir se former eux-mêmes aux nouvelles dispositions prévues par le projet de loi, qui pourra former ces réservistes ? Quelles missions assureront-ils, étant entendu qu’il sera désormais possible de les armer ? Toutes ces questions restent en suspens.

Malgré l’urgence de la recodification, compte tenu de l’absence de moyens humains pérennes et de la bascule que ce texte opère en ce qui concerne les missions des douanes, nous ne pourrons pas le soutenir.

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Nicolas
Sansu

Député de Cher (2ème circonscription)

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