Interventions

Discussions générales

Encadrement des mineurs délinquants

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Marc Dolez.
M. Marc Dolez. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en adoptant une question préalable, le Sénat a refusé d’examiner cette proposition de loi, considérant, comme nous l’avions nous-mêmes dénoncé en première lecture, que ce texte strictement idéologique, de pure communication politique, n’était guère amendable et qu’il devait être rejeté en bloc.
Cette proposition de loi soulève en effet bien des difficultés. Je reviendrai très rapidement sur celle, évoquée largement en première lecture, concernant la possibilité d’inciter un mineur délinquant à rejoindre un centre relevant de l’établissement public d’insertion de la défense en échange d’un abandon des poursuites, d’un ajournement de peine ou d’un sursis.
Notre crainte est grande en effet – et je vous rappelle, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, que c’est ce qui a fondé le rejet du texte par notre propre commission de la défense – que cette proposition de loi dénature les objectifs de l’EPIDE.
M. François Loncle. Très juste !
M. Marc Dolez. Réunir des jeunes volontaires en grande difficulté sociale et des mineurs délinquants ayant rejoint ces établissements dans le seul but d’échapper à la prison fait courir à ce dispositif d’insertion un véritable risque de déstabilisation.
M. Jacques Alain Bénisti. Absolument pas !
M. Marc Dolez. Pour notre part, nous sommes opposés à la transformation de fait de l’EPIDE en structure alternative à l’enfermement.
Je concentrerai davantage mes réflexions cet après-midi sur les problèmes posés par les dispositions relatives à l’organisation de la justice pénale des mineurs introduites par la commission des lois de notre Assemblée en première lecture, à la demande du Gouvernement.
Les paragraphes II et IV de l’article 6 de la proposition de loi visent à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 8 juillet 2011. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a estimé que le juge des enfants ne pouvait, sauf à violer le principe d’impartialité, présider le tribunal pour enfant lorsqu’il a été chargé d’accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et renvoyer le mineur devant cette juridiction. Il a en conséquence déclaré contraire à la Constitution l’article L. 251-3 du code de l’organisation judiciaire, lequel dispose que « le tribunal pour enfants est composé d’un juge des enfants, président, et de plusieurs assesseurs » tout en laissant un délai courant jusqu’au 1er janvier 2013 pour réformer la loi. Or, sans prendre le temps nécessaire de la réflexion et sans prendre le soin de consulter les représentants des organisations représentatives de magistrats, le Gouvernement se précipite pour modifier l’organisation actuelle des tribunaux pour enfants.
Comme le soulignent très justement et conjointement l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille et le syndicat de la magistrature, en proposant une « mutualisation » des tribunaux pour enfants, sans envisager d’octroyer des moyens supplémentaires et en éludant toute étude d’impact, « vous ne vous interrogez ni sur la manière dont des juges des enfants, déjà asphyxiés avec des greffes insuffisants, pourront désormais aller juger les dossiers dans des tribunaux distincts, ni sur la façon dont ils trouveront le temps nécessaire pour préparer les dossiers et se coordonner entre professionnels au sujet de mineurs qu’ils ne connaissent pas ». Comme l’a indiqué le rapporteur de la commission des lois du Sénat, les représentants des organisations représentatives de magistrats entendus ont souhaité, et nous nous associons à cette demande, la mise en place d’une réflexion approfondie sur la meilleure façon de concilier les exigences posées par le Conseil constitutionnel avec la nécessité de préserver la continuité du suivi éducatif des mineurs, qui constitue également une exigence constitutionnelle.
Avec l’article 6 de ce texte, vous tentez de contourner la décision du Conseil constitutionnel du 4 août 2011. Jugeant que le tribunal correctionnel pour mineurs, nouvelle juridiction introduite par la loi du 10 août 2011, ne pouvait pas être regardé comme une juridiction pénale spécialisée, le Conseil constitutionnel a considéré qu’il était indispensable, afin d’assurer le respect des principes constitutionnels, que le tribunal correctionnel des mineurs « soit saisi selon des procédures appropriées à la recherche du relèvement éducatif et moral des mineurs ». En conséquence, il a censuré la possibilité de saisir cette juridiction par la voie d’une procédure rapide de poursuite. En l’état du droit, tel qu’il entrera en vigueur le 1er janvier 2012, le tribunal correctionnel pour mineurs ne peut donc être saisi que sur renvoi d’un juge des enfants ou d’un juge d’instruction.
Le Gouvernement veut ici modifier cet état du droit, en ouvrant au parquet la possibilité de requérir la comparution du mineur devant le tribunal correctionnel pour mineurs dans un délai de dix jours à un mois. Or, comme le soulignent les magistrats, il paraît pour le moins irréaliste de considérer qu’un délai de dix jours à un mois serait compatible avec l’exigence posée par le Conseil constitutionnel de saisine du tribunal correctionnel pour mineurs « selon des procédures appropriées à la recherche du relèvement éducatif et moral des mineurs ».
En outre, les dispositions relatives à la saisine du tribunal correctionnel pour mineurs sont dépourvues de lien avec le texte en discussion et pourraient dès lors être regardées par le Conseil constitutionnel comme des cavaliers législatifs.
Cette proposition de loi est à la fois inutile et dangereuse, elle ne permettra en aucun cas de répondre au problème réel de la délinquance des mineurs. C’est pourquoi les députés du groupe GDR réaffirment ce soir leur opposition résolue à ce texte.

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Marc
Dolez

Député du Nord (17ème circonscription)
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