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Faciliter la mise en oeuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » - CMP

Lorsque la loi écoute, fait avec, se construit avec le consentement de ceux à qui elle s’applique, elle devient une force de mobilisation ; elle n’est plus seulement une force de contrainte. Le travail accompli depuis plusieurs mois sur la question de l’adaptation des objectifs ZAN, à la faveur de cette proposition de loi, en est, je crois, une illustration concrète.

Les maires, dont la charge devient un peu plus lourde chaque jour, face à la baisse de leurs moyens, au recul croissant des services publics et aux difficultés inhérentes à l’exercice de leurs missions, n’ont plus voulu retenir leur colère lorsque la question de l’artificialisation s’est surajoutée à d’autres charges et contraintes. Enjeu essentiel, la réduction de l’artificialisation est le principal moteur de l’érosion de la biodiversité. Cependant, si tous les maires avaient et ont conscience de cet impératif, et ont, pour beaucoup, agi depuis des décennies pour réduire l’empreinte du développement humain, ils ont dit « trop, c’est trop » à propos de la législation antérieure sur le ZAN.

Pourquoi ? La raison n’est pas qu’ils ne croiraient pas à la protection de la biodiversité. Elle est bien plus pratique : ils ont été pris dans une loi dogmatique pour laquelle on n’a pas assez fait de travail d’accompagnement ; ils ont été en butte à des décrets d’application opaques, rédigés à la va-vite et sans aucune concertation. Bref, ils ont été traités comme des exécutants serviles, écrasés par la main droite de l’État, alors que sa main gauche ne desserre pas l’étau en matière d’égalité et d’aménagement du territoire. Or, pour les projets en faveur du climat et de la biodiversité, on ne peut pas faire sans les maires ni les élus locaux. Je suis d’ailleurs convaincu qu’il est en ainsi dans un très grand nombre de domaines.

C’est à cette colère que la présente proposition de loi tente de répondre. Par un travail intelligent et pragmatique de collaboration – je tiens à saluer l’action du rapporteur –, nous sommes parvenus, je crois, à un texte équilibré, qui redonnera aux maires des capacités d’agir.

D’abord, la proposition de loi consacre le droit au projet des maires et, partant, réaffirme leur souveraineté en matière d’aménagement. La garantie rurale est ainsi, pour des milliers de petites communes, la promesse réelle de pouvoir continuer à vivre et à se développer. Au demeurant, son extension, décidée par la CMP, n’était pas nécessaire.

Ensuite, le texte confirme que les territoires auront davantage de temps pour s’adapter aux nouveaux objectifs et, surtout, disposeront de nouvelles instances pour discuter conjointement de ces enjeux. Même si sa composition a été un peu rabotée par la CMP, la commission régionale sera un nouvel organe utile aux territoires pour s’approprier lesdits enjeux.

Enfin, je le crois, la proposition de loi rassure sur la nature des futurs grands projets d’aménagement. Plusieurs territoires concernés étaient pris de sueurs froides. Grâce à ce texte, la liste des grands projets s’étoffe et s’éclaircit, et leur comptabilisation est séparée. Nous saluons le maintien, par la CMP, des dispositifs de prise en compte des aménagements induits, qui devront être mobilisés pour soutenir les élus locaux. Cela vaut en particulier pour un projet qui m’est cher, la construction de deux EPR – réacteurs pressurisés européens – à Penly.

Certes, la proposition de loi ne règle pas tout ; elle ne remédie pas aux erreurs congénitales de la politique d’aménagement ou de la répartition des compétences entre l’État, les régions et les communes. La région continuera à exercer une tutelle sur les autres collectivités dans la mesure où elle déterminera la répartition territoriale du ZAN. Néanmoins, le texte constitue un premier pas dans l’aménagement de règles vécues jusqu’à présent comme des freins.

D’autres discussions devront avoir lieu. Nous avons beaucoup milité pour que, de la Guyane à la Polynésie, les spécificités des outre-mer soient reconnues et gravées dans la loi, mais il y a encore des progrès à faire pour concrétiser cette reconnaissance. Il faudra aussi accompagner davantage les élus, en particulier en ce qui concerne les friches. Je vous le redis, monsieur le ministre, alors que le projet de loi relatif à l’industrie verte fait lui aussi l’impasse sur les questions fiscales et financières à propos des friches, il faudra que vous apportiez, dans le projet de loi de finance, des réponses concrètes à ce sujet. J’espère qu’un recours au 49.3 ne nous empêchera pas d’en débattre !

Ce devra être l’occasion de travailler sur les leviers fiscaux et financiers à mobiliser pour lutter contre l’extension des friches.

Le potentiel que représentent, pour l’aménagement, les friches industrielles et locatives ne doit pas être négligé. Au contraire, c’est probablement le point cardinal, la condition sine qua non de l’atteinte de nos objectifs de non-artificialisation. C’est d’ailleurs en mettant le paquet sur la réappropriation des friches, lorsqu’ils auront la main, que les députés écologistes, communistes et de La France insoumise pourront se retrouver.

À ce stade, les moyens sont insuffisants, pour ne pas dire ridicules. Seuls 750 millions d’euros ont été mobilisés depuis trois ans, au sein d’un fonds pour le recyclage des friches qui peine à servir d’outil d’appui aux collectivités locales. Quant à la fiscalité, elle demeure limitée et expérimentale.

En définitive, le groupe communiste est satisfait mais pas repu. Il votera pour ce texte mais nourrit des attentes fortes à l’égard des textes qui suivront.

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Sébastien
Jumel

Député de Seine-Maritime (6ème circonscription)

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