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Discussions générales

Nvelle lect. - Simplification du droit et allégement des démarches administratives

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les députés communistes, républicains et du parti de gauche persistent à considérer que cette proposition de loi dite de « simplification du droit » est inacceptable sur le fond comme sur la forme. C’est avec raison que nos collègues sénateurs l’ont rejetée avant toute discussion par une motion de renvoi des plus légitimes.
M. Michel Issindou. Très bien !
M. André Chassaigne. Les précédentes propositions de loi dites de simplification du droit ont montré le caractère éminemment néfaste de ce véhicule législatif. Non seulement cette proposition de loi totalise désormais plus de cent cinquante articles, mais en plus, nous devons l’examiner dans le cadre d’une procédure d’urgence !
Si l’objectif de simplification de notre droit ne paraît pas illégitime, il n’est, en revanche, pas acceptable de procéder de la sorte. En effet, le texte, déjà considérablement alourdi lors de son premier passage devant notre assemblée, a connu de nouveaux ajouts en commission.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Des ajouts visant à diminuer la charge de l’État !
M. André Chassaigne. De nouvelles velléités simplificatrices s’emparent sans cesse de nos collègues de l’UMP, dont la frénésie se traduit par l’ajout de monceaux de dispositions disparates à notre législation – ce qui revient finalement à la complexifier !
Nombre des prétendues simplifications figurant dans cette proposition de loi sont en réalité des réformes de fond. C’est également ce qu’a démontré la commission des lois de la haute assemblée, selon laquelle seul un article de la proposition de loi sur cinq opère une véritable simplification, tout le reste étant de « l’innovation » !
Il n’est pas sérieux de légiférer de la sorte. Procéder à d’innombrables modifications de fond sans concertation ni étude d’impact, en procédure accélérée, c’est encore participer à l’abaissement du rôle du Parlement. La forme seule justifierait donc l’opposition des députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche à ce fatras indescriptible.
M. Étienne Blanc, rapporteur. Merci pour le fatras !
M. André Chassaigne. Mais la forme n’est pas seule en cause : si l’on entre dans le détail du texte, on constate que nombre de dispositions posent gravement problème et doivent être abandonnées. Et s’il nous est impossible de revenir sur l’ensemble des sujets abordés tant ils sont nombreux, je voudrais tout de même tenter de signaler les dispositions qui, selon nous, sont les plus néfastes.
Le présent texte prétend d’abord « simplifier » un certain nombre de démarches inhérentes à la vie des entreprises. Mais ce prétexte cache, en réalité, de nouvelles entailles faites aux droits des salariés. Rien d’étonnant à cela, puisque les dérives de la simplification du droit depuis 2002 se retrouvent surtout dans le domaine du droit du travail. Alors même que la refonte du code du travail devait se faire à droit constant, elle a été, pour votre majorité, l’occasion de remettre en cause un certain nombre de règles fondamentales. Profitant de ce toilettage, vous vous êtes attachés, par exemple, à réduire la responsabilité des employeurs en effaçant la notion de subordination du salarié, qui avait un effet protecteur pour celui-ci.
Vous avez également bouleversé la hiérarchie des normes, en donnant aux accords d’entreprises une valeur supérieure aux accords de branches.
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Cela n’a rien à voir avec la présente proposition de loi !
M. André Chassaigne. J’ai bien dit que je parlais de votre action depuis 2002, monsieur le président de la commission.
Vous laissez ainsi les salariés, particulièrement ceux des PME, à la merci du chantage à l’emploi exercé par des chefs d’entreprise eux-mêmes soumis au chantage de donneurs d’ordres sans scrupules. En fait, vous avez systématiquement simplifié en alignant le droit du travail sur les demandes du grand timonier de votre politique, je veux parler du MEDEF.
Le texte que vous nous présentez ici est de la même veine, et fait appel à la même technique, consistant à actionner, mine de rien, de petits ressorts, afin de mettre en action de grosses machines. Citons le cas de l’article 40, qui gomme la distinction entre ce qui relève de la « modification du contrat de travail » et le « changement des conditions de travail », afin de permettre aux entreprises, dans une logique d’individualisation, d’appliquer sans difficulté un accord de modulation du temps de travail et d’imposer aux salariés des périodes hautes et basses sans leur accord. Avec cette mesure, vous occultez les conséquences de la réorganisation du travail, qui se traduit par l’intensification des tâches, le fractionnement des journées de travail et la perturbation des rythmes biologiques.
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. C’est tout le contraire !
M. André Chassaigne. L’article 46 réduit la fréquence de l’actualisation du document unique d’évaluation des risques professionnels dans les très petites entreprises. C’est un très mauvais signal, car il ne faut pas relâcher l’effort de prévention des risques professionnels. Or, c’est justement dans les petites structures que l’on trouve le plus de problèmes de cet ordre. Toutes les études mettent en lumière l’augmentation des accidents du travail en lien avec les exigences des donneurs d’ordres, dans leur course effrénée à la rentabilité.
Quant à l’article 48, il nécessitera que les inspecteurs du travail rendent compte aux employeurs des faits susceptibles de constituer une infraction qu’ils auraient commis, ce qui compliquera considérablement la tâche de ces inspecteurs, la faiblesse de leurs moyens ne leur permettant déjà pas de remplir leurs missions d’ordre public – il en est de même des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Cette mesure n’a évidemment aucun rapport, ni de près ni de loin, avec la simplification législative ou l’allégement administratif.
Je voudrais maintenant aborder les articles qui reviennent sur plusieurs avancées qui figuraient dans le Grenelle de l’environnement. La tactique de l’UMP n’est que trop claire : on vote un texte à grand renfort de publicité médiatique et d’autocongratulations, puis on le détricote petit à petit obscurément.
Premier recul : l’article 55 allonge le délai de mise en conformité des dispositifs publicitaires prévu dans la loi Grenelle II. Une fois de plus, les lobbies ont montré leur efficacité.
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. C’est un amendement !
M. André Chassaigne. L’article 56 permet à des entreprises privées de prendre en charge des installations hydrauliques, contrairement aux dispositions du Grenelle sur la continuité écologique.
L’article 56 bis pratique de nouvelles entailles dans le fonctionnement de la charte Natura 2000, alors qu’il existe d’ores et déjà de nombreux exemples de sites protégés qui sont endommagés.
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Ce n’est pas ce que vous dites dans votre département !
M. André Chassaigne. L’article 72 met en place le cabotage dans le transport de voyageurs par l’utilisation de lignes transnationales. Cette mise en concurrence des modes de transport et des salariés est, là encore, contradictoire avec les engagements du Grenelle.
L’article 72 bis autorise la circulation des poids lourds de 44 tonnes à cinq essieux. Les collectivités territoriales sont particulièrement inquiètes, puisque ce sont les départements qui devront financer les travaux de réfection des infrastructures routières endommagées par un tel trafic.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Oh non, pas ça, monsieur Chassaigne !
M. André Chassaigne. Les dépenses occasionnées sont estimées entre 400 et 500 millions d’euros par an. Il est à noter qu’aucun pays européen n’autorise une telle charge par essieu : 13 tonnes, contre 11,5 ailleurs. Je serais très curieux de savoir en quoi il s’agit d’une mesure de simplification. Mais ce que chacun sait, c’est qu’elle est en contradiction avec les objectifs du Grenelle, puisqu’elle conduira, selon la Cour des comptes, à une baisse des trafics fluviaux et ferroviaires évaluée entre 1,8 % et 2,5 %.
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Vous préférez des marchandises transportées sur des essieux étrangers et des chauffeurs routiers français au chômage ?
M. André Chassaigne. Lisez la communication de la Cour des comptes, qui a été rendue publique il y a une quinzaine de jours. Je me suis contenté de l’évoquer et de la mettre en relation avec ce texte censé alléger et simplifier, monsieur Warsmann !
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Et les chauffeurs français au chômage, que leur dites-vous ?
M. André Chassaigne. Dans le domaine du logement, nous nous inquiétons également des conséquences de l’article 84, qui facilite la vente du patrimoine HLM. Ce n’est pas de cette façon que nous répondrons à la crise du logement.
Par ailleurs, l’article 88, lui, autorise les collectivités territoriales à dépenser jusqu’à 15 000 euros de gré à gré, sans publicité ni mise en concurrence préalable, sans procédure de contrôle ni de traçabilité. Les possibilités de conflit d’intérêt risquent de se multiplier. C’est pourquoi il est impératif de revenir sur cette réforme de la commande publique.
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Quel manque de confiance dans les élus locaux !
M. André Chassaigne. Je n’ai pas de leçon à recevoir, même si vous êtes satisfait de votre texte. Vous me faites d’ailleurs penser à ces moines hilares sur les boîtes de camembert ! (Rires.)
L’examen du texte en commission a débouché sur l’ajout d’un article 92 bis A, préalablement inscrit dans une autre proposition de loi, relative aux conditions de sécurité des mineurs accueillis dans le cadre d’un séjour à l’étranger. Ce nouveau dispositif consiste à créer un statut exonérant du droit du travail en matière de temps de travail pour les personnels encadrant des séjours de vacances.
Comme nous l’avions dit au moment de l’examen de ce texte, cette solution d’urgence ne règle en rien les conditions de travail des salariés de l’animation, pas plus qu’il ne résout les problèmes que rencontrent les organisateurs de centres de vacances, les associations ou les collectivités territoriales.
En sortant totalement du cadre du droit du travail, il ne contribue certainement pas à améliorer la sécurité juridique des séjours. En revanche, il pourra certes satisfaire les organismes privés dont le métier est de vendre des vacances aux jeunes et qui pourront ainsi réduire leurs coûts, au détriment de la qualité de l’encadrement et de la sécurité des mineurs.
M. Étienne Blanc, rapporteur. C’est un peu excessif !
M. André Chassaigne. J’en termine en abordant un domaine où existe une très forte inquiétude : celui du statut des agences de presse, plus particulièrement celui de l’AFP.
Les salariés de l’Agence France Presse sont échaudés par les tentatives du Gouvernement de remettre en cause son statut sui generis, qui n’est ni public ni privé. Très mobilisés, ils entendent s’assurer que le système de financement de l’agence, via les abonnements, sera protégé.
M. André Chassaigne. Je relaie donc la position de l’intersyndicale pour que la rédaction finale de l’article 77 respecte bien cette exigence.
M. Étienne Blanc, rapporteur. C’est fait !
M. André Chassaigne. Tant que nous ne sommes pas sortis de cet hémicycle, ce qui est fait peut être défait. Je préfère donc préciser les choses. D’expérience, je sais très bien que quelques amendements peuvent arriver à des heures avancées et mettre tout par terre !
M. Étienne Blanc, rapporteur. Vous avez des exemples ?
M. Alain Vidalies. Il a raison, cela peut arriver !
M. André Chassaigne. On me dit donc que la position de l’intersyndicale va être prise en compte dans la rédaction finale de l’article 77. Cette position, je le rappelle, est la suivante : pas de retrait de l’État, qui équivaudrait à une privatisation, mais pas de tutelle de l’État, qui tuerait l’indépendance de l’AFP.
Il existe malheureusement nombre d’autres articles sur lesquels il faudrait revenir, mais je ne dispose pas du temps nécessaire. Vous aurez compris, chers collègues, que les députés communistes, républicains et du Parti de gauche forment le vœu que la simplification législative passe désormais par d’autres voies que celle-ci. Nous voterons évidemment contre ce texte que je qualifierai d’inacceptable.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)
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