Interventions

Discussions générales

PLFR pour 2012 (lecture définitive)

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Gaby Charroux.
M. Gaby Charroux. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je voudrais m’associer aux propos tenus sur la qualité du travail réalisé. C’est pour moi, au début de mon premier mandat, un plaisir de le souligner.
Nous achevons ce soir l’examen du projet de loi de finances rectificative avec le sentiment que ce texte inaugure, plus encore que le regrettable épisode des pigeons, un changement de cap qui nous préoccupe.
Les budgets d’austérité et le pacte de compétitivité ne vont pas, à l’évidence, dans le sens du changement plus marqué qui était attendu par nos concitoyens.
Comment ne pas s’interroger lorsque, d’un côté, le ministre du travail annonce qu’il n’y aura pas de nouveau coup de pouce au SMIC ni d’indexation sur la croissance comme l’avait promis le candidat François Hollande durant sa campagne, et que, de l’autre, le Gouvernement propose un crédit d’impôt aux entreprises à hauteur de 20 milliards d’euros, compensé par une hausse de la TVA que le Gouvernement et le Président de la République s’étaient pourtant engagés à ne pas bouger ?
On ne peut qu’être frappé par ce retournement, particulièrement à une période où s’accumulent les difficultés pour une majorité de nos concitoyens. Alors que le nombre de chômeurs explose au rythme de 1 500 emplois perdus par jour, que des millions de salariés subissent depuis des années la stagnation salariale et la difficulté croissante à boucler les fins de mois, à mettre de l’essence dans le réservoir, à payer le loyer ou les études de leurs enfants, cette décision ne nous paraît pas seulement inopportune mais radicalement en décalage avec les attentes.
Disant cela, nous ne voulons pas faire de mauvais procès. Nous ne négligeons pas les difficultés engendrées par dix années de politique de droite, qui se sont traduites par un million de chômeurs supplémentaires, 720 000 emplois supprimés dans l’industrie, une dette publique qui a quasiment doublé, passant de 900 à 1 700 milliards d’euros, 8,5 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. On pourrait, hélas, alourdir le tableau.
Nous ne négligeons pas la nécessité de redresser notre économie, de réparer les dégâts occasionnés par la gestion calamiteuse des précédents gouvernements.
Mais ce n’est pas en gardant l’œil rivé sur le coût du travail, considéré par le patronat comme l’une des principales causes des difficultés rencontrées à l’exportation, que nous y parviendrons. Ces trente dernières années, la part de la valeur ajoutée dévolue aux salariés a baissé et l’investissement stagne alors que la rémunération des capitaux est en constante augmentation.
Selon le rapport publié en octobre 2009 par le Conseil des prélèvements obligatoires, le coût du travail en France par unité de production, c’est-à-dire en tenant compte de la productivité, est l’un des plus faibles de la zone euro. C’est sur ce constat qu’il nous faut débattre si nous voulons résoudre l’équation.
La dégradation de notre industrie tient à d’autres facteurs, parmi lesquels la dichotomie de notre secteur industriel entre, d’un côté, de grands groupes très internationalisés qui jouent de moins en moins de rôle moteur pour l’économie nationale et, de l’autre, une myriade de petites et moyennes industries enfermées dans des relations de sous-traitance où la discussion sur les prix prime celle de la qualité et du contenu en innovation des produits proposés.
Cette dégradation tient encore à la financiarisation croissante que nous évoquions à l’instant et qui a fait disparaître la majeure partie des entreprises grandes et moyennes véritablement indépendantes, emportée dans le tourbillon des filialisations et des politiques de rachats systématiques dont l’unique objet n’était pas d’assurer la croissance des entreprises mais la recherche de la rentabilité maximale et immédiate.
Les difficultés de nos entreprises tiennent encore à la hausse qu’a subi l’euro face au dollar : alors qu’une heure de travail américaine coûtait 17 % de plus qu’une heure de travail française en 2000, elle en coûtait 14 % de moins en 2010. Elles tiennent aussi à la course effrénée au moins-disant salarial à laquelle se livrent les pays européens : en Irlande, par exemple, le coût du travail moyen est passé de 107 % du coût français à 92 % entre 2008 et 2012.
Cette concurrence est une conséquence de la rigidité de la politique monétaire européenne qui fait de la déflation compétitive la principale variable d’ajustement.
La France doit-elle s’engager à son tour dans cette course au moins-disant salarial ? Nous ne le pensons pas. Le risque est grand, en effet, qu’en transférant vers les ménages une partie de l’imposition des entreprises, nous n’alimentions une logique récessive, d’autant plus marquée que la volonté obstinée de ramener le déficit de 4,5 % à 3 % du PIB l’an prochain suscite elle-même des inquiétudes.
Nous ne devons pas perdre de vue que si l’économie de la zone euro ne s’est pas davantage repliée pour l’instant, nous ne le devons pas aux politiques d’austérité mais à la légère croissance de la consommation en France et en Allemagne. Si la consommation devait de nouveau chuter, la situation économique risquerait de s’aggraver en France et en Europe sans que les entreprises investissent davantage en raison des maigres perspectives de croissance.
La dépense fiscale du crédit d’impôt, appuyé sur un équivalent de masse salariale et gagé par des recettes de TVA, risque de demeurer sans effet, d’autant qu’elle n’est pas ciblée sur les entreprises qui en ont le plus besoin et qu’elle n’est pas conditionnée non plus de façon explicite et sans équivoque à la création d’emplois et à l’investissement productif. Nous ne partageons donc ni l’analyse faite sur ce sujet au cours du débat ni les réponses apportées.
Nous sommes d’autant moins disposés à les partager que cette hausse de la TVA, qui doit rapporter autour de 6,4 milliards d’euros en 2014, aura semble-t-il des incidences lourdes pour la population. Elle risque en outre de pénaliser gravement les services à la personne, le logement social, les artisans du bâtiment ou le cinéma.
Il y a manifestement nécessité de revoir de toute urgence cette réforme.
Telles sont, brièvement exposées, les raisons qui motivent notre impossibilité de voter pour ce projet de loi de finances rectificative.

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Gaby
Charroux

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