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PLFSS POUR 2013 (lect. définitive)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, qui arrive aujourd’hui en troisième et dernière lecture à l’Assemblée nationale, n’a guère évolué dans ses grandes lignes.
Dans le contexte très difficile que nous laissent dix ans de gestion du pays par la droite, nous ne négligeons pas les points positifs de ce texte, notamment : la prise en charge intégrale des IVG ; le renforcement des moyens de lutte contre le travail non déclaré, la réintroduction de la notion de service public hospitalier ; la fin, par voie de conséquence, de la convergence tarifaire entre les hôpitaux publics et les cliniques privées dont les responsabilités ne sont pas du tout les mêmes dans notre système de santé ; la création d’un contrat de praticien territorial de médecine générale, dont nous avons obtenu qu’il implique le respect des tarifs opposables.
Mais ce texte présente également de nombreuses lacunes et de nombreux points négatifs. Ainsi, nous persistons à regretter que le Gouvernement ne soit pas revenu sur les mesures les plus injustes prises par les gouvernements de droite, notamment : les franchises médicales, qui sont un frein à l’accès aux soins pour tous, en particulier pour les plus modestes de nos concitoyens ; la restriction de la prise en charge des malades atteints d’affections de longue durée – je pense à l’hypertension artérielle sévère ; le remplacement de l’allocation équivalent retraite, versée aux personnes ayant travaillé suffisamment longtemps pour prétendre à une retraite à taux plein sans avoir atteint l’âge légal de départ, par une allocation transitoire de solidarité quasiment inaccessible dans les faits tant les conditions d’accès sont restrictives. Je pense également à la fiscalisation des indemnités d’accidents du travail ou de maladie professionnelle.
Nous regrettons également, un certain nombre de mesures pour le moins surprenantes de la part d’un gouvernement de gauche, comme la taxation des retraités ou, à l’article 15 bis, l’exonération de cotisations AT-MP – accidents du travail et maladies professionnelles –, désormais possible pour certains travailleurs à temps partiel. Il s’agit là d’une première car, jusqu’à présent, aucun gouvernement, y compris de droite, n’avait osé toucher à la sanctuarisation des cotisations sociales AT-MP.
Nous regrettons, enfin, la persistance d’un déficit important et prévu pour durer et, surtout, l’absence de mesure pour y remédier.
À ce titre, nous approuvons totalement les conclusions du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie qui, dans son avis du 22 mars dernier, considère que le déficit récurrent de l’assurance-maladie n’est pas admissible et qui rappelle que « la gestion à l’équilibre, sans endettement, de nos budgets d’assurance maladie est une exigence qui découle des principes mêmes qui fondent notre solidarité face à la maladie ».
Pour atteindre cet équilibre, le Haut Conseil appelle tout d’abord à une mobilisation des « nombreux gisements d’efficacité du système ». Les pistes d’économie sont nombreuses. Concernant les seuls hôpitaux publics, elles ne passent pas obligatoirement par des suppressions de postes. Je citerai deux exemples d’inégale importance.
Créée dans la foulée de la loi HPST, l’Agence nationale d’appui à la performance est chargée d’apporter des conseils de gestion aux hôpitaux. Or, sur un budget de 52 millions d’euros, cette agence qui emploie 98 personnes a dépensé 35 millions pour commander des études à des cabinets privés : des études sur l’optimisation du fonctionnement du service d’imagerie de l’hôpital de Versailles ; sur l’optimisation des achats dans le CHU de Grenoble ou pour apprendre la gestion des ressources humaines à l’hôpital de Lens – qui doit être, sans doute, dépourvu d’un service de ressources humaines ; ou encore 1,6 million d’euros dépensés pour élaborer le projet médical aux Hospices civils de Lyon, comme s’il n’aurait pas été à la fois plus simple, plus économique et plus démocratique de solliciter les médecins eux-mêmes.
Car derrière ce qui constitue un véritable gâchis, il y a, surtout, un manque patent de confiance et de respect témoigné aux établissements concernés et à ceux qui y travaillent, dans la droite ligne de la loi HPST, loi extrêmement autoritaire qu’il convient de remettre en cause.
Autre exemple, celui du partenariat public-privé qui a présidé à la construction du centre hospitalier sud-francilien. Chaque année, l’agence régionale de santé verse entre 10 et 15 millions d’euros pour aider l’hôpital à payer son loyer au groupe privé Eiffage – une somme ponctionnée sur les enveloppes MIGAC de toute la région Île-de-France.
La Cour des comptes a calculé que l’hôpital sud-francilien aura coûté, à l’expiration du bail emphytéotique de trente ans, 1,188 milliard d’euros alors que le recours à une maîtrise publique financée par l’emprunt aurait coûté 757 millions d’euros : ce sont donc, sur trente ans, 431 millions qui auront été offerts au groupe Eiffage.
Mais le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie insiste aussi sur le fait qu’aucune remise à niveau d’équilibre ne pourra se faire sans une part de recettes nouvelles. C’est un point essentiel.
Pour notre part, nous avons pourtant fait plusieurs propositions en ce sens, notamment la modulation des cotisations sociales patronales en fonction de la politique salariale et de l’emploi des entreprises ou la conditionnalité des exonérations de ces cotisations toujours en fonction de la politique de l’emploi des entreprises : pour aider celles qui investissent et créent des emplois et pénaliser celles qui n’investissent pas, licencient et spéculent sur les marchés financiers.
Le Haut Conseil évoque également, comme piste de réflexion, une réforme de l’assiette des prélèvements. À ce titre, je voudrais revenir sur une autre de nos propositions qui consistait à créer une nouvelle contribution sociale assise sur les revenus financiers des entreprises et des établissements bancaires, des revenus qui à la différence de ceux du travail ne sont pas soumis à cotisations sociales.
Cette nouvelle contribution aurait permis de résorber rapidement les déficits de la protection sociale, voire de dégager d’importantes marges de manœuvre pour revenir sur certaines mesures négatives comme les franchises médicales ou desserrer le garrot budgétaire auquel sont soumis les hôpitaux.
En effet, si l’on appliquait les taux actuels de la cotisation patronale, nous pourrions dégager près de 80 milliards d’euros. Si l’on décidait de limiter l’application de cette mesure à la résorption du déficit prévu en 2013, un taux de 6 % serait suffisant. Il y a donc des idées et des marges de manœuvre.
En présentant le Haut Conseil du financement de la protection sociale qui vient d’être mis en place le 26 septembre dernier, le Premier ministre avait demandé d’identifier « différents scénarios permettant un financement de la protection sociale pesant moins sur le travail et juste dans la répartition des efforts demandés à chacun », et déploré que « 77 % du financement global de la protection sociale pèse sur les salaires ». Notre proposition de taxer la spéculation et non les salaires, de taxer les revenus financiers qui ne sont pas investis et non ceux du travail, permettrait d’atteindre cet objectif.
Hélas, vous l’avez refusée, arguant que vous attendiez les conclusions du Haut Conseil. Soit. Mais dans cette attente, le déficit s’aggrave alors que de premières dispositions auraient pu être prises.
C’est pour toutes ces raisons extrêmement préoccupantes, je ne vous le cache pas, que les députés Front de gauche se voient contraints de maintenir leur vote contre.

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Jacqueline
Fraysse

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