Interventions

Discussions générales

Pn abrogation majoration des droits à construire

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Patrice Carvalho. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la majoration des droits à construire fut un des derniers faits d’armes de Nicolas Sarkozy. Ce texte, voté en catastrophe par la droite avant les élections, autorisait les communes à mettre en œuvre une majoration de 30 % des droits à construire résultant des règles de constructibilité et d’occupation des sols.
Les députés communistes et du Parti de gauche ont voté contre ce cadeau de dernière minute aux promoteurs. Ils ont signifié leur vive opposition de forme et de fond à cette loi d’opportunité.
Nous nous félicitons que la possibilité d’abroger immédiatement ce dispositif soit donnée à notre Assemblée.
M. Daniel Fasquelle. Comme s’il n’y avait pas autre chose à faire !
M. Patrice Carvalho. En matière de logement, chacun le sait, la situation de notre pays est catastrophique. La droite est comptable de cette crise historique. Le projet de loi que nous nous apprêtons à abroger est d’ailleurs le symptôme de la gestion hasardeuse du précédent gouvernement.
Il manque aujourd’hui 900 000 logements en France ; 700 000 personnes sont privées d’habitation personnelle. Parmi elles, 133 000 sont SDF et 85 000 dorment dans des habitations de fortune ou au camping.
Alors que nos concitoyens voient leur pouvoir d’achat baisser,…
M. Daniel Fasquelle. Ça, avec la hausse de la CSG, c’est sûr !
M. Patrice Carvalho. …les dépenses pour se loger explosent. La spéculation immobilière, encouragée par des décennies de défiscalisation et de politiques complaisantes, assèche l’offre. Le financement du logement social est malmené.
Dans ce contexte, les décisions à prendre sont d’une tout autre nature que cette augmentation de 30 % des droits à construire, qui repose sur l’idée, chère à la droite, que la puissance publique n’a pas à financer la construction ou le logement social et qu’il suffit de laisser les coudées franches aux propriétaires et aux promoteurs pour réduire le mal-logement. De fait, le rapporteur de la commission des lois du Sénat l’a signalé, le nombre de communes ayant finalisé et donc validé la procédure de majoration s’élèverait, au début du mois de juillet, à… un.
En outre, « il n’a été porté à la connaissance du rapporteur » de la commission des lois du Sénat saisie pour avis, « aucun cas d’application de cette majoration dans les communautés urbaines dont on aurait pu légitimement penser qu’elles étaient les plus concernées par ce dispositif » ; ce sont les termes mêmes de son rapport.
S’il suffisait d’attendre le bon vouloir des bailleurs pour loger nos sans-abri, ça se saurait !
Au vu de ces premiers résultats, comment accorder le moindre crédit à la droite lorsqu’elle prétend que la mesure permettrait de faire sortir de terre 40 000 logements ?
Il faut dire que ce chiffre rond de 40 000 a été calculé par l’ancienne majorité avec une méthode bien particulière : il sera atteint si 66 % des communes concernées appliquent cette majoration à 50 % des projets en l’utilisant à 100 % de ses capacités pour des habitations de 100 mètres carrés en moyenne… On mesure le sérieux de ce chiffrage reposant sur pas moins de quatre hypothèses induites.
Quoi qu’il en soit, les chiffres dérisoires de la mise en application du dispositif montrent qu’il est rejeté par les élus locaux. Ils montrent aussi que cet accroissement de la constructibilité n’aura guère que des effets d’aubaine. Il sera possible à certains d’agrandir leur terrasse, de créer un parking ou d’ajouter une véranda au mépris des règles urbanistiques antérieures, mais ces petites facilités n’augmenteront en rien l’offre réelle de logement.
Tout au contraire, cette disposition risque bien d’inciter les propriétaires à la rétention : l’augmentation des droits à construire entraîne automatiquement une hausse de la valeur vénale des terrains, qui se répercute sur le prix de vente et de location des logements aux particuliers. Alors que rien dans la loi ne les incite à vendre, les propriétaires voient la valeur foncière de leur bien augmenter : pourquoi se sépareraient-ils subitement d’un placement qui fructifie ? On voit donc que la mesure, à l’inverse de l’effet recherché, porte le risque de ralentir un peu plus une offre de logement déjà peu dynamique en zone tendue.
Pire, si cette loi n’était pas abrogée, un effet inflationniste sur le prix des logements. À l’heure où les Français consacrent en moyenne près d’un tiers de leurs ressources à payer leur toit, les députés communistes et du Parti de gauche s’insurgent contre un mécanisme qui accroît les prix du foncier et nourrit donc un peu plus l’augmentation des loyers et des prix de vente.
Faut-il rappeler à l’ancienne majorité que le logement est le principal poste de dépense des ménages et que cela a des effets en cascade sur la vie quotidienne ? Cela oblige en effet bien souvent les familles à rogner sur l’alimentation et la santé mais aussi les transports ou les vacances.
Ce renchérissement aurait également des conséquences pour les collectivités locales et les bailleurs sociaux. Ces derniers, en particulier, verraient le coût de leurs programmes fortement alourdi. Dans un contexte de désengagement financier de l’État et d’assèchement des crédits bancaires, cette mesure réduirait d’autant leurs capacités de construction de logements sociaux. Ce serait d’autant plus absurde qu’une majoration de la constructibilité est déjà possible pour le parc social comme pour les logements à haute performance énergétique.
Vous le voyez, les arguments ne manquent pas pour voter très rapidement la suppression du dispositif des 30 %. Du reste, de nombreux sénateurs de la droite et du centre ne se sont pas opposés à cette abrogation, donnant discrètement quitus à la nouvelle majorité pour rattraper les errements du passé. Les députés communistes et du Parti de gauche appuient sans aucune réserve cette suppression.
Il nous semble d’ailleurs que la loi Boutin mériterait le même sort. Considérée par les organismes HLM comme un véritable désastre, elle a bouleversé le fonctionnement du parc social en lui appliquant des critères de financiarisation et en faisant exploser les surloyers. Aujourd’hui, bien des locataires sont littéralement écrasés par ces charges et la mixité sociale de l’habitat est plus que jamais menacée.
Cette loi a aggravé la précarité locative des locataires solvables en abaissant les plafonds de ressources et en instaurant des contrats de location de trois ans non renouvelables. À quand un projet de loi d’abrogation de la loi Boutin ? C’est une question que nous posons au Gouvernement.
Au cours de cette législature, les députés communistes et du Parti de Gauche feront des propositions en faveur du logement qui trancheront radicalement avec celles de la droite.
M. Antoine Herth. Il faudrait construire un jour, pas seulement détruire !
M. Patrice Carvalho. Nous proposons ainsi d’agir sur le financement du logement, suivant ainsi une logique inverse à celle du texte que nous abrogeons.
L’État devra d’abord restaurer le financement du logement social, malmené ces dix dernières années par la droite au pouvoir. Il faudra, pour ce faire, doubler le plafond du livret A, sans céder aux pressions du lobby bancaire qui cherche à préserver le rendement des placements spéculatifs et des produits financiers. Mais il faudra, dans le même temps, recentraliser la collecte du livret A à la Caisse des dépôts et consignations, afin que les sommes soient bien employées au financement du logement social et de l’accession sociale à la propriété.
Il faudra, face à la crise du logement, restaurer les aides à la pierre et rendre au 1 % logement sa dimension d’antan. Nous proposons, pour soutenir le logement social, de créer des prêts à taux bonifiés pour les bailleurs sociaux. Pas moins de 200 000 logements sociaux devraient être construits annuellement pendant cinq ans pour pourvoir aux besoins de la population !
Nous avons la conviction que les problèmes du logement ne pourront être résolus sans une large refonte des outils de financement. Mais nous proposons d’autres mesures, comme un véritable encadrement des loyers par bassin d’habitat. Le seul plafonnement des hausses de loyers à la relocation ne suffira pas à briser la spirale inflationniste !
Les députés que je représente promouvront aussi un renforcement de la loi SRU. La pénurie de logement actuelle confirme la pertinence de cette grande loi et rend nécessaire son approfondissement. La part des logements sociaux des communes situées dans les zones tendues doit augmenter, et les pénalités devenir réellement contraignantes.
Vous le voyez, les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de Gauche entendent prendre toute leur part au chantier de la résolution de la crise du logement. Pour tourner la page de la calamiteuse gestion de la droite en la matière, ils voteront sans réserve la présente proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Imprimer cet article

Patrice
Carvalho

Député de Oise (6ème circonscription)

Sur le même sujet

Développement durable

A la Une

Thématiques :

Pouvoir d’achat Affaires économiques Lois Finances Développement durable Affaires sociales Défense nationale Affaires étrangères Voir toutes les thématiques