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Discussions générales

Pn Généralisation du contrat à durée indéterminée à des fins d’employabilité

Le contrat de travail à temps partagé aux fins d’employabilité, censé favoriser l’insertion et la stabilité professionnelles pour les personnes très éloignées de l’emploi, a été introduit en 2018, à titre expérimental, dans le cadre de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Initialement prévue jusqu’au 31 décembre 2021, cette expérimentation a déjà été reconduite jusqu’au 31 décembre 2023.
À l’origine, le groupe Démocrate souhaitait inscrire ce dispositif dans le droit commun. Devant l’opposition ferme et unanime des organisations syndicales auditionnées par le rapporteur Nicolas Turquois, vous revenez devant nous avec une proposition de loi qui se limiterait à prolonger à nouveau l’expérimentation pour une durée de quatre ans. Cette expérimentation durerait donc huit années.
Par ailleurs, vous avez supprimé de la proposition de loi initiale les quelques dispositions qui encadraient mieux ce dispositif et qui visaient à sanctionner financièrement les employeurs qui ne respecteraient pas les termes du contrat aux fins d’employabilité. Votre ambition est de favoriser le plein emploi. Nous pensons aussi que le chômage est une calamité qui abîme de nombreuses vies. Mais l’emploi dégradé, sous-payé, sous-qualifié, sous pression est aussi une calamité qui abîme les travailleurs.
Ainsi, avant de décider de proroger pour quatre longues années l’expérimentation de ce contrat, il convient, à tout le moins, de savoir s’il atteint bien ses objectifs d’insertion professionnelle et de stabilité sociale. Or, vous le savez, nous ne disposons d’aucune évaluation précise. Bien que la loi de 2018 prévoyait une obligation de communication pour l’employeur des informations afférentes aux contrats signés, les remontées ont été très rares.
C’est pourquoi le ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion a confié à l’Igas une mission d’évaluation de l’expérimentation. Toutefois, de manière étrange, ce rapport ne sera rendu public qu’après le vote de cette proposition de loi. À l’heure actuelle, nous ignorons donc précisément combien de personnes bénéficient de ce contrat, qui elles sont, le niveau de qualification auquel elles sont recrutées, le niveau et le type de qualification qu’elles acquièrent dans le cadre du dispositif, la durée moyenne des contrats, la rémunération moyenne qu’ils stipulent. Nous n’avons même pas l’assurance que le salaire de base sera maintenu pendant les périodes d’intermission ni que l’accompagnement en matière de formation sera à la hauteur. Nous ignorons l’essentiel et le peu que nous savons n’est guère rassurant. Comme on dit en Auvergne : vous nous vendez un âne dans un sac.
Le contrat de travail à temps partagé à des fins d’employabilité est certes un CDI, mais il n’ouvre aux salariés que des droits restrictifs. Les entreprises à temps partagé n’appartiennent à aucune branche. Ainsi, les avantages et les protections liés aux branches n’existent pas pour ces salariés. Ce contrat est globalement régi par des règles très peu contraignantes pour les employeurs. Du reste, les rapporteurs de la mission flash sur les contrats de travail à temps partagé aux fins d’employabilité l’ont exprimé avec un certain cynisme. C’est un dispositif très flexible, mais qui, néanmoins, au vu des retours qui nous ont été faits, protègent quand même les travailleurs. Nous sommes en France, nous avons un droit du travail. Quel que soit le contrat, tous les jours, les gens peuvent saisir le conseil des prud’hommes.
Quel que soit le travailleur concerné mais, à plus forte raison encore, quand il s’agit de personnes éloignées de l’emploi, il n’est ni correct ni sérieux de justifier les méfaits de la flexibilité pour les salariés en les orientant vers les recours contentieux. Pour toutes ces raisons, nous ne souscrivons pas à une expérimentation qui sera prolongée de quatre ans. Une année – j’y insiste – nous paraîtrait largement suffisante afin de disposer du rapport de l’Igas et d’examiner avec les organisations syndicales la pertinence d’un tel contrat. Mme la ministre nous a dit que ce rapport serait rendu d’ici peu. Je ne vais pas reprendre Lénine (Mme la ministre sourit), mais je dirais : ne faites pas preuve d’une impatience petite-bourgeoise. (M. Hadrien Clouet et Mme Marie-Charlotte Garin applaudissent.)

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