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Pn moratoire sur le déploiement des megabassines

Ces dernières années, les conflits liés à la gestion de la ressource en eau et aux projets d’aménagement hydrauliques promus notamment par le milieu agricole se sont accentués – c’est un euphémisme. Ils sont la traduction de la préoccupation croissante causée par les effets du réchauffement climatique et par la nécessité d’assurer une gestion collective de la ressource en eau, ce bien commun indispensable à tous. Ils sont aussi l’expression d’une colère face à l’inaction des pouvoirs publics, qui refusent d’en faire un débat d’intérêt national, quitte à favoriser le pourrissement de situations pourtant révélatrices d’enjeux essentiels, allant même parfois jusqu’à une répression inadmissible et liberticide, comme à Sainte-Soline.

Les projections des modèles climatiques national et régionalisés produits par Météo-France convergent pour dessiner à la fois une trajectoire très probable de forte hausse des températures moyennes, une forte augmentation du nombre de jours de vagues de chaleur en été, une multiplication des épisodes de sécheresse et un renforcement du taux de précipitations extrêmes sur une large part du territoire. Le dérèglement climatique est bien là : il y a urgence, monsieur le ministre délégué.

À l’échelle des sept grands bassins versants, les agences de l’eau et les comités de bassin conduisent leurs travaux afin de renouveler les Sdage pour les cinq prochaines années. Des études prospectives à l’horizon 2050 sont également engagées. Les premiers scénarios soulèvent des inquiétudes quant à l’évolution et à la disponibilité future de la ressource en eau pour répondre aux différents usages. Face à cette situation, l’État ne peut continuer à renvoyer à l’échelon des sous-bassins versants ou des décideurs locaux la responsabilité d’arbitrer les projets privés de stockage, comme il l’a fait ces dernières années.

Le glissement opéré vers une gestion privée, voire individualisée, de la ressource en eau impose à l’État de reprendre le rôle qui doit être le sien en matière de planification de la gestion du grand cycle de l’eau. Seule cette voie permettra de retrouver de la cohérence et de la sérénité sur ce difficile dossier des mégabassines, mais aussi des bassines et des retenues.

Parmi les chantiers prioritaires à engager figure, nous le savons, l’indispensable maîtrise des consommations. Il faut financer massivement les investissements nécessaires au renouvellement rapide des réseaux et captages d’eau des collectivités et syndicats intercommunaux gestionnaires, bien au-delà des enveloppes et moyens déjà consentis. Les agences de l’eau ne doivent pas voir leurs ressources détournées. Mais ne soyons pas dupes : cette seule mesure ne réglera rien, ou si peu. Dans mon département du Cher, les usages agricoles représentent près de 60 % de la consommation totale d’eau, contre 18 % pour les consommateurs finaux – l’eau du robinet dans les habitations. Nous avons donc la responsabilité d’agir, car là où différents usages coexistent, il y aura conflit si nous n’y prenons pas garde.

En matière de stockage de la ressource, l’action publique de l’État doit porter prioritairement sur l’optimisation et la coordination de la gestion des nombreux ouvrages existants, mais aussi sur l’évaluation de l’intérêt et de la faisabilité de grands projets de réservoirs complémentaires, à l’image des projets d’aménagement conduits dans les années 1970 et 1980 dans le bassin de la Seine ou de la Loire. Il nous faut renouer, en la matière, avec une véritable politique d’aménagement du territoire – préoccupation délaissée par les libéraux.

Enfin, l’adaptation de notre agriculture au changement climatique appelle une planification au service de la transformation agroécologique de l’ensemble des systèmes de production. Comment aider les agriculteurs à bifurquer, à engager la mutation de leurs exploitations vers des productions moins gourmandes en eau, à favoriser les productions qui renforcent notre souveraineté alimentaire ? Cela passe notamment par le refus de signer des accords de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande ou le Mercosur, le Marché commun du Sud.

Un grand plan national pour l’avenir des sols agricoles doit faire partie intégrante de cette politique, afin d’augmenter la réserve utile en eau et de desserrer l’étau des contraintes technico-économiques qui pèsent sur les orientations et pratiques d’une majorité des agriculteurs. Par ailleurs, les mégabassines construites actuellement créent des conflits entre agriculteurs, selon que leurs exploitations sont irriguées ou non.

Au-delà du moratoire qui nous est proposé aujourd’hui et que nous approuvons, il est donc indispensable que s’ouvre un grand débat sur les chantiers prioritaires d’une gestion intégrée et démocratique de la ressource en eau. Seul un partage juste et équilibré de la ressource, adossé à une transformation en profondeur de nos modèles agricoles, permettra de sortir par le haut des conflits d’usage que les pouvoirs publics doivent arbitrer dans la transparence et la démocratie. Le moratoire proposé par nos collègues du groupe LFI nous offre l’occasion d’ouvrir ce grand débat. C’est pourquoi le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES votera ce texte sans aucune hésitation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

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Nicolas
Sansu

Député de Cher (2ème circonscription)

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