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Pn recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, tout est prêt – enfin ! –, pour adopter ce texte. Permettez-moi, tout d’abord, de dire ma profonde satisfaction et celle de l’ensemble des députés du Front de gauche…
Permettez-moi, tout d’abord, de dire ma profonde satisfaction et celle de l’ensemble des députés du Front de gauche de voir s’ouvrir devant nous, avec l’autorisation de la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires, ces nouveaux champs du possible.
Plusieurs années de débats et d’atermoiements ont jalonné ce parcours. Rien d’anormal me direz-vous sur un sujet aussi complexe touchant aux conceptions et convictions de chacun. Ce sujet, précisément pour ces raisons, ne laisse de place ni à la manipulation des idées des uns et des autres, ni à l’hypocrisie. Ce sujet, sans doute plus que d’autres, exige écoute, échange et respect, mais également le courage d’une prise de décision franche et claire.
À cet égard, je n’oublie pas que cette réforme est le fruit d’un engagement de campagne du Président de la République et je me réjouis de voir cette promesse prendre forme.
Certains insistent pour souligner qu’une telle loi n’est ni de droite ni de gauche. Très bien. Mais force est de constater que c’est bien la gauche qui propose aujourd’hui d’autoriser la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, alors que la droite s’est acharnée à l’interdire, notamment lors de la dernière loi relative à la bioéthique en 2011, et encore hélas aujourd’hui.
En 2013, interdire la recherche sur l’embryon tout en l’assortissant d’un système dérogatoire dans un grand pays comme la France, reconnu par la communauté scientifique internationale pour la qualité de ses travaux et de ses résultats est ubuesque. Oui, je le dis : c’est une aberration que personne ne comprend dans les grands laboratoires des pays avancés en la matière qu’il s’agisse des États-Unis, du Royaume-Uni ou du Japon, et qui porte atteinte à la recherche française.
L’un des spécialistes dans notre pays, Marc Peschanski, que nous avons d’ailleurs auditionné, le dit sans détour : « Le retard législatif français a été dramatique pour la création des équipes et la formation générale des chercheurs. »
Il est temps en effet d’autoriser cette recherche, en veillant bien sûr à ce qu’elle soit encadrée et contrôlée afin de prévenir et d’empêcher s’il le faut d’éventuelles dérives que personne ne souhaite.
Bien évidemment, les embryons comme les cellules souches ne sont pas des matériaux anodins.
Permettez-moi de vous rappeler ce principe élémentaire établi par le Comité consultatif national d’éthique : « La question éthique première est celle de la destruction de l’embryon humain et non la décision de réaliser des recherches sur les cellules après la destruction de l’embryon. »
Je ne m’étendrai pas sur les dispositifs d’encadrement que prévoit ce texte car ils ont été explicités par de précédents orateurs. Je considère que toutes les garanties sont apportées pour que le régime d’autorisation s’inscrive pleinement dans les recommandations issues des états généraux de la bioéthique de 2011 et du Comité national d’éthique.
Ainsi, à l’hypocrisie de notre système actuel – puisque pratiquement toutes les dérogations demandées sont accordées – s’ajoutent les contestations de plus en plus nombreuses devant les tribunaux qui lient les mains des chercheurs et de l’Agence de la biomédecine, laquelle est obligée de consacrer une part importante de son budget aux procédures judiciaires.
Concernant les cellules souches embryonnaires, certains affirment qu’il n’y aurait pas lieu de les utiliser puisque nous disposons à présent des cellules iPS obtenues à partir de cellules adultes génétiquement modifiées. Cette affirmation est une contre-vérité.
Le docteur Yamanaka lui-même, qui vient de recevoir le prix Nobel pour ses travaux dans ce domaine, le confirme. Ces cellules modifiées, si elles présentent certaines caractéristiques des cellules souches embryonnaires, en diffèrent cependant très sensiblement. Ce qui est à l’ordre du jour actuellement, c’est précisément l’étude comparée de ces différentes cellules, ce qui ouvrira, n’en doutons pas, un formidable champ nouveau pour la médecine dans le domaine des réparations tissulaires notamment, au service de la santé de nos concitoyens et, plus largement, au service de milliers de personnes qui placent dans cette recherche un immense espoir.
Oui, ces perspectives sont enthousiasmantes et je pense sincèrement qu’utiliser pour la recherche à visée thérapeutique des embryons surnuméraires ne faisant plus l’objet d’un projet parental est une occasion unique, si les donneurs en font le choix, d’associer ces embryons à une grande aventure humaine, celle des immenses possibilités que seules ces cellules permettent d’envisager.
Enfin, les chercheurs de notre pays vont pouvoir travailler dans un secteur où la recherche publique est essentielle puisqu’il s’agit encore, à cette étape, d’une recherche fondamentale pour laquelle les grands groupes privés n’ont que peu d’intérêt.
Je rappelle à cet égard que sur 61 dérogations accordées par l’Agence de la biomédecine, 57 concernent des protocoles de recherche publics, soit plus de 93 %. C’est dire, au passage, l’importance de donner des moyens suffisants à la recherche publique, qui a été bien malmenée ces dernières années par les choix ultralibéraux de la précédente majorité.
Nous avons entendu, venant du côté droit de cet hémicycle beaucoup de propos sévères et trop souvent caricaturaux concernant la recherche autorisée sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Des excès qui sont d’autant plus surprenants si l’on se souvient qu’en 2002, comme cela a déjà été dit, lors d’un premier vote sur le sujet dans cette assemblée, 51 députés de feu le groupe RPR s’étaient prononcés pour un régime d’autorisation encadrée. Parmi eux, je le répète car c’est assez succulent, MM. Christian Jacob, Nicolas Sarkozy, François Fillon, Alain Juppé, Bernard Accoyer et Mmes Alliot-Marie et Bachelot, sans oublier notre collègue Alain Milon, le rapporteur de la loi relative à la bioéthique en 2011, qui s’était également déclaré favorable à ce régime d’autorisation encadrée…
Autant d’éléments que je trouve plutôt rassurants : ils démontrent le caractère véritable de vos cris d’orfraie, essentiellement politiciens, ce qui est très dommageable, permettez-moi de vous le redire, et particulièrement sur un tel sujet.
Je veux croire que ce texte sera voté par toutes celles et tous ceux qui, au-delà des clivages partisans, ne veulent pas faire preuve d’obscurantisme (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et refusent d’interdire cette recherche comme on interdisait jadis les dissections et autres études sur le corps humain.
Je pense qu’il est grand temps aujourd’hui de trancher enfin cette question et de franchir ce pas. En tout état de cause, c’est avec enthousiasme que les députés du Front de gauche voteront ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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Jacqueline
Fraysse

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