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PnR dénonciation par les autorités françaises, de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968

À la lecture de cette proposition de résolution, nous comprenons vite qu’elle ne donnera pas lieu à des débats constructifs sur les liens unissant notre pays à l’Algérie. En effet, le fond de ce texte se limite à un objectif étriqué et rabougri : « Arrêter l’immigration de masse […]. » C’est à cela que vous résumez les relations étroites et complexes qui lient le peuple français au peuple algérien.

Nous aurions pu parler des partenariats culturels, des échanges universitaires et scientifiques ou de la nécessité de conduire un travail mémoriel commun sur l’histoire de nos deux pays, qui ne se résume pas aux flux migratoires auxquels vous voulez les réduire. Dans le climat médiatique nauséabond que nous connaissons, où les discours idéologiques d’extrême droite sont tenus librement, les membres du groupe Les Républicains font ainsi le choix malheureux d’en reprendre les thèmes et les termes.

La France et l’Algérie ont une histoire commune longue de plus d’un siècle. Pendant cent trente ans, Algériens et Français ont partagé une même nationalité.

Cette histoire a été profondément marquée par la violence de la colonisation, laquelle s’est matérialisée par des expropriations, des privations de liberté et une négation profonde de la dignité humaine par une domination politique, économique et culturelle qui a profondément blessé et humilié et qui a fait de nombreuses victimes. Cette histoire, nous devons l’assumer, en reconnaissant les faits et en ayant les mots pour la qualifier. Oui, la colonisation est un crime contre l’humanité et la décolonisation de l’Algérie qui s’ensuivit ne fut pas moins terrible.

Eu égard à ces années de colonisation au cours desquelles les Français d’Algérie circulaient librement sur l’ensemble du territoire français parce que les besoins en main-d’œuvre d’une économie en pleine expansion étaient importants, il n’est pas surprenant que les ressortissants algériens représentent aujourd’hui la première communauté étrangère dans notre pays.

Cela fait maintenant soixante ans que la guerre a pris fin et que l’Algérie a obtenu son indépendance.

(« Oui ! » sur quelques bancs du groupe RN.)

Cependant, les blessures ne cicatriseront pas sans un véritable travail mémoriel. L’ouverture des archives constitue à cet égard un combat utile et nécessaire, aussi bien pour comprendre notre histoire qu’œuvrer pour l’avenir de nos deux pays.

Je déplore donc que cette proposition de résolution ne participe pas à la restauration de relations diplomatiques sereines et respectueuses entre l’Algérie et la France.

Ce texte s’inscrit en outre dans le contexte de l’examen du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration – l’immigration étant devenue la seule boussole d’une droite en perte de repères.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.) L’accord franco-algérien de 1968 établit des conditions dérogatoires au droit commun s’agissant de la circulation, de l’emploi et du séjour en France des ressortissants algériens. Cet accord n’est pas injustifié : il a une raison d’être historique. Il ne prévoit donc pas de privilèges et constitue encore moins une anomalie : il est la conséquence d’une histoire commune qui demeure.

Je m’étonne d’ailleurs de la sélection des conditions dérogatoires que vous qualifiez d’avantageuses, car outre les exemples que vous citez, les ressortissants algériens n’ont pas accès à certains titres, tels que les passeports talent, les cartes de séjour pluriannuelles, ou encore les titres de séjour pour motif humanitaire auxquels ont normalement droit les victimes de la traite d’êtres humains ou de violences conjugales.

Et ne parlons pas des difficultés administratives auxquelles sont confrontés les étudiants algériens qui souhaitent venir étudier en France !

Notons d’ailleurs que le nombre de visas délivrés par la France aux ressortissants algériens a drastiquement baissé, passant de 412 000 en 2017 à seulement 131 000 en 2022.

N’oublions pas, enfin, les difficultés qu’éprouvent de nombreux Algériens nés Français sur le territoire algérien ou en France hexagonale, mais qui ont perdu leur première nationalité après l’indépendance de l’Algérie. Pour ces femmes et ces hommes, obtenir la réintégration dans leur nationalité d’origine relève du parcours du combattant, ce qui constitue une véritable injustice.

Ainsi, face à votre vision réductrice des relations entre nos deux pays, ce que nous souhaitons est plutôt de rebâtir un partenariat resserré, équilibré et empreint de respect, lequel reposerait sur ce qui rassemble nos deux peuples, qui ont tant en commun. Vous l’avez certainement deviné, le groupe GDR ne votera pas ce texte.

(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

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